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3,51

sur 1576 notes
Voilà un livre triste et vertigineux!
Curieusement, jamais ennuyeux.
Pourtant, l'ennui est l'un des ressorts de Moins que zéro!
Clay revient à Los Angeles pour d'étouffantes vacances de Noël - Nouvel An.
Clay est jeune, ses parents sont très riches, et il picole, se drogue, s'emmerde... Se souvient, parfois, en italiques.
Clay tourne en rond, de bar branché en fêtes et en boîtes. Les mêmes endroits où le héro-narrateur retrouve peu ou prou les mêmes amis de pareille engeance.
Bret Easton Ellis, dans ce livre-mal de vivre, annonce dans quelques scènes furtives, les futures fureurs d'American psycho.
C'est ce malaise du vide, avec bruit, dope, alcool et sexe débridé, qui hypnotise le lecteur pourvu que celui-ci veuille bien monter dans le manège, évidemment.




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Whaouh ...
Comment résumer ce livre ... bon, c'est l'histoire d'un gamin qui s'appelle Clay . Il a dix-huit ans et vit sur Mulloland Drive à Los Angeles [ y a pire comme adresse et comme âge ...]. Il revient quelques jours chez lui après un séjour en fac dans le New-Hampshire [ y a pire comme vie ...]. Objectif : passer le plus de temps avec ses amis , petits amis, petite copine , amis d'enfance et autres paumés .
Comme Clay et ses potes, croulent sous le pognon et la "trash attitude ", trainer ensemble s'avère être du grand n'importe quoi . Le début est gentil mais on passe vite de "Let's dance" à" I'm waiting for my man "...
De Fêtes en RV avec le dealer, de brèves pauses au bord des piscines en rencontres sordides , rythmées par le son des années 80 , leurs errances atteignent le summum de l'ignominie et de l'autodestruction .
Mais où sont les parents, non de Dieu ?! Occupés par leurs jobs de rêve dans l'industrie du cinéma , ils passent complétement à coté des ultra-modernes-solitudes de leurs rejetons ... Aucune conversation digne de ce nom, aucune lucidité, aucune inquiétude sur la santé de leur progéniture . Parents et enfants se croisent et cohabitent dans deux univers parallèles .

L'auteur avait 21 ans lors de la parution de ce premier roman qui fut accueilli comme le symbole d'une génération , celle des années 80.
Certes dans "Moins que zéro", on écoute MTV, Blondie, Prince, Bowie, Bananarama, Duran Duran. On y compose son numéro de téléphone comme un grand, les portables n'avaient pas encore été inventés ...On lit Glamour et Interview .
Mais pour le reste, je dirais que c'est surtout le portrait d'une certaine classe sociale car ces jeunes n'ont aucun problèmes d'argent . Leurs comptes sont alimentés par Papa sans contrepartie , leurs voitures sont luxueuses et leurs adresses prestigieuses ...
Et s' ils sont paumés, et s'autodétruisent , c'est qu' ils ne s'aiment pas et n'aiment personne , rien , "zéro" . On dirait des papillons qui se cognent aux parois d'une lampe ... Leur vie n'est qu'un ennui abyssal, un vide "ParisHiltonnien "...Du Moins que zéro .
Les regarder s'enfoncer est troublant parce qu' ultra-réaliste .
Je suis incapable de vous dire si j'ai aimé ou pas ... N'attendez-pas de rédemption, de chute, de morale , BEE ne conclue pas , et nous laisse dans le noir, le vide , le néant . . je viens d'apprendre qu' y aurait une "suite" aux aventures de Clay , j'irai y faire un tour (ou pas , le soleil Californien m'a brûlé !) .
Je peux juste vous dire que ce roman est loin d'être un livre pour ados . Ames sensibles s'abstenir . Ça a été bien plus trash que ce à quoi je m'attendais .
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Portrait d'une jeunesse Américaine désabusée alors qu'elle a tout pour elle : l'argent, la beauté.... mais finalement ces choses là ne suffisent pas à donner un sens à l'existence.

Sur certains aspects on retrouve cette superficialité dans notre société actuelle, hyper connectée, et qui au lieu de vivre sa vie se contente de se construire une image au travers des réseaux sociaux, juste une représentation d'eux même sans finalement savoir qui ils sont vraiment.

L'écriture de Bret Easton Ellis est simple, limpide, directe... elle est taillée au couteau elle est tout simplement magnifique. Pas d'arabesque ni de superflu, on retrouve ici le pur style de l'école Américaine menée par les Bukowski, Fante, Carver, Kerouac ou encore Hubert Selby junior.

Parmi nos auteurs contemporains on est proche d'Irvine Welsh pour son réalisme ou encore de Samuel Benchetrit dans ses chroniques de l'asphalte où l'on retrouve ces tranches de vie d'adolescence légèrement emprunte de cynisme mais finalement livrée de manière abrupte.

Un très bon livre de littérature Américaine contemporaine.
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Était-ce judicieux de tenter la lecture de « Moins que zéro » après les apophtegmes des Pères de désert ? Peut-être les deux extrémités dont l'homme soit capable. A défaut d'avoir vécu ces deux extrêmes, je m'en remets à cette littérature qui ouvre sur le monde. Alors que Thomas Merton nous fait découvrir la part de divinité qui est en chacun de nous, Bret Easton Ellis nous en offre la part obscure. « Le roman des années 80 est né. Ouf ! Il était temps » nous dit Bernard Géniès dans le Monde, cité en quatrième de couverture. Pourtant j'ai l'impression d'avoir déjà lu ce désoeuvrement dans des ouvrages antérieurs. Kérouac, Burough, Bukowski… pour ne citer que des auteurs de la Beat Generation nous ont déjà fait connaître toutes ces turpitudes avec un peu plus de poésie. Pourtant, J'ai l'impression que Bret Easton Ellis enfonce un peu plus le clou en choisissant des jeunes de la classe aisée, à l'image du psychotique de « American Psycho ». Tous issus de l'Upper Class de Los Angeles, leur vie n'est qu'une succession de « riens ». Des tentatives pour exister, vivre des expériences extrêmes sans se rendre compte qu'ils s'enfoncent dans la vacuité, la bêtise et la sauvagerie. Génération perdue, formatée - j'y reviens toujours – par une société fondée sur l'individualisme, l'ultralibéralisme, le capitalisme sauvages. L'accumulation sans discernement de biens ou d'expériences - finalement c'est un peu la même chose - l'individualisme et l'irrespect total pour tout ce qui les entoure, est effroyablement consternant. Pas d'introspection, pas la moindre morale, en revanche toutes leurs émotions, pensées, actions sont évaluées à l'aune de l'argent, du plaisir, des sensations… et de l'ennui. Cette société, la leur, est déjà perdue. Heureusement, ils ne sont pas représentatifs de l'ensemble de l'humanité.
Pas très bien écrit, à mon avis, avec la volonté de faire sensation, personnellement, je ne suis pas sûr que ce roman soit LE livre des années 80 même s'il permet la dénonciation d'un style de vie, la vacuité d'une certaine société californienne. Un livre dans lequel je me suis quelque peu égaré. Je préfère nettement les excès des Pères du désert.
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Pas une critique, car ce livre ne me donne pas envie d'en parler plus que ça. Deuxième tentative de lecture d'un roman de l'auteur après "American Psycho", et même ressenti : un nihilisme dandy redondant, un ennui grandissant, des pages sautées, et le plaisir d'arriver à la fin de ce rien qui donne envie de rien. Mais, justement, je suis toujours convaincue du talent de l'écrivain, imaginant celui-ci bien se marrer en pensant à ses lecteurs qui trouvent un plaisir à lire la démonstration de la vacuité de notre monde pourri. J'ai lu avec intérêt et respect les critiques positives ici même de ce roman, mais il m'est impossible d'y adhérer. Toutefois, je suis convaincue que l'auteur a atteint son but avec une certaine maestria. Mais pour moi, la lecture (je ne dis pas la littérature), c'est autre chose. Plutôt vivant... et pas ce cadavre glacé so chic...
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Le narrateur revient en Californie pour les vacances de Noël, retrouve une jeunesse qui papillonne de flûtes en flûtes, de corps en corps, de rails poudreux en seringues. Attirés par le sordide puisque ce sera toujours mieux que le vide lancinant de leur vie, ces vingtenaires désabusés et drogués tourbillonnent en vain, le lecteur dans leur sillage. Critique acerbe, pertinente mais lassante (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/12/26/moins-que-zero-bret-easton-ellis/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Beaucoup de personnes n'ont pas aimé ce livre. Et c'est vrai qu'avec Bret Easton Ellis, on aime ou on déteste, difficile d'avoir un avis mitigé. En ce qui me concerne j'ai aimé. J'ai aimé car ce livre m'a conforté dans ma conviction que l'argent ne fait pas le bonheur. J'ai aimé car, tout au long de ma lecture, je me suis rendue compte que ma vie à moi, aussi plate et insignifiante soit-elle, est tout simplement géniale et que je suis une grande chanceuse.

Clay est ce que l'on appelle un « gosse de riche », ses parents sont extrêmement fortunés, il ne manque de rien. Il a 18 ans, il a tout, peut tout faire, et pourtant il ne vit pas.
Son monde se résume aux sorties, en boîte, au cinéma, dans des bars, à des soirées people. Son entourage se compose de parents divorcés, de deux soeurs frivoles, et de ses amis. Enfin … peut-on vraiment parler d'amis ? Ils sont bien sûr du même milieu que Clay, sont livrés à eux-mêmes par des parents absents qui les ignorent, passent leur temps aux mêmes activités, se droguent, dealent et s'envoient en l'air avec tout ce qui bouge.

Tous les personnages que l'on croise dans ce roman se ressemblent : cheveux blonds coupés court, bronzage. Il y a beaucoup de personnages et j'ai eu parfois des difficultés à me remémorer qui était qui. Et puis il y a cette atmosphère lourde, pesante et malsaine. Il fait chaud en Californie, Clay souffre de cette chaleur, BEE insiste beaucoup sur ce détail et fait de nombreuses allusions au feu ou à des incendies faisant ainsi rapprocher le décor qu'il construit à l'Enfer lui-même : les petits-anges blonds qui ont tout pour réussir se retrouvent déchus et se débattent dans les flammes de la géhenne. Et le pire c'est que Clay a parfaitement conscience de tout ça, il l'avoue lui-même, il ne souhaite plus rien, ne s'intéresse à rien, n'a envie de rien, comme s'il avait baissé les bras et ne pouvait plus que se contenter de subir et de rester passif.

Certaines scènes sont un peu dures et choquantes, d'autres assez étranges. BEE parvient avec talent à décrire et à transmettre au lecteur ce désarroi et ce mal-être. Je me suis sentie aussi mal que Clay à certains endroits et j'avoue avoir ressenti de la pitié pour lui même si je me suis parfois interrogée à son sujet, notamment sur sa manie qu'il avait, plus jeune, de collectionner les articles de faits divers violents et sanglants. Je m'attendais alors à chaque instant à un dérapage, à ce qu'il franchisse la ligne mais au contraire, quand l'occasion se présente il refuse. J'ai donc eu tendance à mettre ça sur le compte de l'adolescence et de l'inévitable attrait que constitue parfois ce genre de choses pour les ados.

Ne lisez pas ce livre si vous voulez de l'aventure et des tas de rebondissements. Non, ce n'est pas ce genre de romans là. Certains se sont ennuyés, je peux les comprendre. Mais c'est justement l'axe de ce roman : l'ennui. Clay s'ennuie, ne trouve aucun sens à sa vie. Je l'ai déjà dit , il peut tout avoir et tout faire sauf qu'il ne peut pas rêver, il ne peut pas avoir d'objectifs, de projets, il sait d'avance qu'il lui suffit de s'y mettre pour réussir. Comment concevoir son existence sans lui donner un sens ? Ce qui finalement nous fait avancer et lever chaque matin n'est-il justement pas le fait que l'on a des défis à relever, des buts à atteindre ?
Mais à ces jeunes-là, ces anges blonds, que leur reste-t-il ? Si ce n'est la découverte de sensations fortes : la drogue d'abord, le sexe jusqu'au viol et la prostitution, la fascination pour un cadavre trouvé dans une ruelle …
Moins que zéro : en-dessous du niveau zéro le monde des enfers.
Moins que zéro : la température dans l'espace, dans le vide interstellaire.
Moins que zéro : le récit du vide de l'existence et de l'enfer sur Terre.

Quelques mots sur le style : un style clair, précis, efficace parfois cru. BEE donne dans le détail c'est-à-dire qu'il raconte chaque geste que fait Clay (pas systématiquement non plus je vous rassure) mais à certains passages ça m'a marqué. Comme si BEE voulait ainsi combler le vide de l'existence de Clay. Les dialogues aussi m'ont surprise. Là où on pourrait voir des répliques inutiles, j'ai trouvé qu'au contraire BEE parvenait à nous retranscrire les dialogues tels qu'ils auraient réellement pu avoir lieu. Des platitudes, là encore pour combler le silence, le vide.

Aussitôt après avoir terminé ma lecture de ce livre, j'ai couru à la librairie me procurer la suite : Suite(s) impériale(s). J'ai hâte de voir ce qu'est devenu Clay.

Lien : http://booksandfruits.over-b..
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Ma curiosité m'a poussé à lire ce livre de cet auteur dont j'avais lu quelques critiques enthousiastes (et aussi celles d'American Psycho).
Je sais que ce livre a été encensé à sa sortie et comparé à l'Attrape-coeurs de Salinger

Mais, sans doute ne suis-je pas fait pour ce genre de lectures.

Certes il y a une écriture remarquable, nerveuse, froide et glacée.
Et une peinture implacable, sans concession, de ces gosses de très riches, qui noient leur vie vide de sens dans tous les excès.

Mais, ce récit des vacances de fin d'année à L.A. du jeune Clay, aux parents immensément riches mais intéressés seulement par leurs affaires, par eux-mêmes, et surtout pas par leurs enfants, un récit désincarné de cette jeunesse dorée au sens propre et au figuré, jeunes hommes blonds et bronzés et jeunes filles sans cervelle, où l'on nous sert à longueur de pages, la recherche et la consommation effrénée de drogue, le sexe sans amour, beaucoup d'alcool et un fond de rock and roll, où toute cette population de « pauvres » jeunes riches trompe son ennui et son inexistence dans des fêtes insipides, tout cela a beau être admirablement décrit et écrit , je n'ai pas su adhérer à cette histoire où d'ailleurs il ne se passe rien.
Ah, si quelques pages d'une violence abjecte, abominable, insoutenable, qui montre jusqu'où peut mener l'absence de valeurs morales.
Et aussi, j'ai trouvé plutôt belles ces digressions en italiques qui semblent évoquer les jours heureux ou malheureux de Clay, les grands-parents que l'on aimait, la petite amie Blair.
Et j'ai senti, que sans le dire, le jeune Clay ressent finalement du dégoût pour cette vie, et s'interroge sur son avenir, puisqu'il repart à l'université de Camden dans le New Hampshire.

Certes, la déshumanisation, l'absence d'empathie de tous ces gens qu'ils s'agisse de tous ces jeunes sans but, ou ces parents intéressés seulement par le fric, par le paraître, c'est sans doute dans l'esprit de l'auteur, un constat et une critique d'un monde sans idéal et gangrené par l'argent.

Mais, désolé, ce monde du rien à l'état brut, ça ne me parle pas.
Je pense que je ne lirai pas American Psycho, sauf, peut-être, possibilité improbable d'une réincarnation.

Et si on l'a comparé à l'Attrape-coeurs, je trouve qu'il y manque toute la poésie de ce dernier, que j'avais tant aimé.
C'est la même poésie que j'avais trouvé dans l'histoire déjantée de Sur la route de Kerouac.
Et puis, si l'on évoque un livre culte des années 1980, et en songeant à L.A., je préfère le Dalhia noir d'Ellroy.

Bon, mais ce n'est que mon avis avec toute sa part de subjectivité.

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Dans moins que zéro Bret Aaston Ellis nous fait vivre la vie de gosses de riches qui partagent leur temps entre fêtes, piscines et jacuzzis, et restaurants luxueux. Dit comme cela semble plutôt pas mal, sauf que ces gosses ne sont rien d'autre que des paumés qui trompent leur ennui dans la drogue et tentent vainement d'oublier que toutes les journées se suivent et se ressemblent. Une vie sans but à laquelle ils essaient de donner un sens grâce à l'argent de papa, pas maman parce qu'elle est à peu près dans la même situation qu'eux puisqu'elle ne sert que de faire valoir. En cela elles sont aussi pitoyables que leur progéniture.
Bret Esaton Ellis nous décrit une jeunesse dorée perdus, en manque de repère et qui n'a aucune idée de ce qu'est la vraie vie. Sexe, drogue et ... ah ben non pas rock'n'roll, peut -être cela aurait il pimenté l'histoire et rendu les choses plus intéressantes car la vérité c'est que à l'image de cette jeunesse désoeuvrée, je me suis beaucoup ennuyée. Je comprends le parti-pris de l'auteur, sa critique de la société américaine dont il dénonce les dysfonctionnements mais je n'ai pas été emballé par sa façon de nous présenter le problème.
Certes il s'agit là d(une véritable immersion dans la vie de ces jeunes mais le problème c'est que j'ai été aussi barbée qu'ils le sont. Loin d'envier ou de plaindre ces gamins qui ont tout et qui n'en font rien, j'ai surtout été très agacée. D'abord parce qu'il ne se passe vraiment rien et que les évènements sont redondants, c'est une succession de journées semblables et ennuyeuses, ensuite parce que ces gamins sont tellement pathétiques que j'ai fini par ne plus les différencier, et enfin parce qu'aucun n'a l'idée de se prendre en main et de faire quelque chose de sa vie.
Moins qui zéro ou la fatalité d'être né riche...
Malgré tout je reconnais que l'auteur écrit très bien et sans cela je ne serais pas allée jusqu'à la fin.
Moralité: quand on entre dans sa librairie préférée pour y trouver American Psycho parce qu'on s'est enfin décidée à le lire et qu'il n'est plus disponible il ne faut pas ressortir avec moins que zéro.
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Moins que zéro propose une variation sur la fameuse question de la poule et de l'oeuf... Qui est apparu en premier ? Est-ce la réalité d'un monde inhumain qui a engendré l'apparition en série de clones désincarnés ? A moins que ce ne soit l'existence de ce troupeau de bétail meuglant qui ait fait de la Terre un lieu où personne n'aimerait mettre les pieds ?

A travers son récit, Clay décrit une certaine facette d'un monde qui le renvoie à lui-même. le personnage, tout juste âgé de dix-huit ans (Bret Easton Ellis avait vingt ans lorsqu'il a publié ce livre), rentre d'études pour passer un mois de vacances chez lui. Alors qu'il n'est pas revenu depuis plusieurs mois, et même s'il se doute que rien n'a fondamentalement changé au cours de cette brève période, Clay se prépare déjà à sentir le malaise des retrouvailles.
Pourtant, pas d'effusion entre proches... le père et la mère, qui mènent leur vie séparément, tiennent à leur indépendance et à leur fierté comme à de vieux restes d'une adolescence inachevée ; les soeurs remarquent à peine le retour de leur frère, noyé sous une tonne de ragots bien plus excitants que son caractère taciturne ; les amis ne lui proposent rien de plus qu'un ennui partagé ; et l'ancienne petite amie, avec qui les relations sont ambiguës, reste toujours aussi inconnue que dans le passé. En rentrant chez lui, Clay retrouve ce qu'il avait laissé dans le même état qu'avant son départ. Si quelque chose a été modifié, rien de visible. L'éloignement que le temps a creusé entre lui et ses proches ne se voit pas et ne se dit pas.

Clay retrouve ses habitudes. Les journées vides sont meublées par le sommeil et l'apathie, les nuits par des sorties en boîte, dans des bars ou dans des demeures de riches. C'est l'occasion d'éveiller en soi des sensations devenues difficiles à susciter : il suffit de mélanger alcool, Valium, Témesta et séances de torture sado-maso autour d'une piscine et d'un buffet. L'effet est bluffant mais ne dure pas. En tout cas, Clay en est revenu. Même s'il continue à participer à toutes ces orgies de convention afin de suivre les traces de ses (anciens) amis et parce qu'il n'a rien de mieux à faire, on sent qu'il se tient à une certaine distance de ces spectacles. Regard critique ? Ou désespoir si intense que même ce qui faisait le plaisir de ses journées d'antan ne suscite plus rien en lui ? Clay est surtout marqué par une pensée lancinante : « Les gens ont peur de se retrouver ». Et il ne s'exclut pas de ce constat.

Clay n'indique pas clairement de quelle façon les gens arrivent à détourner cette peur, mais il le fait comprendre à travers une démonstration qui s'étend tout au long du livre : ils essaient d'étouffer tout sentiment. Ils ne sont plus déçus : ils boivent ; ils ne sont plus désespérés : ils prennent du Valium ; ils ne sont plus furieux : ils violent des petites filles ; ils n'ont plus honte : ils tapinent. le tout s'accomplit dans le silence le plus pesant. Clay, victime parmi les victimes, aussi inhumain que tous les autres abrutis autour de lui, décrit ces jours sur le ton du simple constat. On sent que la manière dont se déroulent les choses ne lui convient pas mais il n'espère rien de mieux. Il balade son désespoir et sa résignation au détours de phrases banales, de conversations inintéressantes et de détails sans intérêt -prémisse d'American Psycho. Ce mépris total ressemble presque à un désir absolu de voir se produire une apocalypse digne de ce nom.

« Samedi en fin de soirée nous sommes tous chez Kim. Il n'y a pas grand-chose à faire, sinon boire des gin-tonic et de la vodka avec beaucoup de jus de citron et regarder des vieux films sur le Betamax. Je fixe sans arrêt le portrait de la mère de Kim, suspendu au-dessus du bar dans le salon au plafond élevé. Il ne se passe rien ce soir. »

Ainsi, cette description minutieuse d'un monde creux, peuplé d'une humanité qui sillonne des routes vides, confrontée parfois à des apparitions surréalistes -un coyote écrasé au bord de la route, une voiture en flammes, des Mexicains qui pleurent, autant de signes de la déchéance proche- fait apparaître des images dignes d'un road-movie catastrophe. Lorsqu'on connait l'attrait de Bret Easton Ellis pour la description des crises de fureur qui s'emparent souvent de ses personnages, l'hypothèse d'un déchaînement n'est jamais invraisemblable.

Ce premier livre de l'écrivain n'est pas son meilleur. le regard critique de Clay ne parvient pas encore à s'exprimer avec toute l'agressivité qui fera par exemple la puissance d'American Psycho, et la superficialité des situations décrites à travers son regard donne parfois au texte l'impression d'être vide lui aussi. Pourtant, on sent déjà que l'écriture de Bret Easton Ellis s'imprègne des particularités qui feront sa singularité et son succès dans ses livres suivants. Moins que zéro n'est peut-être pas le livre qui permettra le mieux de se singulariser avec l'écrivain, mais sa lecture intéressera forcément celui pour qui American Psycho a été un grand livre. Il suffirait de se laisser aller à un peu d'émotion pour avouer que Moins que zéro est troublant car il permet le déploiement d'une vision à peine désabusée, mais que l'on sent déjà prête à s'épanouir dans toute son ampleur au fil des livres suivants…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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