J'ai cru que ce livre était celui qui avait reçu le prix Goncourt et qui avait inspiré le film "
L'amant". C'est avec surprise que je me suis rendue compte qu'il s'agit en fait d'une réécriture du roman suite au film que
Marguerite Duras n'avait pas apprécié. D'où les consignes inclues dans le récit au cas où un film en serait tiré et des commentaires sur les personnages "plus ceci" ou "moins cela" par rapport au livre précédent. Je pense donc qu'il est préférable d'avoir lu "
L'amant" avant de se plonger dans celui-ci.
Je savais qu'il s'agissait d'une histoire d'amour entre une adolescente française et un homme asiatique en Indochine au début du 20ème siècle. L'histoire est en fait plus complexe, les sentiments de la jeune fille sont beaucoup plus ambigus. L'aime-t-elle ? Est-elle avec lui juste pour la sensualité ? Pour le plaisir de séduire ? Ou alors pour l'argent ? Un peu de tout cela à la fois ?
L'écriture de
Marguerite Duras décrit bien les troubles de l'adolescence, le souhait d'être considérée comme une femme, la découverte du désir et de la sexualité, les alternances de hauts et de bas, les pensées décousues, les sentiments ambivalents qu'on a du mal à démêler.
Tout le récit s'inscrit dans le contexte de l'Indochine coloniale, avec les relations entre les différents peuples marquées par les préjugés. Les paysages, les senteurs, les saveurs sont très bien retranscrits, en quelques phrases, sans longues descriptions. le milieu familial, profondément perturbé, occupe une grande place dans le livre. L'écriture est évocatrice, brute de décoffrage, concise et efficace.
Mais je ne peux pas vraiment dire que j'ai aimé ce roman.
Tout d'abord, je l'ai vite trouvé lassant. Les dialogues sont particulièrement creux et répétitifs. A toutes les pages quelqu'un pleure : la jeune fille et
l'amant surtout mais pas uniquement. Cela en perd toute crédibilité et finit même par devenir ridicule. Quant au désir de meurtre, il est partout : le frère aîné sur le cadet, la jeune fille sur le frère aîné,
l'amant sur la jeune fille, la mère sur la jeune fille, etc.
Surtout, à notre époque où les questions de pédophilie et de consentement sont sur le devant de la scène, je n'ai pu m'empêcher de me questionner sur cette relation entre une adolescente tout juste pubère et un homme qui a le double de son âge.
Marguerite Duras l'appelle "l'enfant" tout au long du roman et elle indique à plusieurs reprises que ses seins sont à peine formés. On apprend à la fin du livre qu'elle n'avait que 14 ans. le fait qu'elle soit issue d'un milieu familial dysfonctionnel et à court d'argent faisait d'elle une proie facile.
Certes, il semble y avoir une certaine complicité entre eux et
l'amant est tendre et respectueux. Mais il n'en est pas sympathique pour autant. Vu de l'extérieur, ce n'est qu'un jeune adulte privilégié qui ne fait rien de ses journées à part jouer aux cartes, fumer de l'opium et coucher avec "l'enfant" en attendant le mariage avec la promise imposée par son père.
En conclusion, je pense que c'est son ambiguïté et les différents niveaux de lecture qui donnent à ce récit son intérêt, chacun pouvant l'interpréter à sa guise.