Anne est une jeune femme qui, depuis toujours, a choisi de croquer la vie à pleines dents, sans jamais se poser de questions.
Telle une ogresse, elle s'est nourrie du regard des autres, a compris très vite qu'il suffisait de sourire et d'être gaie pour attirer l'attention et ça a marché.
En conquérante, elle a vite quitté sa ville natale, ses parents et sa cadette et a trouvé un métier passionnant à Paris.
Ses parents n'ont pas le téléphone et leur écrire lui pèse, du coup, elle ne donne de ses nouvelles que rarement et a quasiment oublié sa soeur, de 9 ans plus jeune qu'elle.
Belle, grande, sure d'elle, elle a des amants, puis un amant qui devient presque son compagnon sauf qu'entre eux, il n'est jamais question de sentiments, il est là, ça lui va bien, elle ne se pose pas de question et n'envisage guère qu'il s'en pose davantage, pas question qu'il laisse trainer des affaires chez elle.
Lui, sous son emprise, n'ose pas se poser de questions non plus, l'aime-t' il, vraiment? Il ne sait pas trop non plus....
Un couple d'amis masculins et homosexuels, joyeux compagnons de fêtes, les accompagnent dans leurs soirées, bref, une vie légère, joyeuse, loin des contraintes et des soucis.
Anne n'est pas une femme méchante, c'est pire, elle est indifférente!
Les autres ne l'intéressent pas, elle ne pose pas de questions, pas par discrétion mais par désintérêt.
On connaît tous ce genre de personnes qui, lorsqu'il se passe quelque chose, vous disent "Ah? bon, je n'étais pas au courant, tu as un mari (un enfant? Une mère malade? ) etc.." je ne savais pas....évidemment, elle ne font jamais que parler d'elles!
Ce ne sont pas des personnes discrètes, qu'on ne s'y trompe pas, ce sont des égoïstes qui prennent les autres pour des sacs poubelles dans lesquels elles peuvent vider toute leur hargne sur les autres, car en général, elles aiment aussi se plaindre, souvent....
Enfin, je m'égare!
C'est un jour comme les autres que tout à coup, sa soeur débarque chez elle, sans un sou, sans avoir prévenu qui que ce soit.
Claude est tout l'opposé d'Anne
C'est une jeune fille terne, effacée, mutique, presque autiste, on la pose dans un coin (sur son fameux pouf), elle n'en bouge pas.
Au départ, Anne n'y prête pas garde et puis, commence à vouloir se débarasser de ce fardeau un peu pesant, de cette ombre qui ne fait rien sinon l'attendre et rester dans son coin, sans objectif, sans volonté.
Elle essaie de lui trouver du travail, en vain, Claude est une phobique sociale, tout lui fait peur.
Au départ, je m'agaçais, j'avais envie de la bousculer, je comprenais Anne, je me disais que j'aurais du mal à assumer un tel fardeau.
Mais tout n'est pas si simple, évidemment.
Et au fil des pages, on se rend compte que Anne, la belle, la brillante, se sert de sa soeur comme d'un repoussoir, se plait à devenir encore plus brillante, encore plus désirable, afin de rendre sa cadette encore un peu plus terne, elle l'écrase, la dévore , se nourrie de son admiration.
Pierre, son amant, se rend compte de ce qui se passe et perd peu à peu le sentiment d'admiration qu'il avait pour sa séduisante maitresse.
S'il n'aime pas Claude, dont la présence le met mal à l'aise, il se rend compte que Anne, est en fait une sorte de monstre, enfermée dans son égocentrisme, et qu'elle a besoin de d'écraser sa soeur pour mieux exister.
Je ne vais pas dire que j'ai aimé tous ces personnages, mais je comprenais très bien quel processus était employé par l'ainée pour mieux vampiriser sa cadette, qu'elle considérait au fond comme un personnage secondaire, juste là pour lui permettre de briller encore et encore.
Et puis, au milieu de tout cela, il y aura la chute, la fin tragique, qu'on pressentait mais sans vraiment l'imaginer, tout ces masques qui vont tomber, les amitiés qui se briseront, sa fausse relation amoureuse avec Pierre....
Au final, tout laisse à supposer que cette femme, Anne, deviendra enfin humaine:
"Elle ne pensa pas une seconde à mourir non plus. Elle vivrait. Les autres trouveront peut-être qu'elle est toujours la même, pour elle tout sera différent, comme si elle avait changé de pays. Et sans doute leur envierait-elle cette chose aveugle et légère : la gaieté.
On plonge parfois dans des eaux dont on ne pourra jamais se laver. Il vous ne reste pour toujours une petite flaque au fond des yeux".
Ce roman, je l'ai lu au 3/4 dans la salle d'attente j'ai achevé sa lecture le soir même.
J'ai parfois trouvé que certains passages étaient un peu superflus, un peu démodés, j'aurais aimé également que l'auteur s'arrête un peu sur l'enfance de ces deux soeurs, nous explique comment l'ainée avait ôté toute substance à sa petite soeur, aidée peut -être en cela par des parents fiers de la réussite de la première.
J'aurais aimé également en savoir un peu plus sur cette gamine fragile, à quel moment l'image de sa soeur ainée l'avait empêchée d'avancer.....
Néanmoins,
Anny Duperey connait bien l'âme humaine et ses abîmes, une fois de plus, elle ne m'a pas déçue!