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EAN : 9782738149527
238 pages
Odile Jacob (20/11/2019)
3.94/5   40 notes
Résumé :
Ce livre est un cri d’alarme.
Oui, certaines femmes regrettent d’être mère.
Elles aiment leurs enfants, mais elles ont aussi besoin de s’exprimer par elles-mêmes, de s’épanouir, de réussir.
Il n’est pas toujours facile de concilier le fait d’être mère et celui d’être une femme qui se réalise.

L’idée même que l’on puisse concevoir du regret d’être mère peut être troublante. Orna Donath a interrogé de nombreuses femmes pour ce livre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Voici une autre lecture suggérée par les essais de Mona Chollet sur un sujet encore tabou, inexprimé et donc difficilement verbalisable de la condition féminine : le regret d'avoir enfanté. À noter que ce regret, dans la manière dont il a été exprimé par la très grande majorité des femmes concernées, ne comporte ni un désamour pour leurs enfants (qui pourrait se pousser, dans sa forme la plus extrême, jusqu'au fantasme de leur disparition, très rarement mentionné), ni des comportements de maltraitance ou de négligence de la fonction maternelle (« motherhood ») - lesquels sont hélas bien attestés dans la réalité, mais n'apparaissent dans aucun témoignage ci-inclus. Il est question au contraire d'un rejet du « rôle maternel » socialement assigné, qui objectivise la mère en tant que pourvoyeuse de soin pour l'enfant et qui répond à des injonctions patriarcales et politico-sociétales notamment dans des sociétés natalistes, au lieu d'embrasser une vision subjectivante de la maternité en tant que « relation » humaine, dans tout ce qu'une relation possède de dynamique et de volontaire.
L'enquête sociologique ici présentée adopte la méthode qualitative par recrutement informel (forum en ligne et articles dans les médias, « bouche-à-oreille », « boule de neige »), et les rencontres individuelles n'ont abouti que sur 23 témoignages retenus, de femmes israéliennes juives, de différents âges, conditions sociales, et autres marqueurs socio-économiques. Si cette méthode est certainement la plus apte à faire ressortir le plus grand nombre de nuances et le meilleur approfondissement dans l'expression des divers points de vue individuels, il me semble absolument regrettable qu'un seul contexte national et culturel ait été exploré, d'autant plus que la société israélienne possède des spécificités très marquées aussi bien du point de vue de la politique de la natalité que du patriarcat biblique (par ex. l'injonction à avoir au moins trois enfants : « un pour le père, un pour la mère, un pour la patrie »... qui effectivement fait d'Israël le pays développé au plus haut taux de natalité au monde). Cela est d'autant plus regrettable qu'il est question d'une collaboration de la sociologue avec une autrice allemande (Margret Trebbe-Plath), et que la première édition du livre est parue en Allemagne : une étude comparative incluant un corpus interviewé dans ce pays européen aurait été, me paraît-il, tout à fait fertile ; de plus, les références bibliographiques, utilisées pour étoffer la théorisation des observations, sont très majoritairement anglo-saxonnes et allemandes (même si la présente édition a été traduite de l'anglais...).
Ces réserves étant posées, l'ouvrage se décline dans les 6 chap. suivants. le chap. 1er, « Les voies de la maternité », s'occupe des injonctions sociales contemporaines relatives à la maternité, en termes soit biologistes (la « nature » de la femme) soit « postféministes, capitalistes et néolibéraux » (la maternité est un « choix »... à condition que les femmes fassent « le bon »... !), ce qui tend à occulter les pressions patriarcales et sociales vers la norme de la maternité qui s'articulent avec le véritable désir de maternité : l'autrice forge ici la notion de « volonté institutionnalisée » (cf. cit. 2).
La chap. 2, « L'exigence d'être mère », se penche sur les contenus des attentes sociales à l'égard des mères, à travers les stéréotypes de la « bonne mère » et de la « mauvaise mère », conformément à « l'éthique du care », en définissant non seulement les comportements mais surtout les sentiments jugés acceptables, jusqu'à une certaine forme très circonscrite dans le temps et dans la sémantique des sentiments d'« ambivalence ». L'écart entre les normes et le ressenti permet d'aboutir sur l'explication de la formule : « aimer ses enfants, haïr la maternité ».
Le chap. 3, « Le regret d'être devenue mère », s'intéresse aux manières exprimées de regretter la maternité, sachant qu'elles impliquent un renversement vis-à-vis du « regret légitime », qui est celui de ne pas avoir eu d'enfants à temps. Ce chap. se termine par un questionnement sur les « avantages et inconvénients de la maternité » effectivement jaugés, qui permet de cerner et préciser encore la notion de regret.
Le chap. 4, « Vivre avec une émotion illicite », se penche sur le trauma entraîné par les expériences de la maternité chez les interviewées, notamment en termes de « conflit entre le f ait d'être mère et le désir d'être mère de personne ». Ce chap., qui tient compte des « promesses » entretenues par la mythologie de la maternité comparées aux différents moments de l'expérience vécue par les femmes, quelles que soient leur hérédité de l'expérience maternelle de leurs propres mères ainsi que la présence ou l'absence (physique et symbolique) du père des enfants, est le plus articulé, et il se termine par l'exemple apparemment paradoxal des femmes qui, après avoir déjà ressenti le regret de la maternité, décident de réitérer l'enfantement, parfois à plusieurs reprises.
Le chap. 5, « Qui es-tu maman ? » se pose la question du silence ou de la parole (éventuellement anonyme ou posthume) relative au regret. Ayant surmonté les instances qui voudraient les réduire au silence, ainsi que l'hypothèse que les enfants disposeraient de toute façon des moyens d'une compréhension non-verbale des sentiments maternels, il est intéressant d'observer que les mères qui songent à l'une des deux décisions antinomiques, de taire ou d'exprimer le regret de la maternité à leurs filles (ou à leurs belles-filles) sont motivées par le souhait identique de les « protéger ».
Enfin le chap. 6, « Des mères sujets », permet de prendre le thème du regret comme une ouverture vers la condition nécessaire afin que la maternité (consciente et informée) soit une source de satisfaction. En d'autres termes, après avoir réfuté l'opinion répandue selon laquelle la satisfaction d'être mère ne dépendrait que des conditions matérielles et psychologiques de la femme, voire des politiques publiques (crèches, aménagement du temps de travail, redistribution des tâches au sein du couple), le chapitre développe brièvement la thèse que la véritable condition réside dans le passage d'une idéologie où les mères ont la position d'objets à celle de sujets, c-à-d. dans la métamorphose de la maternité comme « rôle » à la maternité comme « relation » (cf. cit. 1).
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Ouvre l'horizon sur un sujet tabou. Pour autant, les mères qui regrettent ne disent pas qu'elles n'aiment pas leurs enfants mais elles évoquent une nouvelle vie, un nouveau rôle dans lequel elles ne se retrouvent pas. Ce livre parle des mères mais peut tout à fait s'appliquer à des pères. Vraiment très intéressant. A noter qu'il s'agit de témoignages de femmes israéliennes sur lesquelles s'abat une très grande pression sociale. Très intéressant. Je recommande.
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J'ai choisi de lire ce livre afin de comprendre un sujet étouffé dont les gens ont du mal à parler. Une femme qui regrette d'avoir eu des enfants (ou qui n'en veut pas) est souvent classée comme une “folle”, une “malade” etc. Sans chercher à comprendre, elles sont cataloguées.
L'autrice a pris soin de confronter plusieurs styles de regret : celles qui voulaient des enfants, celles qui se sont forcées, celles qui tentent de le cacher, celles qui en parlent un peu plus... le panel est vaste et permet une compréhension un peu plus globale de ce sentiment.
Ce que je retiens en premier c'est que les témoignages sont tous unanimes sur un point : ce n'est pas l'être enfanté qui est un regret mais le rôle de la maternité qui pose problème. Grosse nuance qui est longuement expliquée, étayée et nécessaire.
Une autre chose qui me frappe et dont j'avais déjà conscience bien avant la lecture de ce livre c'est le joug social sur la question de la maternité : tu es une femme, tu es donc un utérus et tu dois donc procréer.
Le livre porte bien son nom au sens où il explore un sentiment profondément enfoui chez ces femmes : regretter d'être mère ne s'arrête pas à cette fonction. C'est aussi regretter une autre vie possible : une ascension professionnelle, une vie de découverte etc.
Pourquoi ce livre peut déranger ? Parce qu'il revient sur le fait que non, la maternité n'est pas un sentiment inné et qu'une femme ne se résumé pas à ce rôle pour exister. Il détruit les mythes ancrés depuis des siècles dans nos sociétés.

Ce fût une lecture profondément intéressante que j'ai appréciée et je suis très curieuse d'approfondir ce sujet et de lire d'autres essais (pas facile à trouver !).

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J'avais hâte de lire ce livre. Car on s'insurge souvent contre celles qui annoncent ne pas vouloir d'enfants en leur disant "tu vas le regretter''. Pourtant on demande jamais aux mères si elles le regrettent. Certaines mères ne sont plus dans l'ambivalence maternelle mais dans le regret et il faut faire une place à ce sentiment. Je salue l'ouverture d'un débat et d'une prise de parole sur un sujet aussi tabou.

A titre personnelle, je regrette de ne pas avoir trouvé dans cet ouvrage une femme parlant d'un regret que je cherchais : celui d'avoir infligé la vie à quelqu'un, celui de voir quelqu'un souffrir par notre faute.
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Un ouvrage qui a le mérite de faire réfléchir et de discuter de choses d'habitude taboues. le regret d'être mère existe bien mais très peu de femmes ose l'exprimer tant nos sociétés occidentales sont natalistes et pro-mères "parfaites". Orna Donath a au moins le mérite de donner la parole à ses mères/femmes !
A mettre entre toutes les mains (même celles des hommes !).
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Quand je suis devenue mère, j’ai soudain pris conscience qu’il fallait être féministe. Une femme, une fois qu’elle a un enfant, renonce à beaucoup de choses auxquelles un homme n’a pas à renoncer. Elle devrait en tenir compte lorsqu’elle prend la décision. Le système culturel dans lequel on vit nous piétine.
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4. « Considérer que la maternité ou la vie professionnelle sont les seules options qui existent pour une femme et qu'il n'y a par conséquent pas d'autre raison pour qu'une femme décide d'être la mère de personne revient à oblitérer la diversité des identités féminines qui ne se limitent pas à "être la femme parfaite" ou à "vouloir être comme un homme". […]
Le patriarcat (qui presse les femmes de devenir mères) conjugué au capitalisme (qui pousse à un "progrès" constant dans l'esprit du "marché libre") crée une fois de plus un choix binaire ne laissant aucune place aux femmes pour qu'elles puissent se considérer elles-mêmes et être considérées par autrui comme des êtres humains capables de déterminer par elles-mêmes quel est le sens de leur vie sans que ce soit nécessairement lié à la maternité ou au travail, ou de décider que le sens de leur vie, c'est justement qu'il n'y en a pas. » (pp. 204-205)
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1. « […] Sachant que le regret fait partie des réactions émotionnelles humaines possibles dans toute rencontre entre plusieurs personnes et entre nous-mêmes et les conséquences des décisions que nous avons prises ou qu'on nous a forcées à prendre, regretter d'être devenue mère éclaire sous un nouvel angle notre (in-)capacité à appréhender la maternité comme une relation humaine parmi d'autres, et non comme un rôle ou un royaume sacré. Dans ce sens, le regret peut contribuer à commencer à déconstruire la notion selon laquelle les mères sont des objets qui ont pour seule mission d'être en permanence au service des autres en associant étroitement leur bien-être à celui de leurs enfants, au lieu de les reconnaître comme des sujets distincts dont le corps, les pensées, les émotions, l'imagination et les souvenirs leur appartiennent, et qui sont à même de décider si tout cela en vaut la peine ou non. » (p. 14)
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3. « Certaines femmes dans mon étude ont également indiqué que la femme qu'elles étaient avant de devenir mère était relativement neutre en termes de genre, parce qu'elles avaient le sentiment de faire ce qu'elles voulaient sans être conscientes de leur "infériorité" due à leur condition de femme. […]. Le fait d'être devenues mères leur a donné le sentiment d'être enfermées dans un genre, celui de la femme qui n'est pas libre d'agir à sa guise comme si elle n'avait pas d'enfants. Bien que la société valorise cette féminité "ultime" qui passe par la maternité, plusieurs femmes […] ont décrit leur nouvelle expérience de la féminité ainsi que les contraintes que leur impose la société patriarcale comme une des pires choses qui leur soit arrivée après avoir enfanté, un piège auquel il est impossible d'échapper. » (p. 115)
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C'est ainsi que les lois sociales relatives à la mémoire se sont formées, des lois qui institutionnalisent l'idée que certains moments et événements peuvent être revisités, qu'on peut s'en souvenir et qu'ils valent la peine qu'on les commémore ou qu'on s'y intéresse, tandis que d'autres, il faut bien le reconnaître, doivent être oubliés et laissés derrière soi.
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