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EAN : 9782367935164
L’Atalante (23/05/2019)
3.73/5   66 notes
Résumé :
« La fée haussa les épaules :
— Ces jeunes sont aussi agréables qu’une descente de moustiques. Que veux-tu qu’ils fassent de pire que brailler, tout casser, écrire des gros mots sur les murs et flanquer le feu aux charrettes ? Se mettre à descendre tout le monde en pleine rue ?
— Et ton coach sportif, demanda Pétrol’Kiwi en arrachant un étage de champignons d’un coup sec, il a des nouvelles de Figuin, de son côté ?
— Aucune. Je me demande si c’e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (23) Voir plus Ajouter une critique
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Parmi la multitude d'idées reçues concernant les littératures de l'imaginaire, il en est une qui reste aujourd'hui encore particulièrement tenace et qui consiste à affirmer que la fantasy ne servirait qu'à s'évader et vivre de belles aventures dans un monde imaginaire, et non pas à réfléchir sur le nôtre. Ainsi, un lecteur recherchant un récit portant un propos politique et s'interrogeant sur le fonctionnement de notre société, ses travers et son avenir, se verra généralement conseiller un ouvrage de science-fiction (on a tous en tête les classiques du genre : « Fahrenheit 451 » de Bradbury, « 1984 » d'Orwell...). Pourtant, il existe aussi des auteurs qui tentent de s'emparer des problématiques de nos sociétés modernes pour les décortiquer, les analyser ou les dénoncer par le biais de la fantasy. Récemment, Clément Bouhélier mettait en scène dans son excellent diptyque « Olangar » une cité imaginaire dans laquelle on assistait au soulèvement de la main d'oeuvre naine contre leurs conditions de travail, le tout sur fond de campagne électorale. de même, dans « Entre troll et ogre », Marie-Catherine Daniel interrogeait le déterminisme social et la violence de classe par le biais du récit d'un vieux troll parti en quête de son frère, tandis qu'Isabelle Bauthian s'emparait de la question de la place des femmes dans la société dans « Grish-Mère ». le nouveau roman de Catherine Dufour s'inscrit dans une démarche similaire : parler de notre monde et de notre société tout en faisant prendre du recul au lecteur par le biais du surnaturel et de l'humour. L'action se déroule sur une planète Terre encore très jeune, alors que Dieu vient tout juste de se faire la malle, abandonnant derrière lui une multitude de créatures féeriques. Ondines, sirènes, sylvains, dryades, sylphes, elfes, korrigans, fées, lutins, ograins (un curieux mélange entre les ogres et les nains) : les voilà tous privés de magie et forcés de vivre ensemble. Au début, tout ce petit monde cohabite plutôt bien, même si la vie est plus rude pour certaines espèces que pour d'autres. Et puis, au fil du temps, les ograins se mettent peu à peu à prendre leurs aises : les voilà qui se multiplient comme des lapins, s'approprient la terre, détruisent les cultures des voisins, détournent le cours des rivières, et surtout s'étendent, s'étendent, s'étendent…

Le roman aborde quantité de thèmes qui font directement échos à notre actualité et qui, parce qu'évoqués dans un contexte différent du notre, permettent une prise de conscience et de recul intéressante. le modèle capitaliste en prend évidemment pour son grade : les ograins s'approprient toutes les ressources naturelles possibles sans se soucier des conséquences à long terme tandis que les lobbys ne reculent devant rien pour accroître leur chiffre d'affaire et contenter les actionnaires. Pris au piège de ce système délirant, les autres peuples féeriques subissent sans pouvoir rien y faire les nouvelles règles imposées par les ograins. Certains se retrouvent à servir de coursiers bas-de-gamme pour un salaire de misère, d'autres assistent, impuissants, à la destruction de leur environnement naturel et se voient donc forcés à migrer, et tous subissent de plein fouet l'hostilité de la majorité de la population ograine qui souhaiterait les voir regagner leurs pénates. Au fil des ans, les ondines ont en effet désertés leurs rivières, les sylvains leurs forêts et les lutins leurs champignons pour se retrouver parqués dans les quartiers les plus mal famés de la ville ograine voisine où ils se démènent pour trouver un emploi le moins précaire possible. C'est à ces féeries mis à mal par le système que l'auteur s'intéresse ici, « ceux qu'on a colonisés, écrasés, humiliés, ceux à qui on a fait des promesses vite oubliées ». Les mots sont de Fouad Laroui qui a publié le 10 décembre 2015 dans Libération un article que l'auteur revendique comme source d'inspiration et qui résume parfaitement ce qu'elle a tenté de faire ici, à savoir souligner la nécessité d'écrire un nouveau récit collectif dans lequel les « perdants » ne seraient pas oubliés et dans lequel les vainqueurs reconnaîtraient leur faute (article consultable en ligne ici). Cette nécessité soulignée par l'article comme par le roman, elle vient de la montée du terrorisme et de l'attrait de plus en plus fort exercé sur certains jeunes esprits par la propagande de l'État islamique. S'il n'est nullement question de religion chez Dufour, les mécanismes et les événements décrits sont les mêmes que ceux dont on peut être témoin aujourd'hui : embrigadement de jeunes vulnérables et en colère, attisement de la haine entre les peuples, attentats, repli identitaire… La seule différence vient du fait que les opprimés ne sont pas stigmatisés en fonction de leur religion ou de leur origine mais de leur espèce : pour les ograins, de toute façon, lutins, ondines, elfes et compagnie sont tous à mettre dans le même panier.

Ce ne sont évidemment pas des thèmes qu'on s'attend à croiser dans un roman de fantasy, et pourtant il s'agit là du coeur du roman de l'auteur. le pari est osé et le résultat plutôt réussi dans la mesure où il permet, encore une fois, de prendre un peu de recul sur les bouleversements que rencontre notre société. Certains y verront du militantisme déguisé et en seront probablement agacés, il n'empêche que l'objectif de l'auteur n'est pas de nous imposer ses idées politiques à gros coups de massue mais plutôt de nous pousser à réfléchir hors de notre zone de confort. Outre l'utilisation du bestiaire mythologique, elle utilise pour ce faire l'humour, ce qui, pour aborder des thèmes aussi graves et tragiques, représente un joli tour de force. Catherine Dufour n'en est cela dit pas à son coup d'essai puisqu'elle s'est avant tout fait connaître pour son cycle « Quand les dieux buvaient » qui proposait des parodies de contes à la Terry Pratchett. le principe est ici le même, si bien que les créatures mises en scène sont souvent très éloignées de l'image qu'on pouvait s'en faire : ça picole, ça jure, c'est sale…, bref, on est bien loin des représentations traditionnelles (j'ai énormément pensé pendant ma lecture à Wilfrid Lupano et à sa bande dessinée « Traquemage », une série de fantasy « rurale et fromagère » dont je vous recommande la lecture et qui use des mêmes ressorts comiques). L'ensemble est plutôt amusant, le problème c'est que l'auteur en fait parfois un peu trop, au risque de gêner la fluidité de la lecture : certaines blagues sont un peu lourdingues, les jeux de mots trop répétitifs, et la manière de s'exprimer de certains personnages finit pas devenir agaçante, voire incompréhensible (série d'onomatopées, suppression de voyelles…). le tout reste tout de même plaisant à lire, et on ne peut s'empêcher de sourire de l'inventivité de l'auteur qui a le don pour trouver des idées complètement farfelues.

Avec « Danse avec les lutins », Catherine Dufour se sert de la fantasy pour interroger les problèmes de notre époque et de notre société. Elle nous livre à l'occasion une réflexion intéressante sur les dérives de notre modèle économique (socialement et écologiquement) et surtout sur la nécessité d'écouter et d'intégrer le récit et la vision de l'histoire des « perdants ». La gravité des sujets évoqués n'empêche pas l'auteur d'avoir recours à sa causticité habituelle et, si certains traits d'humour tombent parfois un peu à plat, l'univers et les personnages dépeints restent plutôt amusants. Une lecture qui sort de l'ordinaire !
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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L'intrigue :
Sur Terre, il y avait un peu de tout puis vint le jour où Dieu et la magie partirent en laissant un carton d'hybrides et de retardataires derrière eux. Ce petit monde va coloniser la Terre et les ograins vont tirer leur épingle du jeu au détriment de tous les autres peuples. Au fur et à mesure des siècles, l'écosystème va se fragiliser, la pauvreté sera créée en même temps que la richesse et au milieu de tous ces peuples spoliés par les ograins, l'amour donnera naissance à de charmants enfants….et des ados en colère contre l'injustice sociale mais là où les adultes ont baissé les bras au fil des années pour récupérer leur territoire, leurs enfants clameront vengeance.

« – Okay, lâcha Oggam. Audace, sang-froid et sodomie de l'ordre ograin : tu es des nôtres.

Figuin ravale un « chouette » de fillette et un « seau d'eau quoi ? » de gamin. Il se contenta d'enfler la poitrine en dévisageant les alentours d'un air avantageux.

– Regarde-les, cracha Oggam. Regarde le chaos de ce monde perverti. Tous ces maîtres ograins qui se pavanent devant leurs esclaves féeries. »
Notre Histoire ?
Dans la Genèse du monde de Catherine Dufour, la vie sur Terre était belle, Dieu cohabitant avec la magie, ces deux entités finirent par claquer la porte pour chercher une autre pâture plus verte laissant derrière eux une poignée d'un peu tout, anges et démons pour Dieu, petit peuple pour la magie…et les hybrides.

« Comme souvent les touristes, les créatures magiques n'étaient pas venues sur Terre pour la seule beauté du paysage, ni pour découvrir des cuisines exotiques, ni même pour le plaisir simple de conduire leur balai comme des sagouins en faisant des gestes obscènes. Les créatures magiques étaient venues sur Terre pour forniquer comme des pistons de trompette. »
On avance un peu dans le temps, qui pour nous correspondrait à l'époque des Cro-magnons, on rencontre un ograin de 16 ans qui doit passer 3 mois dans la forêt seul comme rite initiatique au passage à la vie adulte, seuls ceux qui s'en sortent vivants reviennent auprès des leurs.

Encore un bond de quelques siècles, début de la sédentarité des ograins…et début des problèmes avec le voisinage relevé par les ondines, lutins et autres nixes. le nombre croissant d'ograins au même endroit met à mal les cultures de champignons des lutins, les ondines voient les poissons sur-pêchés, leurs marres polluées par les eaux de tannerie et les nixes relèvent que les oeufs sont tous mangés, le renouvellement des générations est mis en péril. On se rend compte à partir de là que notre société commence à être dépeinte, les ograins sont les humains de notre Terre, souffrant de stupidité écologique et le petit peuple se demandant si les ograins se rendront compte une fois tout pillé que les perles (système monétaire) ne se mangent pas.

« – Que les ograins soient de plus en plus nombreux et de plus en plus instruits, d'accord, dit Mousseron. Qu'ils fassent prendre l'air à leur double astral ou qu'ils s'entretuent, ça les occupe. Mais ils cueillent tous les champignons en ignorant la nécessité d'en laisser au moins quelques-uns pour assurer la prochaine saison. Comme si…

– Comme si leur intelligence était limitée par leur avidité, approuva Fistuline. C'est la peur de manquer, ajouta-t-elle, ce qui laissa Mousseron coite comme un cèpe en pot. »
Trois siècles après le début de l'extension de la ville de Scrougne croissant sans cesse avec le nombre d'ograins, les actionnaires font la pluie et le beau temps, des mesures seront prises pour satisfaire leur besoin de bénéfices et les résultats se verront 15 ans plus tard. le mot d'ordre : La paix menace comprendre une situation politique stable ne permet pas d'engraisser les riches (tellement dommage), les conflits leur sont nécessaires mais ne vous inquiétez pas, les conséquences ne les éclabousseront pas.

J'aime quand sa gratte :
Catherine Dufour fait parler les peuples brimés par les ograins, la Nature représentée par le petit peuple et les enfants, deuxième génération des peuples annexés par l'expansion colonialiste des ograins. Quand on se trouve dans la tête de Figuin on voit sa colère avec l'Histoire enseignée réécrite par les vainqueurs, le célèbre « mes ancêtres les ograins » qui remplace gaiement « gaulois » que nos colons apprenaient aux petits maoris par exemple….et à tous les autres, on est d'accord que c'est ridicule…mais on l'a fait…Cette colère sera d'ailleurs le terreau idéal recherché.

En bref, c'est un texte où Catherine Dufour nous plante chaque jalon menant à la radicalisation de jeunes désoeuvrés, pas moyen de fermer les yeux sur la critique qui est faite de notre société tant elle est ressemblante à Scrougne, le tout amené avec des jeux de mots ironiques et un humour mordant. Une lecture que je recommande et qui fait réfléchir.
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Une excellente lecture où j'ai ri du début à la fin. Je l'ai même recommencé pour être sure de ne pas être passée à côté d'une partie de l'humour. Dans danse avec les lutins, on a un univers de fantasy très bien construit et peuplé avec tous les refoulés des créatures féériques (les hybrides, les moins connus). Evidemment, quand plusieurs peuples doivent cohabiter, une espèce prend le pouvoir et est prête à tout pour le garder. Ici les grands souhaitent l'existence d'une rébellion pour qu'elle entraine une augmentation de l'économie via la vente d'armes liée à la peur ambiante. J'ai beaucoup aimé l'écho au monde moderne tout en ayant la possibilité de ne pas vouloir le voir. La fantasy n'est pas ici juste une excuse pour dénoncer le monde actuel, l'histoire marche en tant que telle et le lecteur choisit ou non de faire le parallèle et de réfléchir à l'actualité. J'aime avoir le choix du niveau de lecture et pouvoir prendre plaisir quel que soit le niveau de lecture choisi. Il est possible de faire une première lecture en se laissant porter par l'aventure tient la route et est divertissante. Il est aussi possible de le lire « juste » pour le plaisir de repérer l'humour mais c'est aussi un excellent moyen de réfléchir avec l'aspect critique de la société actuelle. le traitement de la manipulation des foules et en particulier des les exclus de la société est criant de réalité. Utiliser un climat de terreur que l'on a soit même créer dans l'unique but de permettre aux puissants de l'être toujours plus, est une réalité bien plus universelle que l'on peut se l'imaginer. L'analyse de ce phénomène est carrée, fine et juste et elle permet de réfléchir à tout ce qui se passe actuellement sans que cet aspect soit imposé.
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Son style rappelle celui de Terry Pratchett. En tout cas, elle partage avec lui le même humour grinçant. D'ailleurs, il ressort bien dans Danse avec les lutins qui vient de paraître aux éditions L'Atalante.

Elle y juxtapose de nombreuses petites histoires qui s'assemblent pour donner corps à un univers tourmenté dans lequel les féeries sont menacées.

Sous le regard de deux fées, on s'immisce dans le quotidien d'une communauté peuplée d'ograins (hybrides entre ogre et nain), de sylvains, de dryades, de lutins... Depuis des temps anciens, la population ograine n'a pas cessé de se multiplier au point d'éradiquer quasiment les autres espèces. En voie d'extinction, les lutins et autres féeries forment une société minoritaire qui subit le joug des ograins. Depuis trop longtemps, ils payent un lourd tribut qui est de plus en plus contesté par les esprits rebelles. Une situation tendue dont vont se servir certains édiles pour accroître leurs profits. Une secte voit le jour et enrôle la jeunesse féerique égarée. C'est ainsi que le jeune Figuin se retrouve, sous les yeux impuissants de ses parents, à commettre l'irréparable pour une cause qu'il croit juste.

Dans son roman, Catherine Dufour nous raconte la décadence d'un monde face à l'avidité de certains au détriment du plus grand nombre. Par le prisme de la fantasy et de l'humour, elle met l'accent sur le mal qui ronge la planète : l'argent, le pouvoir, la cupidité. Sensible à l'avenir de la terre et des hommes, l'autrice se sert de sa fantasy comme d'un miroir déformant de notre réalité pour aborder des thématiques sociétales et environnementales préoccupantes.

Sous le vernis d'un humour poilant se cache la volonté de brosser le portrait d'un univers qui fut verdoyant et enchanteur et qui, peu à peu, laisse la place au néant. La déforestation, la disparition des espèces végétales, c'est condamner ici les sylvains et les lutins qui se retrouvent sans abris et sans ressources. Or, s'il n'y a plus de diversités, même l'espèce invasive responsable de cette situation est vouée à disparaître à son tour.
En tout cas, la lecture de ce roman m'a ouvert la porte sur l'imaginaire fertile et drôle d'une autrice à connaître. J'entends déjà l'appel de ses autres romans. Je remercie les éditions L'Atalante pour cette belle découverte... plus d'infos sur...Fantasy à la carte
Lien : https://fantasyalacarte.blog..
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Dieu a abandonné la Terre et le monde magique a claqué sa porte, il ne reste plus qu'une multitudes d'hybrides en tous genres disséminés sur la planète. Au fil des siècles une race devient envahissante, ils se multiplient comme des lapins, n'ont aucun respect pour la Nature, et accumulent les biens sans nécessité … tout ça au détriment des autres peuples, exterminés ou réduits à la misère. Les ograins vont-ils finir par occuper tout l'espace en épuisant les ressources de la planète et en éliminant les autres peuples ?


Un roman court de fantasy sur le mode satirique, les premiers chapitres survolent les siècles, puis les générations de manière un peu décousue avant de se stabiliser à une époque ou la structure de la société ressemble à la notre, exploitation raciste et domination des banquiers en vedette - à part qu'il est question de lutins, de dryades, d'elfes, et autres.
L'autrice critique notre société à travers les peuples féériques qui en bavent un maximum face aux ograins, irrespectueux de la nature, gros consommateurs, amateurs de richesses inutiles. le ton humoristique quelque peu sanglant devient un peu lassant après un moment, c'est assez bien écrit, mais sans grande subtilité, j'ai eu l'impression d'une transposition par un procédé artificiel de propos de comptoir dans un univers fantasmagorique.
Il existe de nombreux livres en SF et en fantasy sur les thèmes de l'écologie, du racisme et autres écrits avec talent, permettant une immersion dans le texte et incitant à la réflexion - ce n'est pas la cas de ce livre, en tout cas à mes yeux.


Un livre qui m'a semblé dépourvu d'âme et n'a pas réussi à me toucher, mais au vu des prix reçus je suppose que d'autres lui trouveront un intérêt …
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Longtemps, bien longtemps avant le Déluge, la Terre était habitée par la magie.
Fées des arbres et fées des neiges, fées marraines ou Carabosse, enchanteurs et sorciers quittaient volontiers leur monde magique pour venir s’encanailler sur la Terre. Ce qui n’allait pas toujours sans heurts puisqu’une fois sur Terre, il leur fallait cohabiter avec Dieu, Son armée d’anges et Sa cohorte de démons. Car Dieu, dans Son infinie sagesse, contrôlait le deux. Pas Fou.
Les démons ne posaient guère de problèmes aux fées, étant plus occupés à griffonner des graffitis obscènes au bas des nuages qu’à gâcher les sortilèges féériques. Mais les anges…
Ah ! Les anges.
Puis tout fut fini.
Puis tout recommença.
Un jour, la Terre devint laïque. Sur un coup de Tête, Dieu partit vivre Sa vie sur une comète vagabonde. Il emmena à sa suite Son petit personnel angélique et démoniaque. Au même moment, le monde magique claqua la porte, la ferma à double tour et cassa la clef dans la serrure. En une seconde, fées et magiciens, anges et démons disparurent sans retour. Ne restèrent sur Terre que peu de choses : un noyau de fer liquide, mille kilomètres d’écorce terrestre, une atmosphère riche en oxygène, un écosystème complet et, bien sûr, l’inévitable carton oublié dans la précipitation du départ : une poignée de fées des arbres, trois démons au moins, peut-être autant d’anges, hélas… et des hybrides.
Comme souvent les touristes, les créatures magiques n’étaient pas venues sur Terre pour la seule beauté du paysage, ni pour découvrir des cuisines exotiques, ni même pour le plaisir simple de conduire leur balai comme des sagouins en faisant des gestes obscènes. Les créatures magiques étaient venues sur Terre pour forniquer comme des pistons de trompette. Elles laissaient derrière elles d’innombrables hybrides : petites ondines de rivière, sirènes en bord de plage, clochettes dans toutes les fleurs, sylvains et dryades dans les bosquets, sylphes et sylphides dans chaque courant d’air, elfes principalement bleus, korrigans invariablement roux, ogres, nains et métis ogro-nains appelés ograins, minuscules farfadets bioluminescents, et même lutins de champignon (car l’Amour ne connaît pas de frontière, ni n’a inventé les lunettes).
Toutes ces créatures se baptisèrent elles-mêmes, puisque plus personne n’était là pour le faire : fééries.
Et le temps passa – pas beaucoup. Juste assez pour que les fééries apprennent à vivre seules sur Terre, chacune selon ses goûts et ses façons, sans dieu ni magie.
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— Ces jeunes féeries scrougnaises n’ont jamais accès aux fêtes du Haut-Scrougne. Niveau distraction sexuelle, c’est quand même un peu compliqué quand tu es un quart sirène, un tiers ondin, et le reste entre l’elfe et le sylvain. La seule chose qu’ils ont aux fesses, ces jeunes, c’est la maréchaussée. Forcément, ils se drapent dans le refus en faisant semblant que c’est eux qui décident, et ils rêvent d’un destin fulgurant ! Lis ça ! (Elle agita une poignée de parchemins.) En trois paragraphes, il y a deux fois le mot « valeur » et quatre fois le mot « sacré ». Le Nef ne propose pas une sécurité d’esclave : il offre du combat au coude à coude ! Ça paraît creux comme un vase et c’est un tissu de mensonges, mais ça leur parle ! Je veux aller voir ça de plus près.

(page 99)
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Trois siècles plus tard, dans un bureau feutré dont la cheminée de pierre porte le sceau HVCQ souligné d’une plume stylisée.
– Vous savez ce qu’on dit dans la banque, en ce moment ? La paix menace.
Glloq termina sa phrase avec un petit rire de connivence qui tomba à plat sur le tapis, au pied du fauteuil sur lequel il était assis.
Glloq n’était pas un mauvais ograin : il aimait son épouse, ainsi que la plupart de ses enfants. Il donnait trois pour cent de ses revenus aux pauvres, bornait ses pulsions libidinales aux abricots confits et ne frappait son chien que quand celui-ci mangeait son journal intime. Certes, c’était un affairiste, mais de la même façon qu’Havecoque VI était banquier : parce qu’Havecoque V l’était. On encaisse ses amis, on endosse sa famille et on reprend la signature de son père. D’aussi loin que Glloq se souvînt, il avait toujours croulé sous les problèmes, ce qui expliquait en partie son profil de chameau. Pour commencer, il n’avait pas un nom facile à porter. À épeler non plus. Pour finir, il avait des actionnaires. Et ceux-ci n’étaient pas contents, d’après Havecoque VI. D’un autre côté, un actionnaire content, c’est qu’il est malade et qu’il vient de chier un lingot.
– Les actionnaires sont, hm, franchement furieux, insista Havecoque VI.
(…)
– Il y a toujours la solution de raviver les… incidents frontaliers, dit-il avec son habituel sens de la litote commerciale. Puntab contre Hsort, Unterwald contre la vallée du Platch…
– Je me suis laissé dire que ces États étaient, hm, exsangues. Dans tous les sens du terme.
– Ils ont longtemps fait l’essentiel de mon chiffre, oui.
Un silence passa, fit le tour et sortit sur les pas du majordome.
– Ce qu’il nous faut, mon cher ami, c’est voir les choses, hm, autrement.
Glloq ouvrit de grands yeux mais n’en vit pas mieux. Ceux qui en avaient les moyens se sont entre-tués et les survivants sont ruinés, que veut-il que j’y fasse ? Que je ressuscite les morts ? Et pourquoi pas armer les pauvres ? Glloq soupçonnait parfois le sombre visage impassible d’abriter des pensées furieusement inconvenantes.
– Beaucoup de gens ont fait fortune à la faveur des, hm, événements que vous avez mentionnés, dit Havecoque VI. Il nous faut aller chercher l’argent là où il est aujourd’hui.
Glloq, dans un mouvement réflexe, tapota ses poches. Havecoque VI fit cliqueter ses longs ongles sur l’accoudoir.
– Je veux parler de tous ceux qui étaient à l’arrière des conflits frontaliers, mon cher Glloq. Fabricants d’uniformes, fourgueurs de pansements, marchands de sapin – et, hm, les croque-morts, ça va de soi.
– Ah ! Ceux-là, toussa Glloq. Mais ces gens-là sont gens de paix. Je vois mal le brave Endive Boussaque achetant une morgenstern pour l’accrocher derrière son comptoir de textile.
– Vous êtes dans le vrai, grinça Havecoque VI. Ces gens-là n’ont pas le sens commun. Ces gens-là veulent à la fois les richesses de la guerre et la paix pour les dépenser. Le beau résultat, hm, c’est qu’on ne trouve plus que cohabitation pacifique partout. La voilà, l’ennemie. C’est elle qu’il faut combattre.
– Mais comment ? gémit Glloq. Quand deux populations sont séparées par une frontière, mon… argumentaire de vente est tout trouvé, mais…
– Alors, bon, il faut créer un ennemi d’un nouveau genre, le coupa Havecoque VI. Et de façon à ce qu’il ne nous atteigne pas, nous.
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Mousseron feuillet a son carnet.
— Espèce invasive. Prédation inconsidérée. Peur du manque. Aime le bois. Hygiène discutable. Sens esthétique, euh, à définir. Appétit indiscutable malgré un système digestif compliqué. Il ressort de tout ça une, disons, difficulté à vivre en harmonie avec le voisinage.
— Dites "stupidité écologique", ça sera plus vite fait, siffla Dreline.
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Vautrées sur la mousse de part et d’autre d’un petit feu jaune, les deux fées grignotaient des fleurs de cornichonnier en tétant leur coupe de vin.
-Maividemment, argumentait Pimprenouche d’une voix pâteuse, maividemment que les féeries doivent vivre avec leur temps. Faut qu’ils participent au… chose. Évolution du monde mdrne. J’ai du mal avec les voyelles.
-Le monde moderne, il se fait sur leur dos, bafouilla Pétrol’Kiwi. Les f’ries, c’est la main d’œuvre invisible ! 
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Videos de Catherine Dufour (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Catherine Dufour
Lecture de Catherine Dufour : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
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