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Barracuda - BD (Dufaux) tome 1 sur 7
EAN : 9782505009719
56 pages
Dargaud (29/10/2010)
3.91/5   187 notes
Résumé :
À bord du Barracuda, les hommes de Blackdog affûtent lames et grappins en vue d'un abordage juteux ! La routine pour Raffy, le fils de Blackdog, qui a déjà fait couler beaucoup de sang pour son jeune âge. Pour Emilio et Maria, jeunes nobles espagnols, le choc est plus brutal. Vendus comme esclaves à Puerto Blanco, ils se font en outre dérober la carte qui mène au diamant du Kashar, le plus gros du monde, connu pour n'avoir jamais entraîné que mort et désolation dans... >Voir plus
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3,91

sur 187 notes
Je m'appelais Emilio, mais j'ai dû changer de sexe et devenir Emilia pour survivre…

Je me trouvais à bord d'une galéasse espagnole où des rêves somptueux furent brutalement interrompus par le son du canon.
Nous étions attaqués par des pirates ! Dès que le capitaine vit que le bateau des forbans était le Barracuda, il sut que nous étions perdus. Je me précipitai dans la chambre de Doña Scuebo pour l'avertir de l'attaque imminente des flibustiers. La grande dame ouvrit un coffre et m'obligea à me vêtir avec une robe de sa fille. Je ne voulais pas revêtir des vêtements de femme, mais son confesseur m'appliqua une claque qui me décida à lui obéir… C'est ce qui me sauva la vie !


Critique :

Quatre ans que cette BD trainait dans ma bibliothèque. Je l'avais achetée en suivant les chaudes recommandations d'une connaissance à qui je ne voulais pas faire de peine, mais n'ayant jamais vu un film de « Pirates des Caraïbes » jusqu'au bout (mon allergie pour les zombies étant rédhibitoire) je ne m'étais jamais décidé à l'ouvrir. Finalement, confinement aidant, mais ne disposant pas de beaucoup de temps car je dois essayer de faire travailler mes élèves à distance, et c'est tout sauf évident, je m'offre le soir le luxe de lire une BD (les romans attendront). Décidé à laisser tomber le tome 1 de Barracuda dès l'apparition du premier mort-vivant, c'est sans grand enthousiasme que je me lançai dans l'aventure tel un explorateur aussi motivé qu'un futur marié dont la future épousée a tout d'une disgracieuse ogresse à l'haleine fétide de bubons de peste noire. Mais je m'égare… le début était très prometteur : dessins et mise en couleurs d'une qualité supérieure, détails qui sentent l'authentique, rendu des combats d'une férocité incroyable… Rien que du bonheur pour un amateur du neuvième art ! Mais les zombies, alors ? Hé ben, il n'y en a pas, et tout mon bonheur est là ! Une véritable histoire de pirates avec des personnages très bien campés et un scénario qui s'annonce très prometteur pour la suite ! Suite… qui en période de confinement risque de se faire attendre, alors même qu'une intégrale est parue en 2019…

Jean Dufaux, le scénariste bien connu est à l'opposé du débutant dans le métier, contrairement au dessinateur, Jérémy ! Jérémy, qui ? Jérémy Petiqueux ! Mais il signe simplement Jérémy. Jérémy a démarré sa carrière comme coloriste pour les oeuvres de… Philippe Delaby, l'incroyable auteur de Murena ! Désireux de produire sa propre BD comme dessinateur et coloriste, il s'associe avec Dufaux pour du vrai ! (Oui, je sais, c'est un jeu de mot complètement c… ! Veuillez le mettre sur le compte du confinement, je vous prie.) le résultat est ce premier album passionnant. Je suis sûr que vous me quémandez de vous décrire les personnages. Quémandez seulement, mais je crains qu'il ne vous faille vous le procurer pour en savoir davantage sur cette merveille qui est due à deux Belges. Comment ça, je suis chauvin ? Ben quoi, le chauvinisme n'est pas une exclusivité française ! Laissez-en un peu pour les autres aussi, s'il vous plaît !

Je me demande pourquoi, avec de tels talents, la BD européenne attire si peu de jeunes lecteurs…
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Pas de pitié ! Pour personne ! Jamais !
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Ce tome est le premier d'une série indépendante de toute autre, complète en six tomes, tous réalisés par les mêmes créateurs. Il compte 52 planches, et la première parution date de 2010. La série est scénarisée par Jean Dufaux, dessinée et mise en couleurs par Jérémy Petiqueux. Cette série a fait l'objet d'une intégrale avec une introduction dans laquelle le scénariste raconte sa fascination pour les récits de piraterie, son amour des films comme L'aigle des mers, de M. Curtiz, le Cygne noir, de King, La flibustière des Antilles, de Jacques Tourneur, du Corsair rouge, de Siodmak, d'autres encore de Polanski, de Walsh, de Charles Laughton, pillard inquiétant, et d'autres. Il évoque comment la trilogie des films Pirates des Caraïbes a renouvelé le genre. Il mentionne L'île au trésor (1883) de Robert Louis Stevenson (1850-1894), l'adaptation qu'en ont fait Mathieu Lauffray & Xavier Dorison, sous le titre de Long John Silver.

À bord du navire espagnol, Emilio est allongé dans son lit, en train de rêvasser. Un rêve agréable lui occupait l'esprit. Tout allait bien. de jolies femmes lui souriaient, des coffres emplis d'or s'offraient à lui. À moins que ce ne fut le contraire. Et puis, non… Tout n'allait pas bien. Comme l'indiquait le son du canon, ils étaient attaqués. En haute mer, le navire a été surpris par le vaisseau pirate Barracuda, commandé par le capitaine Blackdog. le capitaine espagnol de la Loya l'a identifié : il comprend qu'ils sont perdus. Sur le pont du navire des pirates, Blackdog donne ses ordres. Son fils Raffy doit rester à ses côtés : pour un homme que son père tuera, le fils en tuera deux. Raffy acquiesce et ajoute qu'il aimerait que son père lui demande quelque chose de plus difficile. Blackdog s'adresse alors à son équipage : pas de quartier, excepté pour les femmes s'il y en a. Un pirate ronchonne : c'est toujours la même chose, les laiderons, les bossues, les avachies seront pour eux, et les autres… Celui à côté de lui ajoute qu'elles seront pour le marché des esclaves. Il n'y a pas de petits profits.

Dans le pont inférieur, l'ordre est donné d'ouvrir le feu : les canons tonnent et propulsent les boulets. Les pirates passent à l'abordage. Dans les cabines, Dona Emilia Sanchez del Scuebo, épouse d'un Grand d'Espagne, ordonne à Emilio, un jeune garçon serviteur, de revêtir des habits de femme pour éviter d'être tué. le frère Ogismond l'oblige à s'exécuter. Maria, la fille de Dona ajoute que ce sera un honneur pour lui de porter l'une de ses robes. Sur le pont supérieur, le combat fait rage : Blackdog manie son épée avec force faisant de nombreux morts, assistés par son fils Raffy qui massacre également allègrement. le calme finit par revenir : parmi les morts et les blessés, seul le capitaine de la Loya est encore debout, l'épée à la main. Raffy indique qu'il va s'occuper de lui en combat singulier. Dans les cabines, Dona Emilia Sanchez del Scuebo, sa fille Maria, le frère Ogismond et le jeune serviteur Emilio se demandent qui a gagné.

Dans l'introduction, le scénariste évoque lui-même la référence à laquelle tout auteur de récit de piraterie doit se mesurer : la série de films Pirates des Caraïbes. Bien sûr, en présentant les choses ainsi il se montre un peu filou. D'un côté, le lecteur ne va pas visionner un film ; de l'autre côté, il sait ainsi qu'il ne doit pas s'attendre à une surenchère sur ces oeuvres, puisque le scénariste lui indique qu'il ne joue pas dans la même cour. Il ajoute qu'il n'entretient aucune intention de concurrencer l'autre série de pirates du moment. Plutôt que de s'intéresser à ce que cette série n'est pas, le lecteur préfère découvrir ce qu'elle est. Un navire espagnol avec l'épouse d'un Grand d'Espagne, sa fille, un frère religieux, et un garçon à leur service. de l'autre côté : les méchants pirates qui pillent et qui tuent, avec à leur tête un affreux jojo au visage balafré, aux cheveux blancs et filasses, sans oublier l'obligatoire bandeau sur l'oeil et le chapeau. Il ne manque que la jambe de bois. Choisi et recommandé par Philppe Delaby (1961-2014), collaborateur du scénariste sur les séries Murena et La complainte des landes perdues, le dessinateur oeuvre dans un registre descriptif et réaliste, avec une belle capacité à représenter les conventions de genre attendues dans un récit de pirates. Blackdog est très réussi avec son long manteau noir mangé aux mites, son pantalon un peu bouffant comme des culottes, sa large ceinture, son ceinturon en bandoulière, son tricorne, son visage sévère qui ne s'anime que pendant qu'il massacre ses ennemis à l‘épée, sa peau blanche tirant vers les gris et sa barbe assortie à sa chevelure.

Le lecteur qui est venu pour un récit de pirates en a pour son argent en termes visuels. Il prend le temps d'admirer les robes de ces dames, le bel habit du capitaine de la Loya, de la gouverneure Jean Coupe-Droit, les tenues plus fatiguées et composites des pirates de l'île Puerto Blanco, sans oublier la robe d'Emilia. Il ralentit pour contempler le soin avec lequel sont représentés les deux navires, leur coque, leur voilure avec ses cordages, les mâts, le bastingage, le plancher du pont, les écoutilles et leur panneau, les sabords et leur système d'ouverture, le gouvernail, les cabines et leur aménagement, une barque, une passerelle pour descendre à terre. Il descend avec Blackdog sur le pont inférieur du navire espagnol et remarque l'ouverture béante laissée par un boulet qui a brisé la base du mât. Il termine sa lecture avec une très belle image du Barracuda qui a repris la mer alors que la pluie le cingle dans la nuit. le séjour à terre s'avère tout aussi touristique et conforme aux conventions du genre : de belles demeures (Mais qui est venu les construire dans cette île perdue ?) qui auraient bien besoin de maintenance et de rénovation, une place publique avec son estrade couverte pour la vente aux esclaves, des ruelles sales véritables coupe-gorge surtout la nuit, le grand manoir de Mister Flynn lui aussi mis à mal par les assauts du temps et l'absence d'entretien, des maisons en bois pour les simples marins, et parfois de simples abris faits de toiles tendues. Jérémy Petiqueux sait donner corps à ces éléments de genre, en leur insufflant de la personnalité.

C'est parti pour des moments de bravoure qui doivent eux aussi respecter les règles du genre et répondre à l'horizon d'attente du lecteur, tout en faisant preuve d'originalité. L'assaut sur le navire espagnol se déroule conformément au schéma classique, avec une belle case pour le combat à l'arme blanche, du sang et des grimaces du fait d'attaques sauvages, sans élégance. En scénariste aguerri, Jean Dufaux sait distiller progressivement les informations nécessaires à présenter les personnages, leur situation, et à initier son intrigue. Planche quatorze, le lecteur découvre que le gouverneur de l'île Puerto Blanco est une femme : pourquoi pas. Planches dix-neuf à vingt-trois, c'est la vente aux esclaves, le soir en place publique à la lumière des torches. La pauvre dame Dona Emilia Sanchez del Scuebo se retrouve partiellement dénudée de force. Maria choisit de reprendre l'ascendant en se dénudant elle-même, privant les badauds du sadisme de forcer une femme. Un moment d'une forte intensité troublante car le lecteur ne peut pas se réjouir de son infortune et l'admire pour sa hardiesse et sa force de caractère. Planches vingt-six à trente-quatre : ambiguïté et trouble. Pirates sadiques et sanguinaires, violences faites aux femmes, promesse d'un trésor extraordinaire (une pierre précieuse appelée Kashar), île servant de repaire à une organisation de pirates : le compte est bon.

Et puis vient le cas de Emilio. Celui-ci s'est déguisée en femme pour ne pas être passé par le fil de l'épée, et la ruse a fonctionné. Il a évité d'être découvert lors de la vente aux esclaves grâce à l'intervention fort opportune d'un acheteur fortuné providentiel. Mais le temps est venu pour lui de fuir à la faveur de la nuit et de l'orage, avant d'être démasqué. Par la force des choses, il ne peut que prendre la poudre d'escampette toujours travesti en femme, dans une belle robe bleue. Or le voilà pris en chasse par une meute de chiens affamés, puis considéré comme une jeune femme, un objet du désir à la merci de trois individus louches autour d'un braséro, l'un d'eux indiquant que Bâbord comme tribord, il faut que ça tangue, un double sens salace et sadique. Finalement Emilio/Emilia parvient à retourner dans la demeure de Mister Flynn, et se couche nu après s'être débarrassé de ses vêtements trempés. Mais Mister Flynn entre dans la pièce et s'approche du lit, alors qu'il fait semblant de dormir. Les dessins montrent un jeune adolescent, peut-être même prépubère, aux traits fins, très troublant dans cette belle robe, et en face le désir des hommes qui s'exprime sous forme pulsion bestiale, comme des prédateurs sûrs de maîtriser une proie faible. Mais voilà, ils se fourvoient sur sa nature, ce qui rend ces séquences ambigües, malsaines, ce qui par ricochet rend toute son horreur aux violences faites aux femmes.

Par la suite, les auteurs jouent également avec la silhouette quelque peu androgyne de Maria, au point qu'elle puisse se confondre avec celle de Emilio quand il porte la robe, si ce n'est pour la couleur de cheveux. Ils troublent à nouveau la question du genre, Maria ne pouvant se soustraire à la concupiscence de Ferrango, mais sans pour autant adopter un comportement de victime. le lecteur serait même tenté de reconnaître dans son attitude, un comportement plutôt de nature masculine dans la forme que prend la manifestation et l'expression de sa haine, avec une force de caractère qui fait peur. Ils donnent ainsi une personnalité propre à leur récit de pirates, qui a fait preuve de son originalité dans ce premier tome. À la dernière page, le lecteur constate qu'il s'agit de la fin du premier chapitre, une lecture qui ne se suffit pas à elle-même, tout en étant plus qu'une simple mise en place ou une introduction d'exposition.

Un récit de pirates de plus ? Il est vrai que le lecteur peut nourrir quelques a priori car les conventions du genre sont bien balisées et fort contraignantes, ne permettant pas beaucoup de s'éloigner de sentiers déjà bien balisés. Première bonne surprise : le dessinateur s'est investi dans des dessins descriptifs précis et minutieux, avec une mise en couleurs séduisante qui les nourrit bien. Deuxième surprise, le scénariste ne tarde pas à introduire de l'ambigüité en jouant avec élégance sur l'identité sexuelle d'un personnage, élément totalement inattendu. Arrivé à a dernière page, il tarde au lecteur de retrouver les trois jeunes gens restés à terre sur l'île des pirates, et de savoir si Blackdog trouvera le diamant Kashar.
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Pour Blackdog le capitaine du Barracuda et son équipage, c'est l'euphorie après le fructueux abordage d'un navire espagnol. Certes, le capitaine de la Loya a réussi à sauver sa peau, au grand dam de Raffy le fils de Blackdog qui a juré de se venger, mais la prise est de taille. Non seulement, les pirates rentrent au port avec trois nobles espagnoles à vendre au marché des esclaves, mais en plus, ils détiennent une carte qui va les mener jusqu'au diamant du Kashar, une pierre qui attire toutes les convoitises malgré sa réputation de porter malheur.
Pour les prisonnières, le sort est moins clément. Doña Emilia Sanchez del Scubo, sa fille Maria et leur valet Emilio, déguisé en femme pour sauver sa peau, sont vendues aux enchères à Puerto Blanco. La lutte commence pour survivre sur cette île où se côtoient pirates, aventuriers et marchands d'esclaves qui ne connaissent que la loi du plus fort. le plus chanceux est Emilio dont l'acquéreur a très vite découvert la supercherie mais qui le traite plutôt avec bienveillance. Doña Emilia, sauvée par une congrégation religieuse, meurt de chagrin tandis que sa fille, avilie, molestée, fouettée, est contrainte d'épouser Ferrango, le chef des marchands, après une tentative d'évasion où elle a tout de même réussi à blesser Raffy. Ce dernier doit donc rester sur la terre ferme tandis que son père reprend la mer vers le fabuleux diamant qui va faire sa fortune.

A l'abordage ! le belge Jean Dufaux nous propose d'écumer les mers à bord du Barracuda où de sanguinaires pirates s'attaquent aux galions espagnols imprudents. Dans ce monde de la piraterie qui renvoie à l'enfance, à l'aventure et à la cruauté, cette BD est plutôt classique, sorte d'hommage de l'auteur à un univers qui l'a fait rêver enfant. Pour tout de même se démarquer, il a choisi de s'intéresser à la terre plus qu'à la mer. C'est donc à Puerto Blanco que se situe en grande partie l'action de ce premier tome. On va y suivre le destin de trois jeune gens : Raffy, fils de pirate et pirate lui-même, sanguinaire et bravache comme son père, Maria, belle, rebelle et combative fille d'un Grand d'Espagne et Emilio, sauvé grâce à une robe et des jupons. Animés par la haine et le désir de vengeance, ces trois-là nous promettent des aventures faites de larmes, de sueur et de sang.
Cette introduction est une belle réussite, due aussi aux dessins très réalistes de Jérémy. Les deux belges ont uni leurs forces et leur talent au service d'une histoire qui réunit tous les codes de cet univers violent et romantique à la fois. On aura plaisir à suivre le destin de ces trois héros forcés à survivre sur cette île inhospitalière, et bien sûr de l'équipage du Barracuda, à la poursuite de ce fameux diamant qui a porté malheur à toux ceux qui l'ont approché de trop près.
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Déçue par ma dernière incursion dans l'univers de la piraterie en bande dessinée, c'est avec une petite pointe d'appréhension que j'ai malgré tout décidé de me lancer dans la série « Barracuda » qui comprend à l'heure actuelle six volumes. Appréhension complètement balayée dès les toutes premières pages tant le travail conjugué de Jean Dufaux et de Jérémy (dont il s'agit du premier album en tant que dessinateur) est bluffant. Visuellement, d'abord, c'est une sacrée claque. Remarqué par le regretté Philippe Delaby, Jeremy signe des planches sublimes qui nous immergent aussitôt dans l'univers violent et coloré des pirates de Puerto Blanco. Si les décors sont assez impressionnants, ce sont malgré tout les personnages qui tirent leur épingle du jeu, l'artiste excellant à représenter des visages tour à tour avenants ou effrayants mais toujours très expressifs et bourrés de détails. Pour accompagner des graphismes d'une telle qualité, il fallait un scénario à la hauteur, et celui de Jean Dufaux ne déçoit pas ! L'album s'ouvre sur la chasse menée par le Barracuda, redoutable vaisseau pirate mené par le non moins redoutable Blackdog lancé à la poursuite d'un navire espagnol. Pour les forbans le butin est de taille : non seulement ils tombent sur trois belles jeunes femmes qu'ils estiment pouvoir revendre à bon prix au marché aux esclaves, mais on leur fait en plus miroiter la possibilité de mettre la main sur le diamant du Kashar, pierre d'une grande valeur mais que certains estiment maudite...

« Pas de pitié ! Pour personne ! Jamais ! » La devise de l'équipage de Blackdog donne le ton de ce premier album : Jean Dufaux nous dépeint un monde dur et empreint de violence où les pirates n'ont rien à voir avec l'image du brave et sympathique rebelle véhiculée par certains médias depuis plusieurs années. La plupart des personnages en feront rapidement les frais. Vente aux enchères, viol, bastonnade : le fait que les trois protagonistes soient à peine plus que des enfants n'empêche pas l'auteur de les mettre durement à l'épreuve. Si certains se révèlent d'ores et déjà plus ambigus que d'autres, tous se retrouvent dans des situations tellement délicates ou entourés de personnages tellement énigmatiques que l'on ne peut qu'être intrigué par la tournure que prendront les événements pour chacun d'entre eux. Si certains des éléments du scénario restent résolument classiques (une carte au trésor, une île, une malédiction...), l'auteur tente malgré tout de s'éloigner des poncifs propres à ce genre de récit en situant dans un premier temps l'essentiel de son action à terre. Et plus spécifiquement à Puerto Blanco, repère pirate rappelant fortement le New Providence du début du XVIIIe où l'on vient non seulement pour se réapprovisionner entre deux voyages mais aussi et surtout pour faire affaire. Autre singularité intéressante : la place accordée aux personnages féminins qui ne sont de toute évidence pas là pour servir de simples faire-valoir à leurs homologues masculins.

Avec ce premier tome Jean Dufaux et Jérémy posent les bases d'une série qui s'annonce fort prometteuse et qui devrait sans mal séduire les amateurs de récits d'aventure et de piraterie. Une bonne surprise à ne pas rater !
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Barracuda est une BD que j'ai pu découvrir grâce aux 48h de la BD 2016 et que j'ai lu en lecture commune avec ma grande copine Arcaalea du blog "Éphémère".
Avec cette histoire, cette BD, Jean Dufaux a clairement voulu se rapprocher de la réalité, de la vérité tout en restant dans la fiction bien sûr. Et dans la préface, on sent bien qu'il voue une certaine admiration au célèbre capitaine Flynn (qui apparaît d'ailleurs dans son oeuvre) et qu'il est aussi friand de livres sur les pirates comme L'Île aux trésors. Je suis d'ailleurs comme lui, l'univers de la piraterie m'a toujours fasciné. En effet, je suis une grande fan de la saga cinématographique "Pirates des Caraïbes" et du jeu vidéo Assassin's Creed Black Flag, sans compter que j'ai également lu quelques livres sur les pirates (même si je trouve qu'il n'y en a pas assez ou alors il faut bien chercher, je vais me renseigner, tiens!) et que je compte bien regarder un jour Black Sails dont un ami ne me dit que du bien!

#Spoilers [Nous sommes directement plongés dans l'histoire. On se retrouve en plein coeur d'un abordage. Un vaisseau espagnol est pris à parti par un bateau pirate "Le Barracuda" (d'où le titre), dirigé par le capitaine Blackdog. Sur le vaisseau marchand, un jeune homme blond, Emilio, est forcé de se travestir et sur le vaisseau pirate, un autre garçon se distingue, Raffy, le fils du capitaine notamment par le fait qu'il veut affronter le seigneur de la Loya (qui sera relâché en pleine mer avec peu de vivres), bien qu'il ne gagne pas bien au contraire. Et en ce temps-là, l'honneur et la fierté sont important et même la mort vaut mieux que la pitié. "Pas de pitié. Pour personne. Jamais."
Les pirates font main basse sur tout ce qu'ils peuvent et enlèvent les trois femmes à bord (une adulte et sa fille, et Emilio en fille) et le moine Ricardo. Les pirates vont aussi être très intéressés par une carte au trésor (évidemment!) qui mènerait au Diamant du Kashar.
Le Barracuda vient à mouiller à Puerto Blanco, l'île des pirates. La madone de la Loya est tombée grièvement malade au cours de la traversée mais peu importe puisque les femmes vont être exhibées pour être vendues comme esclaves. Et vue la qualité de la "marchandise", plusieurs personnes ou organisations viennent en masse, intéressés, chacun pour des raisons différentes. Pendant ce temps-là, le capitaine Blackdog se fait discret au vu de ce qu'il prépare, et reste donc à bord de son navire et reçoit la visite d'une espèce de vieille sorcière vaudou qui va lui donner les augures.
Les enchères vont bon train, c'est quasiment l'anarchie avec des cris, des violences, on s'en prend aux femmes dévoilant leur nudité. Un ordre religieux, qui oeuvre avec la gouverneure de l'île, arrive à racheter la mère (qui mourra vers la fin du tome, succombant à sa maladie) mais pas sa fille, Maria, pleine de haine et d'assurance qui est achetée par celui qui organise ces enchères. Vient le tour d'Emilio dont la couverture risque d'être découverte à tout moment, et les prix s'enflamment! Il va être acheté par un homme qui a surenchéri sans laisser une chance aux autres, un homme au physique atypique dans cet univers, pas déplaisant du tout et ce n'est autre que... le capitaine Flynn! Ce dernier va le ramener chez lui mais sans surprise, Emilio va tenter une fuite en pleine nuit, mais c'est beaucoup plus dangereux qu'en journée et il fait de mauvaises rencontres tout autant animales qu'humaines! Ayant eu terriblement peur, il s'en est retourné vers celui qui ne semblait pas lui vouloir du mal. Je me doutais bien que Flynn avait deviné qu'il n'avait pas affaire à une jeune fille mais à un garçon, il va le découvrir par lui-même en allant le voir dans sa chambre mais cela ne semble pas le déranger. de son côté, Maria vit l'enfer chez son nouveau maître, tentant de ne pas se laisser faire mais ce dernier compte bien la mater et ce même en la faisant fouetter par des indigènes qui ont la haine des "Blancs". L'ordre religieux, aidé par le moine qui servait la famille, tentent d'aller lui porter secours mais tout ne va pas se passer comme prévu car le jeune Raffy va essayer de contrecarrer leur plan. Malheureusement, ce dernier va être grièvement blessé par une Maria abandonnée à son sort qui aura tiré pour se protéger, et le moine va être tué.
Le Barracuda fait voile, laissant un Raffy amer derrière qui a très envie de se venger de celle qui a failli le tuer; Maria accepte de se soumettre en partie du moins à son maître avec la promesse de le tuer un jour et Emilio n'a plus besoin de se cacher avec Flynn même s'il compte bien utiliser son déguisement par la suite.] Spoilers#

L'ambiance est juste dingue. Jean Dufaux et Jérémy ont vraiment fais en sorte qu'on se retrouve plongé en plein Âge d'Or de la Piraterie de façon réaliste. On retrouve bien sûr tous les codes connus: le bandeau qui cache l'oeil, les cartes aux trésors, les navires, les drapeaux etc... Mais rien ne nous est épargné de par le fait que ce n'était absolument pas tout rose en ce temps-là. Comptez les conditions de vie extrêmes, les tueries, les viols, l'hygiène qui laisse à désirer, le trafic d'esclaves, la haine des autochtones, les violences, les paroles crues etc... C'est vraiment fidèle à ce que je me représentais dans ma tête, à l'image que je me faisais de la piraterie.

On a le point de vue du jeune Emilio en aparté, lui qui fut obligé de faire croire qu'il était une fille du nom d'Emilia pour survivre. Car c'est un monde d'hommes où il n'est clairement pas bon d'être une femme, et d'ailleurs le vent de la révolte n'a pas arrêté de résonner en moi tout du long.

Les personnages sont extrêmement intéressants à suivre, comme Emilio, Maria et Raffy, tout comme le mystérieux Flynn. Des personnages très charismatiques dont les vies et intrigues vont se croiser.

Un graphisme magnifique, très pointu, très minutieux et détaillé. Les couleurs choisies sont parfaites, à la fois sombres et lumineuses tout en gardant un certain équilibre. C'est une BD très sombre, très noire mais il fallait s'y attendre avec un tel univers et c'est d'autant plus prenant.

Je suis curieuse de connaître la suite, de voir où cela va me mener et comment vont évoluer nos trois jeunes gens Raffy, Maria et Emilio. Leurs aventures ne font que commencer!
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
Cet avertissement ne fut entendu de personne. On mit une chaloupe à la mer, qui emporta De la Loya vers son destin. Et l’on nous transporta à bord du Barracuda. C’est ainsi que je changeai de nom comme de sexe. D’Emilio, je passais à Emilia, et il paraît que je fus très convaincant en jeune demoiselle de la cour. Vous l’avouerai-je ? Je pris à cette métamorphose un certain plaisir. Un plaisir coupable certes, mais que je me sentais prêt à assumer aussi longtemps que nécessaire. Chacun dans cette historie tombera dans son piège. Le mien m’engloutit sans grande résistance de ma part. quelques jours plus tard, le Barracuda vint mouiller dans le port de Puerto Blanco l’île des pirates, la mal nommée car tout y est noir, de l’âme de ses habitants, aux chicots branlants de ses putains.
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(dans l’introduction de J. Dufaux) Je dois beaucoup à Mister [Errol] Flynn. J’ai compris grâce à lui ce qu’étaient le panache, l’ivresse des horizons ouverts, l’impertinence moqueuse et l’ironie cinglante. Il me manquait la stature et la moustache, je n’ai donc jamais chaussé ses bottes, me contentant de l’admirer de loin. Mais avec une réelle affection et une solide fidélité. Cette affection et cette fidélité m’ont porté à imaginer cette histoire consacre au monde des pirates, un monde qui s’est toujours décliné au gré de films qui m’emportaient au large des îles Caraïbes, alors que tonne le canon vers des soleils couchants. Ainsi de L’aigle des mers, de M. Curtiz, du Cygne noir, de King, de La flibustière des Antilles, de Jacques Tourneur, du Corsair rouge, de Siodmak, d’autres encore de Polanski, de Walsh, de Charles Laughton, pillard inquiétant, et j’en passe. Jusqu’à l’arrivée des Pirates des Caraïbes qui devaient passablement renouveler le genre. Le renouveler et l’engorger tant il y a des éléments dans ce triptyque que Gore Verbinski a voulu complet. Tout s’y trouve, de manière admirable souvent, s’y bouscule, de façon pléthorique, parfois. Et c’est devenu l’écueil à éviter. Les effets spéciaux, les zombies, les pirates de toutes nations, les chanteurs rock, les dérives de Jack Sparrow, les monstres marins, etc. C’est ce Etc. qui est redoutable dans les Pirates des Caraïbes. D’ailleurs, je n’ignorais pas l’existence de cet autre monument qu’est l’île au trésor de Stevenson. Un ouvrage qu’il ne faut jamais hésiter à relire tant ses richesses sont infinies. Mais Mathieu Lauffray et Xavier Dorison en ont proposé une variation pleine de talent et de fougue. Leur Long John Silver est à la hauteur du mythe, je profite de cette occasion pour saluer la beauté sombre de leur ouvrage.
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Soit ! Je vous épouserai. Et même, je réchaufferai vos vieux os ainsi que s'y emploient vos putains ! En contrepartie, vous ferez de moi une femme riche. Alors seulement... je vous tuerai !
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- C'est elle qui m'a voulu tel que je suis.
- A savoir ?
- Une personne qui porte aussi bien les jupons que la culotte.
- Les deux te vont bien. Tu as une préférence ?
- Les jupons m'ont protégé. Je resterai sous les jupons.
- Alors tu deviendras la première demoiselle à qui j'apprendrai à se défendre, car sans une épée à la main, l'on ne survit point...
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De La Loya: Ma vie contre la sienne!
Raffy: Pas de pitié!... pour personne! Jamais!
Blackdog: Je...
...: Le jeune Raffy a sauvé notre capitaine. Il mérite de vivre.
De La Loya: Dans ce cas...
Raffy: Tu aurais mieux fait de me tuer! Jamais je n'oublierai cet affront...!!
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