Voici un livre savant par toutes les informations qu'il donne et d'une grande intelligence sur un sujet brûlant qui peut bien prêter à discussion auprès de nos adolescents (collèges et lycées) et à recommander à tous les adultes qui souhaitent argumenter en connaissance de cause sur ce thème.
Il a été édité par le Musée de l'homme suite à une toute aussi remarquable exposition qui s'est tenue en mars 2017.
Et les deux auteures y ont certainement mis tout leur coeur.
Marie Desplechin, bien connue chez nos jeunes lecteurs, y apporte un humour qui pince et l'illustratrice
Betty Bone vient par des contrepoints expressifs et drôles (parfois) compléter sa rigoureuse démarche. À ces deux approches ajoutons un choix iconographique très réussi (reproduction d'oeuvres d'art, estampes, planches de description naturaliste de faune, flore etc.. cartes geographiques, photos…), et nous avons là un livre facile à lire, dont la lecture m'a procuré un grand plaisir, et dans lequel j'ai appris énormément.
Mais comment est-il organisé ?
Chaque double page comporte à la fois texte et image dans une mise en page claire, agréable. Une vingtaine de thèmes sont abordés sous forme de titres, avec un fil conducteur historique et scientifique.
Historique d'abord.
L'auteure pense que c'est de ce côté qu'il faut chercher pour comprendre : « La race est une idée née en Europe il y a environ 300 ans ». Et elle développe alors comment on en est arrivé là. Elle passe en revue la conquête du Nouveau monde et « Que faire des Indiens d'Amérique ? » (…sinon les assassiner et piller leurs richesses ?), le commerce triangulaire, le code noir de
Louis XIV, la colonisation dont les races supérieures ont «un devoir de civiliser les races inférieures », comme le profère
Jules Ferry, le « délire nazi » etc…
Scientifique ensuite.
En commençant par poser que « les scientifiques ont prouvé, grâce aux outils de la génétique, que l'idée de la race n'a aucune valeur scientifique », les Sapiens sont une seule et même espèce, l'auteure rappelle ensuite avec précision les dérives des savants du XVIIIe lorsqu'ils se sont lancés dans les classifications de l'inanimé comme du vivant et donc de l'homme, et dans les mesures des crânes, cerveaux, squelettes à tout va, divaguant, et divisant ainsi encore plus les humains.
Les deux fils s'entretissent harmonieusement sans être didactiques pour montrer dans la partie finale comment le vieux concept de race est aujourd'hui « rafistolé avec de nouveaux habits » (on parlera de cultures différentes… par exemple) pour toujours produire du « NOUS contre EUX,
LES AUTRES ». Un NOUS « bien plus chouette » que EUX
LES AUTRES à qui on peut dès lors déclarer la guerre…ou bien leur assigner une place (de dominés) à laquelle on leur intime de rester.
Enfin chaque lecteur, est invité à se demander : « Et chez moi ? », comment ça se passe dans ma tête ? Mais « avec Sapiens, (surtout le « jeune Sapiens) », gardons l'espoir que « il remarque la petite pensée raciste, il sait le mal qu'elle peut faire, il s'en débarrasse, dans la poubelle des objets inutiles. Il se sent plus léger, tout à coup ».
Ainsi se termine ce remarquable livre court et solidement argumenté, à mettre entre toutes les mains.