Cet essai nous pousse à réfléchir. L'auteur revient sur les origines du mot anthropocène et comment il a influencé le champ littéraire pour ensuite, utiliser certains oeuvres comme exemples. Pour les plus parlants, il cite The Lost, Ghost in the Shell ou encore MaddAddam.
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Certains passages m'ont beaucoup plu et rappelé le monde actuel. le fait qu'on vit dans un "délai" qui peut se terminer à tout moment et que la responsabilité est collective. Parce que oui, les fictions d'apocalypse abordent cette question de l'anthropocène, qui regroupe des sujets comme la pollution, la croissance de la population, la disparition d'espèces animales...
Il est question de la transformation de la société et du monde au point que les alternatives en deviennent absentes et nous obligent à s'adapter en permanence 🌏
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Je n'ai pas réussie à pleinement apprécier l'ouvrage à cause des exemples assez anciens, même si je comprends l'intérêt de le faire : cette fin du monde existe depuis longtemps, au moins depuis la révolution industrielle. C'est juste que je m'attendais à des exemples plus parlants et surtout moins centrés sur le messianisme.
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Néanmoins, cet ouvrage m'a donné envie de me replonger dans les fictions dystopiques, post-apo et SF et, de lire davantage d'essais sur ces questions ⏳
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La littérature et le cinéma jouent depuis longtemps avec l’idée de fin du monde. En imaginant les formes de vie ou de société qui émergeront de l’apocalypse, explique Jean-Paul Engélibert, ces récits doivent se lire avant tout comme critique du présent.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Les fables de la fin du monde sont les récits critiques d'une industrialisation qui met les hommes au service du capital et détruit la planète. Ni nihilistes ni réactionnaires, diverses et ambiguës, souvent ironiques et toujours complexes, elles puisent dans la destruction imaginaire l'énergie d'une affirmation à opposer aux destructions réelles du monde réel.
Parmi les mots qui s’inscrivent avec insistance dans notre vocabulaire ces dernières années, deux forment une alliance singulière. L’apocalypse, vieux mythe qui mobilise plus que jamais philosophes, spécialistes des sciences sociales et critiques littéraires, et l’anthropocène, concept de géologie qui suscite désormais la discussion chez les historiens, les géographes, les anthropologues, etc. Le couple qu’ils forment suggère à la fois la fascination de la fin, l’idée que « l’homme » en est responsable et la banalisation d’un certain fatalisme devant l’échelle des phénomènes : comment lutter contre une ère géologique ? Comment prévenir l’apocalypse ? Et il ne s’agit pas uniquement d’une interrogation théorique : tous les champs de la culture sont concernés.
La prolifération actuelle de fictions littéraires, cinématographiques, télévisuelles, mais aussi de discours médiatiques et de publications de toutes sortes sur l’apocalypse et les catastrophes est frappante. Elle n’a probablement pas d’équivalent dans l’histoire, non pas parce qu’elle serait inédite – on sait que les représentations artistiques de l’apocalypse ont une très longue histoire -, mais parce qu’elle s’articule à un discours savant qui, pour la première fois, prend acte de la possibilité effective de la fin du monde. Au milieu du XXe siècle, avec l’arme nucléaire, est apparue la menace d’un anéantissement de la vie sur la Terre. Depuis, l’apocalypse n’est plus (seulement) l’objet d’une croyance religieuse, mais une réalité tangible dont l' »anthropocène » est devenu le nom. Les productions multiformes qui expriment cette menace sont devenues incontournables dans tous les champs de la culture et de l’art, des plus marginaux ou périphériques aux plus centraux ou légitimes. L’apocalyptisme ambiant concerne les scientifiques, les philosophes et les artistes autant que les prophètes et les gourous – et d’ailleurs il n’est pas toujours facile de séparer les uns des autres. Il faut pourtant le faire : éclairer les enjeux de ces représentations ou, si on veut, s’essayer à un apocalyptisme critique.
Il faut supposer que les fictions de la fin du monde ont quelque chose à nous apprendre. Elles ne sont pas toutes des prophéties lancées par des marchands d’apocalypse jouant sur la fascination de la terreur. D’ailleurs, elles ne racontent presque jamais des fins absolues : « Le texte apocalyptique décrit la fin du monde, mais ensuite le texte continue, et aussi le monde qu’il représente, et aussi le monde lui-même. […] L’apocalypse est le moyen de faire table rase du monde tel qu’il est et de rendre possible un paradis, ou un enfer, postapocalyptique. » [James Berger] Ces fictions ne sont pas seulement des fantasmes de destruction. Les plus sérieuses – les plus vraies – d’entre elles projettent dans le futur une pensée du présent.
Giorgio Agamben, dans Le temps qui reste, tirait une leçon comparable de sa lecture de l’Epître aux Romains. Il distinguait le temps du messianisme, comme temps de la fin, de la fin des temps et voyait dans le premier un temps ramassé, contracté, qui récapitule l’histoire et anticipe le royaume, un kaïros et non un chronos : non pas « la fin chronologique du monde mais le présent comme exigence d’achèvement, comme ce qui se donne à titre de fin ». Le messianisme convoquerait donc le passé et appellerait la fin, ce serait un temps qualitativement différent : à la fois une opportunité et une exigence, une promesse et une réquisition. Dans les termes de Latour, notre « enracinement terrestre » nous requiert et l’opportunité de le cultiver constitue la seule promesse que nous puissions nous faire. L’apocalyptisme critique se situe bien là : convoquer un au-delà qui révèle la destructivité de notre histoire et symétriquement inscrire dans le temps la promesse d’un autre monde. L’anthropocène nous intime d’habiter la Terre ; il se dit en termes eschatologiques car eux seuls donnent sens en même temps à la menace et à la promesse. C’est en cela que les fictions de la fin du monde que j’étudie ici s’opposent terme à terme à l’apocalyptisme nihiliste qui consiste à tenter de faire perdurer notre monde tel qu’il va et à écarter tout discours et toute pratique visant à faire exister une promesse. En d’autres termes, un autre monde est possible, mais à la condition d’une critique radicale du nôtre.
L'Escale du livre en chaussons, pour une échappée confinée.
Fabuler la fin du monde : dialogue avec Lucie Taïeb et Jean-Paul Engélibert
Lucie Taïeb et Jean-Paul Engélibert auraient souhaité être à l'Escale du livre ce week-end et discuter ensemble de leur livre, en pleine actualité aujourd'hui. Ils dialoguent ici, à distance, de notre monde, de notre quotidien confiné et de l'opportunité de renouveler notre société.
Lucie Taïeb, "Les échappées" (Editions de l'Ogre)
Jean-Paul Engélibert, "Fabuler la fin du monde" (La découverte)