« 3. Herbes qui tremblent sous le soleil de onze heures
La chevelure-de-l'absente,
la traitine, la missargue, la traînelâche,
la cabote ou demi-cabotine, la tierce-cabote,
la poupairissée, la vavaise,
la manche-de-hulotte, la bouche-perdue,
la titubiaine, la méfronce, la trigaude-du-peuple,
la trigaude-écarlate,
le landrain, le pied-robuste,
la catenonce, la toute-mouvante, la bayaresse, le luhault,
la mocassine ou mocasse-des-sources, la mocasse-aimable,
la bucciniaise,
la buccinie-poivrée, la religieuse, la Tonche, …»
Retour en Post-Exotisme avec
Manuela Draeger.
Aujourd'hui : la Shaggå, rappels de contextes et exercices pratiques (récitation de trois exemples de cette forme de littérature orale). A défaut d'écouter une version audio (probablement inexistante) de ce livre, sachez qu'il est difficile de résister à la tentation de vocaliser soi-même le texte…
La présentation de cet opus post-exotique, paru en 2012, est bien plus éclairante que ce que je pourrais en dire avec mes mots. En voici une bonne partie :
«Rappelons, comme c'est l'usage, les principes formels auxquels toute Shaggå doit obéir : sept séquences rigoureusement comparables en volume et en intention ; un sujet qui privilégie l'incertitude, qui ne règle pas la question de l'action, accumule les ambiguïtés concernant l'identité et le statut du ou des auteurs; et un parti pris de détachement, d'intemporalité, de tranquillité poétique et même d'inertie.
Les trois Shaggås qui composent ce livre sont des sortes de réquisitoires lyriques, en forme d'inventaires et de légendes. Des prisonnières prennent la parole du fond de leur geôle pour déclamer ou murmurer amoureusement des appellations d'herbes imaginaires; deux détenues victimes de viols revisitent le mythe du golem à la lumière de leurs propres obsessions ; ou encore un comité de soutien, au nom de la liberté, fait l'appel des innombrables ivraies inconnues qui sont menacées par le bétail, les voyageurs et les bergers.
Qu'elles soient vivantes ou disparues, toutes ces femmes témoignent de la violence des hommes, et, pour exprimer leur rupture avec le monde qui les entoure, elles inventent un langage littéraire étrange et somptueux. »
Je lis régulièrement
Antoine Volodine et ses multiples avatars post-exotiques. J'aurais pu penser être en pays connu. Mais ces trois textes ne ressemblent à rien de ce que j'ai déjà pu lire de lui, à l'exception peut-être du début de «
Terminus Radieux » qui comprend aussi une énumération de végétaux inventés.
Ce livre étrange et poétique est une expérience hors-norme, vous l'aurez compris. Il s'adresse en priorité aux familiers de cet univers littéraire.