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Comment commencer cette chronique ? En m'étonnant du fait que ce ne soit qu'aujourd'hui que je lise mon premier roman de Boubacar Boris Diop ? Ou en saluant la qualité du regard de l'écrivain sénégalais sur le génocide tutsi au Rwanda ?

La première question pouvant être résolue rapidement, je vais la traiter avec le même empressement. J'ai abordé la littérature sénégalaise par le biais de ses auteures et je n'en suis jamais vraiment sorti, excepté avec Birago Diop. On mettra donc ma découverte tardive de Boubacar Boris Diop sur le dos des femmes de son pays (qui fréquente mon blog, comprendra l'allusion).

Pour abandonner ces aspects futiles, à la lecture de « Murambi, le livre des ossements » il est une évidence certaine, j'aurai, Dieu voulant, l'occasion de relire cet auteur pertinent et courageux. Je le dis en me remémorant tous les livres que j'ai lus sur le génocide tutsi au Rwanda qui furent produits à la suite de la résidence d'écriture au Rwanda en 1998 organisée par Nocky Djedanoum sur le thème « écrire par devoir de mémoire ». Car si chacun de ces livres porte un regard singulier, une capacité à transposer dans un projet littéraire, des expériences de vie uniques en lien avec cette tragédie, le roman de Boubacar Boris Diop est celui, qui au-delà de l'émotion qu'il suscite, a une approche qui porte le plus un discours politique, une désignation claire des bourreaux et des victimes, une accusation franche et sans ambiguïté de la collusion française avec des responsables du génocide.

Avant de donner un point de vue, il me faut d'abord présenter ce roman à la structure éclatée qui commence par une série de regards qui replongent le lecteur dans l'atmosphère électrique qui précède les événements douloureux. Un contexte nauséeux où les bourreaux attendent, les victimes pressentent le piège qui va s'abattre sur elles. Chaque voix parle à la première personne. Et le lecteur perçoit intimement sous la plume du romancier l'horreur qui point au jour. Il perçoit intérieurement. Au milieu de ces différents témoignages déroutants, il y a Jessica, une femme, agent infiltré du FPR. Il y a Stanley. Ils sont amis.
Plusieurs années après, ils se retrouvent autour de Cornélius, le troisième larron de leur bande d'enfants de jadis. Cornélius revient de Djibouti, d'où il a vécu le génocide. Toute sa famille a disparu. du moins, c'est ce qu'il pense en rentrant au Rwanda, où il se doit de retourner à Murambi, fief familial où l'attend son oncle, le vieux Siméon. Ce qu'il va découvrir au sujet de sa famille, en particulier de son père, va remettre en cause toute sa vision du monde…

Entendons-nous, il est extrêmement délicat de commenter un tel livre, un tel sujet. Je pense que Boubacar Boris Diop réussit à la fois à transmettre quelque chose sur la folie de ce qui s'est passée, mais également sur comment on vit après cela, en particulier quand on doit porter le poids des fautes des autres, le tout en évoquant l'historique lointain ou immédiat pour tenter d'expliquer l'inexplicable. Plus que dans les autres ouvrages qui traitent de la question, la prise de position du romancier est nette. Les désignations ne sont pas masquées. Les nuances semblent trop dangereuses. Murambi, le livre des ossements parle à ceux qui veulent en savoir d'avantage. Je ne peux pas être plus long sur cet ouvrage. Certains aspects de la narration peuvent être lus, mais ne peuvent pas être exprimés ou commentés hors du contexte de ce livre. Aussi, je m'arrêterai sur ce, en espérant que vous lirez ce livre. Parce c'est nécessaire.

Bien à vous,

Boubacar Boris Diop, Murambi, le livre des ossements
Lien : http://gangoueus.blogspot.fr..
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Une grande voix africaine pour aider à la compréhension de l'horreur...

Quatre ans après le génocide rwandais, et alors que seuls ou presque des Occidentaux s'étaient penchés sur cette horreur, plusieurs écrivains africains organisèrent une résidence collective pour travailler sur une parole à ce propos. le Sénégalais Boubacar Boris Diop, auteur notamment du grand "Les tambours de la mémoire" (1991), publiait en 2000 son travail issu de ce rassemblement : "Murambi, le livre des ossements".

Récit du retour d'un Rwandais exilé à Djibouti, découvrant, après le génocide, que son père fut l'un des pires bourreaux hutus - responsable notamment du massacre (authentique) de l'École Technique de Murambi, où plusieurs dizaines de milliers de Tutsi furent rassemblés pour être exterminés, et où se trouve aujourd'hui le principal mémorial du génocide.

Roman terrible, qui pose au fond les mêmes questions que Jean Hatzfeld dans sa trilogie rwandaise, sous un angle différent, avec une rage beaucoup plus forte, même si elle y est romanesque, et non journalistique - mais reposant néanmoins sur de nombreux témoignages recueillis sur place en 1998.

La postface, entièrement écrite à l'occasion de la réédition de 2011, est précieuse : "Parti au Rwanda "par devoir de mémoire", je n'ai voulu abandonner personne sur le bord de la route. J'avais découvert, chemin faisant, ceci qui m'a paru fondamental : si un génocide aussi spectaculaire que celui des Tutsi du Rwanda implique des masses hurlantes d'hommes et de femmes pris au piège d'une panique collective sans nom, chacun n'entend, dans ce formidable chambardement, que les battements de son coeur, dans une soudaine et affreuse proximité avec sa propre mort. Il fallait aussi dire cette solitude des êtres livrés à eux-mêmes, parfois bien plus effroyable, à y regarder de plus près, que la sanglante pagaille alentour. Si j'ai en définitive choisi l'histoire que l'on vient de lire, c'est parce que je dois une autre leçon, tout aussi essentielle, au Rwanda : le crime de génocide est commis par les pères mais il est expié par les fils..."

D'une très grande voix africaine, un récit essentiel dans la quête d'une compréhension de l'horreur...
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Une enquête, un témoignage, un devoir de mémoire, un roman. le livre des ossements c'est tout cela à la fois. C'est surtout des visages, des vies, des noms. Massacrés, génocidés, exilés, traumatisés. 1994, cent jours, un océan de sang, de terreurs , 800 000 tutsis furent massacrés. Les mots de Boubacar Boris Diop nous placent aux côtés de ces visages, de ces noms. Retraçant avec clarté l'histoire qui mena à cette boucherie, éclairant les faits tels qui furent vécus à travers des témoignages recueillis auprès des victimes, faisant apparaître la pluralité d'un peuple, soulignant la responsabilité de la colonisation et des relations post- coloniales qui en suivirent, l'auteur nous transmet une mémoire forte, puissante, où l'humanité ne disparaît jamais.
L'auteur n'a pas trahi leurs souffrances.

Astrid Shriqui Garain
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Rwanda , 1994 , dernier génocide en date. Des hommes , des femmes se croisent , se perdent , se retrouvent pendant l'une des dernières tentatives d'annihilation d'un groupe éthnique par un autre sous le regard amusé des grandes puissances occidentales. Roman polyphonique , l'histoire du massacre des Tutsi par les membres des Interahamwe , la milice des massacreurs du Hutu Power , est né à la suite d'une expérience: Rwanda : écrire par devoir de mémoire. Boubacar Boris Diop a choisi de raconter ces évènements sous la forme d'un roman en mettant en scène différents protagonistes , les bons comme les méchants , sans jamais porter un jugement sentencieux. Il s'applique à démonter les méchanismes de la réussite d'une telle entreprise sans que cela n'émeuve le reste du monde.

La transmission générationelle et l'entretien des haines avérées ou non est l'une des composantes essentielles pour mener un tel projet à bout. Tous attendent le coup de sifflet pour laisser parler librement la cruauté tapie en eux. Des voisins, des amis, des membres de la même famille s'étrippent joyeusement au nom d'une différence éthnique. C'est l'heure des règlements de comptes, alors! que chacun accomplisse son devoir en se réfugiant derrière la plus incroyable des excuses: se sentir investi d'une mission quasi divine, de celle qui exige que l'on lave un prétendu affront en répandant la terreur et la haine raciale. Eradiquer certes, encore faut-il faire souffrir au- delà de toutes limites puisque c'est si gentiment demandé. Voire conseillé sous peine de représailles. Outre l'entretien d'une mémoire basée sur la mesquinerie / l'indigence morale, éthique et intellectuelle, il est facile de s'appuyer sur les plus démunis pour se vautrer avec délectation dans un cynisme aveugle. Sans conscience car sans états d'âmes. La haine a la logique du sang. Ce qui s'est passé en 1994 est une répétiton des évènements de 1959; les raisons en sont inchangées. Pourquoi un lynchage programmé n'a pu être arrêté? Comment est-ce possible qu'une telle horreur ait vu le jour? Il y a un parallèle entre cet épisode et celui que toute une nation a subi pendant la deuxième guerre mondiale. Pour ma part je n'y vois aucune différence, un meurtre reste un meurtre et aucune raison officielle ou officieuse ne peut excuser ce genre de comportements. Cet acharnement à toujours faire ressurgir le pire qu'il y a en nous en nous absolvant par avance nos fautes me sidère. Je juge , oui , car je constate que tous les efforts fournis par les différents » gardiens de la mémoire de l'humanité » sont toujours balayés d'un revers de la main dés que l'on peut assouvir en toute impunité nos plus bas instincts. Sommes-nous si cons que cela ou partageons-nous le même temps de mémoire que les poissons rouges, à peu près 3 secondes? Entre les livres, les documentaires, les monuments, les films, de telles atrocités se perpétuent et ont encore de beaux jours devant elles. Car il suffit de peu de choses pour que l'histoire se répète.

A la fin de ce livre, j'ai lu LA VAGUE de Todd Strasser. Nous sommes en 1969, aux Etats-Unis. Les horreurs de la dernière guerre sont encore proches. D'ailleurs, c'est le sujet d'étude dans ce lycée. Pour démontrer que ce genre de saloperies peut naître à tout moment, un professeur décide de reprendre les mécanismes qui ont fait le succés du nazisme en créant un mouvement expérimental au slogan fort : LA FORCE PAR LA DISCIPLINE, LA FORCE PAR LA COMMUNAUTE, LA FORCE PAR L'ACTION et réussit à transformer des élèves intelligents, instruits, libres penseurs en parfaits petits dictateurs d'une docilité effarante. Ce qui n'était qu'un jeu au départ se transforme en un dangeureux cauchemar. La propagation de ces idées est relayée par un excellent organisme médiatique ( un journal), un recrutement méticuleux, des réunions « secrètes », par l'éviction de toute personne ayant un tant soit peu un esprit critique, par des dénonciations, par l'incitation à la haine……. et surtout par l'absolue conviction d'être 1) un être supérieur, 2) être dans le vrai. Cette lecture m'a perturbée car elle me démontre que l'éducation, l'instruction, la curiosité, l'envie de s'améliorer sont des valeurs qui n'ont aucune chance devant la folie, au sens pathologique du mot, de certains. Parait-il que le monde a été créé par des fous pour que des sages y vivent?! J'en sais rien mais je garde l'espoir que l'on ne les décapitera pas tous afin que des générations futures puissent bénéficier de cette petite lumière que nous continuons inlassablement à éteindre. Sans doute par fainéantise et surtout parce que c'est bien plus simple quand l'autre réfléchit à notre place.

Je digresse…… Les personnages sont tous bouleversants mais celui qui m'a le plus ému c'est ce fils qui après des années d'exile revient au Rwanda pour apprendre que son père est non seulement responsable du meutre de sa propre famille mais qu'il est l'instigateur du plus grand charnier du pays. Comment vivre en sachant que le même sang coule dans ses veines? Comment s'en sort-on? La postface est très instructive car il y fait le bilan de tout le travail entrepris par les organisateurs de ce projet et des répercussions que cela a eu dans les différentes parties du monde. C'est un livre d'apprentissage, un autre legs pour que ce genre de chose n'arrive plus jamais. Un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir.

A l'attention de Simon with all my love!
Lien : http://www.immobiletrips.com..
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Dans le cadre d'une résidence d'artistes « Rwanda, écrire par devoir de mémoire » (1998), quelques années après le génocide, Boubacar Boris Diop dresse plusieurs portraits du génocide avec une distance pudique (il est né au Sénégal). Chaque personnage est un portrait, mais aussi un point de vue étudié magistralement. Ce qui permet de révéler la réalité de l'isolement humain lors de ce drame du XXe siècle.
Un roman sobre et marquant.

« La Coupe du monde de football allait bientôt débuter aux Etats-Unis. Rien d'autre n'intéressait la planète. Et, de toute façon, quoi qu'il arrive au Rwanda, ce serait toujours pour les gens la même vieille histoire de nègres en train de se taper dessus. »
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Parce qu'à 19 ans, on reste traumatisé par le fait qu'un génocide puisse encore se passer sans que personne ne bouge le petit doigt, qu'il a même été si ce n'est encouragé, tout du moins laissé faire voire préparé par une grande force internationale de l'époque, bref, notre propre pays.
Parce qu'aujourd'hui encore, je ne comprends toujours pas pourquoi rien n'a été fait, pourquoi on a laissé une population tuer quasiment 1 million de personnes en 3 mois, parce que ça m'effraie qu'après le plus jamais ça du génocide juif par les nazis, une telle chose se reproduise même pas 50 ans plus tard, parce que j'ai peur de ce que ça implique comme état d'esprit sur l'importance d'une vie africaine par rapport à la notre et que cela ne me rassure pas sur la nature humaine face aux intérêts financiers et de pouvoir, j'essaie depuis cette date de trouver des explications.
Je lis tout ce que je peux sur ce génocide, des auteurs africains, européens, des essaies, des témoignages, des hommes politiques, des militaires qui ont fait parti de l'opération Turquoise, des survivants et des génocidaires mais ma conclusion est toujours celle-ci: l'être humain est incroyablement cruel et cynique.
Comme cette conclusion ne me convient pas (éternelle optimiste je suppose), je continue de lire et je tombe sur ce livre plus que nécessaire, magnifique, horrible par certains passages mais si réalistes.
L'auteur nous dépeint toute la mesure de ce génocide grâce à des portraits de personnages qui ont tous eu un rôle proche ou lointain de cette tragédie, l'ont vécu différemment selon leur bord, et forcément le racontent aussi différemment.
C'est un coup de poing dans le plexus, prenez votre respiration et allez-y.
Un livre nécessaire!
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Comme il est doux de se persuader qu'il n'y a pas meilleur moyen d'apprendre l'histoire qu'au travers du roman, juste parce que tous les gardes-fous qui entourent la science finissent par assécher complètement ses sujets en les objectivant précisément.
Ce roman en est un parfait exemple donc, dans lequel, pour la première fois, j'ai pu lire précisément, entre autres aspects, la position française dans le génocide du Rwanda.
Quel soulagement!
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Lire ce livre, c'est lire une page d'histoire inhumaine, c'est la cruauté. C'est aussi une mémoire.
Il faut avoir le cœur bien accroché pour lire ces deux cent pages. Un roman très bien documenté qui raconte aux travers plusieurs personnages, l'avant, le pendant et l'après génocide. C'est une écriture efficace, simple et juste.
Pas de parti pris, pas de jugement.
Les personnages de Jessica et de Simeon amènent de la sagesse et de la lumière dans ce livre sombre.
Un roman marquant et riche
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En découvrant l'ouvrage, je me suis demandée comment on pouvait mettre des mots sur une tragédie aussi terrible que le génocide rwandais. Mais ce livre d'une grande profondeur et d'une grande retenue le fait, en racontant, tout simplement, avec justesse et sobriété. Roman polyphonique, il alterne personnages et points de vue des antagonistes, descriptions et récits individuels, nous faisant prendre progressivement conscience de l'ampleur et de la complexité du drame, à l'instar de son personnage principal, Cornélius, écho de l'auteur lui-même. le roman laisse ainsi avant tout le champ libre au témoignage, matière première qui a servi à sa construction, comme le raconte l'auteur dans la passionnante postface adjointe à la dernière édition poche chez Zulma. Jessica et Siméon en particulier, personnages lumineux qui portent l'espoir en leur coeur, restent longtemps en tête une fois le livre refermé.
Lien : https://www.exploratology.com/
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Deuxième lecture! Toujours même plaisir. J'avais lu "La mort ne veut plus de moi" de Yolande Mukagasana, un autre terrible livre sur le génocide rwandais. La simplicité avec laquelle on dit la violence fait que chaque mot te touche directement en plein coeur. On réalise alors que Rwanda n'est pas si loin de nous.


Lien : http://tatobook.blogspot.com
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