Cette remarquable diversité a été longtemps contenue dans un espace impérial, celui de l'Empire ottoman, qui a donné une véritable cohérence à la Méditerranée orientale durant plus de quatre siècles. Solidement installé dans l'Europe balkanique dès le XVème siècle, la Sublime Porte règne bientôt sur trois continents après la défaite de l'Egypte mamelouke (1517). Cette unité organisationnelle, doublée d'une authentique tolérance envers les diverses communautés ethniques et religieuses composant l'Empire, commence à se craqueler au XIXème siècle avec l'intrusion croissante des puissances européennes. Animées par des motifs impérialistes, Grande-Bretagne, France et Russie tentent de prendre pied dans cet Empire qui entre progressivement en décadence. Elles le font au nom de la défense des chrétiens d'Orient (maronites pour la France, orthodoxes pour la Russie) et de ceux qui leur servent de substitut stratégique, les juifs (pour la Grande-Bretagne). Elles le font aussi sous le prétexte de défendre un principe qui aura raison de l'ordre ottoman traditionnel, celui des nationalités, principe qui deviendra par la suite celui d'autodétermination. En son nom, les provinces européennes (Grèce, Serbie, Bulgarie), puis arabes se dresseront contre Istanbul et précipiteront le démembrement de l'Empire ottoman.
Ce mode d'organisation de la différence confessionnelle n'a toutefois pas laissé les mêmes traces dans les Balkans et au Levant. Dans l'Europe balkanique, les communautés religieuses ont tout bonnement servi de fondement aux nations modernes. Etre bulgare, c'est reconnaître l'autorité du patriarche de Sofia; être serbe, celle du patriarche de Pec. En revanche, dans l'Orient arabe, le nationalisme n'a pas pris son essor à partir d'identités de nature religieuse mais sur un socle culturel (la langue arabe) afin de transcender la distinction entre chrétiens et musulmans. Une seule exception dans la région: l'Etat d'Israël, qui se fonde explicitement sur une identité confessionnelle recomposée sur une base nationale, par un phénomène migratoire. Dans les pays arabes du Moyen-Orient, le legs ottoman est repérable ailleurs: l'islam y est souvent religion d'Etat, les autres confessions gérant, partiellement, leurs communautés respectives, conformément au modèle du millet.
Le "nettoyage ethnique" n'est pas un accident de l'histoire, il est le corollaire de l'occidentalisation des Balkans et du Levant, la conséquence du passage du millet ottoman à la nation occidentale. Pourtant, même amoindrie, la diversité communautaire n'a pas, loin s'en faut, déserté la Méditerranée orientale.
Comment imaginer le futur d'Israël et de la Palestine après le massacre du 7 octobre et les bombardements qui meurtrissent depuis la bande de Gaza ? L'idée d'un État binational est-elle définitivement devenue obsolète dans chaque camp ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit :
Shlomo Sand, historien israélien
Alain Dieckhoff, sociologue
Visuel de la vignette : Ólafur Steinar Rye Gestsson/ Ritzay Scanpix / AFP
#israel #palestine #géopolitique
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