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EAN : 9782845976436
156 pages
Textuel (01/03/2018)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Le territoire, lieu de réinvention du politique.
Et si les luttes contre des projets d’aménagement faisaient du territoire un creuset de réinvention du politique ? Derrière l’apparence d’enjeux locaux disparates, les auteurs de cet ouvrage discernent un seul et même mouvement porteur d’un projet de société refusant d’abandonner le territoire aux entreprises du CAC 40 et aux technocrates de l’État.
Cette vision, le collectif « Des plumes dans le goudron... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Re-politiser la question environnementale à partir des lieux menacés

Notre-dame-des-Landes, le récent abandon du projet d'aéroport, la Zad et en France et en Europe de « nombreuses luttes contre des projets tout aussi inutiles et imposés », des mobilisations territorialisées s'inscrivant dans une histoire longue, des actions de désobéissance civile, des occupations, des violences policières, « L'analyse par les conflits, que nous adoptons ici, permet d'avoir une lecture plus intégrée au paysage social et politique et d'éviter l'écueil d'isoler les objets supposés relever du champ de « l'environnement », un domaine considéré comme politiquement neutre », ce qui fait lien et/ou sens entre les différentes luttes de territoire, l'articulation de revendications locales et globales, la construction d'actions collectives et de projets alternatifs contre la « gouvernance » et la dépolitisation des enjeux.

Hier, en France, le Larzac, Plogoff, Creys-Malville ; Eau noire en Belgique ; des luttes aussi contre des barrages sur la Loire, la construction de pistes à Roissy, les développements de lignes grandes vitesses, le tunnel du Somport, le canal Rhin-Rhone, etc. Hier et aujourd'hui, des grands projets inutiles et imposés.

Les auteur·es abordent les coûts et les impacts, l'imaginaire sous-jacent, la question des besoins des populations, la définition de l'intérêt général, les partenariats publics-privés et les régimes de concession, la privatisation des services et des infrastructures, la corruption, les conflits d'intérêts, les trafics d'influence, les études minimalistes des impacts sur l'environnement, les décisions prises ailleurs…

Iels(elle et ils) détaillent des caractéristiques des mouvements de contestation, leurs singularités propres, les nouvelles formes de participation, le remodelage des frontières entre « la politique, la science et la subjectivité », les tentatives de discrédit des luttes autour du « pas dans mon jardin » (la défense de « privilèges » locaux) – NIMBY en anglais – ou d'enfermement des opposant·es dans « une position illégitime », les soit-disant arguments « rationnels et techniques » des « expert·es ». Il est donc important que les opposant·es développent des débats sur des solutions alternatives et le « ni ici, ni ailleurs ». Les auteur·esutilisent la notion de « résistance éclairée » et parlent, entre autres, de solidarités, de proximité, d'interactions sociales, de processus s'auto-renforçant, d'écologie et de ruralité mais aussi des tensions (sans aborder les réelles contradictions liées à l'imbrication des rapports sociaux ou aux temporalités). « Pour alimenter leurs arguments, les opposants, souvent profanes au début de la lutte en ce qui concernent les déchets, la prison, le nucléaire, les transports ou autre, acquièrent progressivement des connaissances diverses (scientifiques, techniques, juridiques, procédurales, vernaculaires ou institutionnelles) ».

Le temps de contre-expertises raisonnées, les échanges, l'attachement au lieu, « Les aménités territoriales ou singularités naturelles deviennent des emblèmes d'un monde à défendre ; on assiste alors à la « généralité des singularités » », la redécouverte de l'histoire des territoires, « les résistances aux infrastructures sur des territoires considérés comme ordinaires », les sentiments d'injustice, « la géographie des espaces sacrifiés », la construction de causes communes, la mise en forme d'« un bien commun universalisable ».

Les auteur·es soulignent que « l'intérêt général est une fiction », discutent de satiété versus croissance, de prédation des ressources naturelles, de besoins comblés (cependant, ce qui peut-être vrai pour une société, ne l'est pas pour chacun·e de ces membres – et il ne s'agit pas seulement d'inégalités de répartition), d'imaginaire du « toujours plus », de pari sur le futur, d'illusions technocrates. Je reste plus dubitatif sur le pronostic de réduction ou de stabilité des mobilités.

Je souligne les développements sur la mise en concurrence des territoires et des grandes métropoles, les impacts de la mondialisation… Reste que le terme « relocalisation » est ambigu, s'il s'agit de fermer des usines ailleurs (et donc de licencier d'autres salarié·es) cela ne peut représenter une alternative. Autre chose est de prôner des développements plus endogènes et de nouvelles formes de coopération (ce qui implique de lutter contre le néocolonialisme, y compris des entreprises « françaises »), la souveraineté alimentaire… Iels abordent aussi la soutenabilité écologique, l'irréversibilité des dégradations environnementales, l'incommensurabilité des valeurs liées à l'environnement, le réaménagement et/ou la réutilisation de l'existant, l'appréhension des risques contre l'optimisme technologique… Sont aussi interrogées les obsession de gains de temps (mais l'économie du travail), la notion de « gouvernance » venant de l'entreprise privée (En complément possible : Olivier Starquit : Les mots qui puent) mais il ne peut y être opposé un mythique Etat « porteur de l'intérêt général », la négation des conflits d'intérêts et la dépolitisation des choix, la référence à « un ordre naturel » prenant la forme d'un « ensemble de « lois du marché »résultant de la libre interaction des individus », les évaluations réduites aux évaluations monétarisées, le secret des affaires, la violence des exclusions, l'affaire Erri de Luca (lire : La parole contraire) , la mort de Remi Fraisse…

Ielsargumentent autour de la repolitisation des débats, de la défense des territoires ordinaires, « L'espace menacé est transformé par les nouvelles pratiques de ses défenseurs et, dans le même temps, cet espace transforment ceux qui le pratiquent au quotidien ou de façon plus ponctuelle », des discours contre-hégémoniques et des pratiques alternatives ou disruptives, de la place des habitant·es dans les espaces de vie, du « commun » créé par les luttes, de la dé-naturalisation des problèmes environnementaux pour s'attaquer à leurs causes profondes…

Certains points me paraissent plus que discutables dans leur survalorisation du local ou de l'« identité », des « affects » ou des « passions », et l'oubli des contradictions entre les groupes sociaux mobilisés ensemble contre les grands projets. Je ne partage pas non plus certaines notions et vocabulaires. Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un petit livre utile pour penser les aménagements possibles et nécessaires, prendre en compte les contraintes environnementales et climatiques, refuser la course infinie à la croissance technique, « ni ici ni ailleurs », redonner corps aux débats et aux choix démocratiques, penser et agir politiquement collectivement…

Reste une question, que je pose maintenant à toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l'accord de proximité, les citoyen·nes, les habitant·es, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes et interroger aussi, au prisme du genre, les conséquences des grands projets d'aménagement.



Le collectif Des plumes dans le goudron est composé de quatre chercheurs : Anahita Grisoni, sociologue et urbaniste ayant travaillé sur les mouvements No-Tav (mouvement de résistance contre le projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin) ; Julien Milanesi, maître de conférence en économie à l'université Toulouse 3 et co-réalisateur du documentaire L'intérêt général et moi sur les contestations aux projets d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, de Ligne à Grande Vitesse du Sud-Ouest et d'autoroute A65 ; Jérôme Pelenc, géographe, impliqué dans la lutte contre la maxi-prison de Haren à Bruxelles ; Léa Sébastien, géographe, maître de conférence en géographie à l'université Toulouse 2, ayant suivi pendant plus de 10 ans la lutte contre une décharge en Essonne.

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
L’analyse par les conflits, que nous adoptons ici, permet d’avoir une lecture plus intégrée au paysage social et politique et d’éviter l’écueil d’isoler les objets supposés relever du champ de « l’environnement », un domaine considéré comme politiquement neutre
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Pour alimenter leurs arguments, les opposants, souvent profanes au début de la lutte en ce qui concernent les déchets, la prison, le nucléaire, les transports ou autre, acquièrent progressivement des connaissances diverses (scientifiques, techniques, juridiques, procédurales, vernaculaires ou institutionnelles)
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L’espace menacé est transformé par les nouvelles pratiques de ses défenseurs et, dans le même temps, cet espace transforment ceux qui le pratiquent au quotidien ou de façon plus ponctuelle
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