Une surprise totale, en reclassant mes réserves d'"écureuil laborieux"... Cet auteur scandinave.Ecrivain qui publie ses premiers textes en 1905, appartenant à l'école des "néo-réalistes"...
Je choisis d'entrée cet extrait qui donne le ton de ce roman qui parle d'amour fou, dans les secrets , la joie mais aussi la douleur...
"Pour moi elle comptait tellement que je devais la tuer par mon silence rien qu'en lui pardonnant.Voilà donc ce que je me disais. Dans le mot pardonner, il y a un abîme de bien et de mal." (p. 167)
J'ai lu d'une traite ce texte , cette nuit... subjuguée par le suspens, mais aussi par une atmosphère mystérieuse et assez indicible !!
L'intrigue est presque "simple"... A l'annonce de la mort de sa mère, le héros, Brynjar, marin depuis son jeune âge (pour échapper à une mère trop aimante) regagne la Norvège. Il apprend que son père a été soupçonné de l'avoir assassinée.
Ce dernier a été acquitté mais les soupçons des villageois subsistent, d'autant que ce père reste fier, muré dans son silence...et ne fait absolument rien pour se disculper !
Rongé par tout cela, Brynjar veut savoir, comprendre et se refuse à imaginer son père, comme le meurtrier... S'ensuivent ses retrouvailles avec les gens de son enfance, de son village, qu'il se met à interroger avec obstination... Cette enquête déborde de son cadre et va soulever des tas de secrets... et de questions douloureuses. Au centre de tout cela: la quête du "vrai père" et la défense désespérée de la réputation , de l'honneur de sa mère, envers et contre tout...et tous, sauf contre ce "père", et "mari" hors normes !
Il est bien sûr question des rumeurs, des amplifications démesurées dans un cadre rural, campagnard âpre, constitué de paysans et de marins...et dans ce contexte, des rumeurs terribles grossies démesurément autour d'un couple atypique:
" Eh oui, ils ont trouvé qu'ici, à la campagne, ce n'était pas naturel un amour aussi fou entre mari et femme" (p. 30)
Ce texte fut écrit en 1932... ouvrage riche de suspens et de portraits hauts en couleurs....avec des émotions palpables, bouleversantes...
Une surprise et découverte exceptionnelles, avec une atmosphère unique, captivante, tour à tour, tendre, mystérieuse et terrifiante....
Je vais chercher "derechef" les autres écrits, et traductions possibles de cet écrivain norvégien...qui m'intrigue au plus haut point !!
P.S: 24 mai 2016... je viens de rechercher dans le catalogue de la BNF si il existait d'autres traductions de cet écrivain... et horrible déception...ainsi que frustration immense, présente : résultat néant !!!... je vais prospecter sur les sites de livres anciens....
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Quelle escroquerie ! Après avoir parcouru la quatrième de couverture, j'ai cru avoir emprunté un précurseur des romans policiers nordiques et je me suis retrouvé avec entre les mains une enquête familiale qui m'a pris aux tripes tant elle remue des questions universelles.
Il y a de nombreuses citations qui ont été extraites de ce livre : il pourrait y en avoir d'autres tant ce livre contient de fulgurances qui m'ont laissé parfois pantois.
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(...) d'autres croient à des idées, à des visions célestes et quantité d'autres choses. Moi, je croyais en elle, uniquement en elle. Et maintenant je m'en aperçois, et maintenant je le dis: quelles que soient les choses auxquelles nous croyons, c'est en nous-mêmes que nous croyons. En ce qui devrait être nous -mêmes. (p. 83)
Eh oui, ils ont trouvé qu'ici, à la campagne, ce n'était pas naturel un amour aussi fou entre mari et femme. (p. 30)
Pour moi elle comptait tellement que je devais la tuer par mon silence rien qu'en lui pardonnant.
Voilà donc ce que je me disais. Dans le mot pardonner, il y a un abîme de bien et de mal. (p. 167)
La forêt était immobile, indifférente à tout, même à la soirée d'été qui l'entourait. Bien sûr, il y avait les fils téléphoniques. Les fils qui chantaient, les fils qui témoignaient, pour la nuit, pour rien du tout. Mais en fait, de quoi témoignaient-ils ? Du sens de l'existence, ne manquerait pas d'expliquer quelqu'un, un sens si profond que l'absurde en devenait quasiment impossible. et c'est donc l'absurde qui est suspendu là et chante. Du reste, c'est en nous qu'il est suspendu, ce qui n'empêche nullement le chant d'être le même. (p. 150)
Non, jamais il n'avait aimé sa mère d'un amour semblable à celui des autres garçons. Peut-être parce qu'elle l'avait elle-même trop aimé ? A présent, il se rendait compte que s'il s'en était allé, s'il avait pris la mer, c'était à cause d'elle. Elle ne lui avait pas permis de vivre à sa guise; elle avait trop voulu s'immiscer dans son existence. (p. 9)