AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782709661669
304 pages
J.-C. Lattès (01/02/2018)
4/5   7 notes
Résumé :
« Je me demande si une seule personne se souvient encore de moi. Depuis le temps que je ne communique plus avec le monde extérieur, j’ai certainement fini par être rayé de tous les carnets d’adresses et même de la mémoire de ceux qui m’ont connu. Tant mieux. Effacer ses traces est un principe taoïste auquel j’adhère sans remords. »
Après avoir côtoyé les milieux taoïstes de Chine pendant plusieurs années, Patrice Fava, sinologue et anthropologue, se retire da... >Voir plus
Que lire après L'usage du TaoVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Rapprocher l'Ardèche et la Chine par leurs cultures et traditions, et autour de l'usage du Tao, cela semble être une gageure. C'est pourtant le propos réussi de cet essai !

Patrice Fava est sinologue et a longtemps vécu en Chine. Lorsqu'il revient en France, il s'installe dans une ferme isolée au nord de l'Ardèche et en fait son ermitage. Il y pratique le Qi Gong. Il nous livre ici ses réflexions, ses lectures, son ressenti face à la nature et cette montagne si présente qui impose le rythme de la vie quotidienne. Tout cela enrichi par sa connaissance de la culture chinoise et toujours à la recherche du Tao tel que le lui ont enseigné ses maîtres asiatiques.
Il évoque la peinture de paysage très différente selon qu'elle vient de l'Orient ou de l'Occident, l'art de la calligraphie lié au souffle et au geste, la méditation, la poésie… Il compare et explique les points de vue divergents ou similaires de multiples penseurs et écrivains. Il conteste certaines traductions, expose son point de vue.

L'ensemble forme un essai dense, fourni en exemples divers et en contenu. Si l'écriture en est précise, ciselée, elle n'en reste pas moins abordable et invite presque à la rêverie. La réflexion du lecteur est guidée par des chapitres plutôt courts et aux titres évocateurs. On peut aisément y revenir si on le souhaite. Toutefois je l'ai lu quasiment comme un roman, suivant les péripéties de la pensée de l'auteur comme une intrigue passionnante.
Bien sûr, certains points sont restés compliqués pour moi car je n'ai pas fréquenté l'enseignement chinois. le Tao est assez difficile à saisir, encore plus à pratiquer. Mais ce livre permet de les aborder, d'en prendre connaissance à défaut de comprendre complétement. Il s'agit d'ailleurs d'un livre qui demande à être lu et relu : revenir sur certaines pages, approfondir par d'autres lectures complémentaires, se confronter aux éléments culturels cités par l'auteur…

Je vois cet essai comme une fenêtre ouverte, une invitation à poursuivre le chemin de la comparaison de deux cultures peut-être pas si éloignées que cela.

Un grand merci aux Editions JC Lattès pour leur envoi, et à Babelio pour l'organisation de la Masse Critique.
Commenter  J’apprécie          222
Avec ce livre « L'usage du Tao » de Patrice Fava c'est la Chine qui vient à nous ; plus précisément c'est le Tao qui éveille l'Ardèche ou plutôt invite à d' autres perceptions

Pour les personnes de ma génération, l'évocation de l'Ardèche associée à une quête de spiritualité différente renvoie à une image d'Epinal, le retour à la nature des années 70 qui tourne au vinaigre, cohabitation difficile avec les autochtones, manque de savoir faire, de préparation psychologique à la dureté de la condition rurale…

Ce livre de Patrice Fava ne se situe pas du tout dans ce registre. L'immersion dans l'Ardèche n'est pas vraiment une symphonie pastorale, le tableau n'est pas une jolie aquarelle mais plutôt gravé à la hache, la désertification irréversible, les hameaux fantômes, les maisons en ruine, la vie solitaire des derniers habitants qui prend des accents de survie quand on ne peut compter que sur soi.

Les chapitres impriment un va et vient entre les fondamentaux de la sagesse chinoise, tout particulièrement du Tao, et des évocations de l'Ardèche, lieu de vie de l'auteur, terreau fertile pour une greffe de cette sagesse.
La montagne offre l'environnement le plus propice à l'épanouissement du Tao, évidemment pas celle défigurée par les infrastructures du tourisme et la surfréquentation, celle où le silence a encore une musique, une profondeur. Une relation privilégiée peut s'établir. « Si la méditation peut se pratiquer n'importe où, la montagne a toujours été considérée comme le lieu de prédilection de la quête du Tao et de l'union avec le cosmos. » (p.152)
Cette géographie sauvage, ces conditions de vie exigeantes ont contribué à ce que la spiritualité privilégie des formes plus épurées, éloignées d'ornementations rituelles. le protestantisme en réaction aux richesses et mode de vie du clergé romain a pu ainsi y trouver une terre d'accueil.
Pour Favra le paysan ardéchois a développé son savoir dans cet isolement et cette austérité sauvage vivifiante comme le paysan chinois en son temps.

La tache suprême de l'artiste est de capter l'invisible, d'exprimer le macrocosme dans le microcosme de l'oeuvre. Ce souffle la peinture chinoise réussit à la capter dans ces paysages et le Tao participe à ce même élan. « voir l'invisible, pénétrer le monde végétal ou humain au-delà de l'apparence » (p. 122) Dialogue vivant : « Il m'est arrivé de voir le paysage que j'avais devant moi se transformer en peinture » (p. 169).

C'est ce regard intérieur que les artistes chinois pratiquent et représentent, sur les statues ces sourires, ces yeux mi-clos n'ont rien de commun avec le sourire de Mona Lisa (p. 179 et 180).

Réduire les déplacements et les communications stériles (p. 194 et 195)
« Vivre privé de conversation est une libération. Il y a de temps en temps, des gens avec qui on peut aimer parler, car les sous-entendus et les raccourcis valent autant que ce qui fait le fond des propos qui s'échangent, mais de manière générale, le dialogue avec la nature est quand même bien supérieur à tout ce qu'on peut imaginer de la communication entre humains. » (p. 196)

L'auteur ne peut que constater que la société occidentale moderne est engagée dans une fuite matérialiste mortifère mais que le retrait taoiste individuel peut difficilement constituer une réponse collective.
« 0n se demande toujours ce qui va nous permettre de survivre. Il n'y a que des réponses individuelles, extrêmes, comme la mienne. Les taoïstes pratiquent la contestation par le retrait, mais, c'est ce qu'il y a de moins assimilable par une société. » (p.203)

Cependant même en Chine la culture s'éloigne de la spiritualité qui s'exprimait dans les créations (p. 204 et 205).
Face à cette évolution, Patrice Fava, tel Montaigne dans sa tour, reprend son souffle dans les livres, tout particulièrement avec la poésie, dialogue avec ces hautes figures.
« le taoïsme, qui est une culture savante, s'apprend autant dans les livres que sur le terrain. » (p. 218)
« Cette maison envahie de livres, est à la fois un ermitage, un musée et une communauté savante, en apparence seulement très hétéroclite. Il me suffit de tendre la main vers une étagère pour cueillir le fruit d'une vie de réflexions et passer la journée en compagnie d'un ami qui n'est plus là .
Wang Wei, le poète paysagiste le plus inspiré, qui vivait au VIII siècle, me semble parfois avoir vécu dans cette maison. J'ai sous les yeux les scènes qu'il décrit dans ses poèmes.

La montagne est vide mais on ne voit personne
Mais on entend des voix qui résonnent
Les derniers rayons du couchant dardent à travers les arbres
Dessinant des ombres sur le marbre des mousses

Wang Wei écrit comme il peint. » (p.205 et 206)

André Breton s'insère naturellement dans cet univers poétique en particulier avec Arcane 17 (p.206-207).

Curieusement, Patrice Fava, hyper réceptif au terroir ardéchois, ne mentionne pas l'histoire et ces lieux chargés de symbolisme et d'éveil spirituel. La grotte Chauvet rayonne et offre une ouverture dans le temps et l'invisible. Cet art pariétal indéchiffrable sans doute à jamais mais dont l'ombre du chamanisme danse sur ses parois, une correspondance entre le chamanisme et le taoïsme ...celui-ci a fleuri sur le rhizome du chamanisme. La peinture chinoise naturaliste est peut-être celle qui se rapproche le plus de ces fresques pariétales, pas dans la surface esthétique mais dans la profondeur, la spiritualité, le souffle qui peuvent en être perçus (cf. dans ce sens les livres de Jean Clottes, de Thomas Merton "Mysique et zen" p. 146 ou de Cyrille J. D. Javary « Les trois sagesses chinoise » p. 36-40).

Un très beau livre à lire, pas du tout hermétique, sans avoir besoin de se retirer en une vie érémitique
Commenter  J’apprécie          93
Je tiens tout d'abord à remercier Babelio et les éditions JC Lattès pour ce livre.

Patrice Fava, spécialiste de la Chine est parti quelques années dans ce pays pour suivre les enseignements des derniers maîtres du Tao, philosophie très ancienne et mis à mal par le régime actuel. de retour en France, il décide de vivre cette philosophie en Ardèche.

J'ai vraiment trouvé ce livre très intéressant, essayant d 'expliquer de manière simple et concise ce qu'est le Tao. La façon dont on peut la vivre dans les montagnes de l'Ardèche.

Un beau parcours de vie, a conseiller à tous ceux qui s'intéressent aux philosophies chinoises.
Commenter  J’apprécie          160
« Le taoïsme n'est pas exportable. », nous dit l'auteur. Voilà un livre que j'ai lu lentement et qui m'a demandé pas mal de concentration par moments. C'est dû, il me sembla, à l'énorme différence culturelle entre la Chine et la France, et notamment au niveau des langues, le chinois et le français. Cela dit, certains chapitres qui traitent plutôt de la vie de l'auteur en Ardèche se lisent très facilement, et s'alternent avec des réflexions plus complexes sur le tao, ce qui donne au livre un bon rythme. J'aime les histoires d'ermites. Je me régale à lire qu'aujourd'hui, des personnes vont volontairement s'isoler au coeur de la nature et prennent ainsi le temps de nourrir leur esprit.

Je m'attendais à lire un livre de spiritualité. J'ai donc été surprise d'y trouver de nombreuses références à l'art et aux artistes chinois, principalement peintres et poètes. J'ai cru comprendre que dans le taoïsme, spiritualité et pratique artistique se lient bien, qu'il s'agit de deux voies complémentaires pour atteindre le tao. Voir l'art comme une pratique spirituelle me plaît beaucoup.

Dans ce livre l'auteur compare régulièrement le système de pensée judéo-chrétienne, celui du tao et celui du bouddhisme, pointant surtout leur différences. Il insiste sur l'importance de la nature dans le taoïsme, de l'axe ciel-terre, ainsi que du lien entre le corps et l'esprit. Alors que les judéo-chrétiens se tournent vers le ciel et méprisent le terrestre et le corps.

Une lecture qui fut pour moi une première plongée dans le taoïsme et qui m'a donné envie d'en savoir plus.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Les preuves de l’existence de Dieu nous agitent encore et la crise de l’Église, aussi profonde soit-elle, ne doit pas nous faire oublier l'emprise qui est la sienne. La question de l’inexistence de Dieu est pourtant facile à régler, une fois qu'on s'est rendu compte qu'on peut le remplacer par n'importe quoi : Vishnu en Inde, l'Empereur de jade en Chine, ailleurs Mahomet, Bouddha ou Zoroastre.Cela devrait suffire pour comprendre que la religion est l'expression d'une culture, une invention collective dans laquelle se projette une société . Une solution parmi d'autres.
Commenter  J’apprécie          100
On sait que les Chinois ont été à l'écoute de la nature de façon très subtile, mais on oublie, qu'à un degré ou à un autre, les poètes et les peintres ont tous pratiqué ces méditations prolongées qui leur ont fait découvrir ce que les promeneurs distraits ne verront jamais.

Yuan Hongdao, mélomane averti de la musique de la nature, distingue les accords différents du vent selon les espèces d, arbres et de feuilles.

Lorsqu’elles sont larges, note-t-il, le son est émoussé, lorsqu'elles sont trop sèches, le son est triste. Rien ne s'accorde mieux à la musique du vent que les pins. Avec leurs troncs droits, leurs branches courbées, leurs formes massives ou légères, ils font de merveilleuses éoliennes.

Le vent souffle à travers eux sans obstacle, et produit la musique -naturelle la plus merveilleuse.

Dans le Pavillon du vent dans les pins qu'il s'était construit sur le Pic du faisan doré, trois très vieux pins produisaient, sous le souffle léger du vent, des sonorités cristallines semblables à celles d'un ruisseau sur les galets; lorsqu'il soufflait plus fort, on entendait une musique noble et solennelle, et, les jours de tempête, c'était un déferlement de vagues ou un roulement de tambours grave et triste.

Après cela, lorsqu'on regarde la peinture qui s'appelle Écouter le vent dans les pins, on partage tout naturellement les sentiments du personnage qui est assis sous l'arbre et on entend, avec lui, la musique jouée par le vent (p.146 et 147)
Commenter  J’apprécie          20
Le silence est le plus grand des luxes.

Il porte en lui, partout où il existe, la poésie du monde. Rien autant que le silence ne transfigure les sens.

Que les mystiques d'Occident soient allés au désert et les ermites chinois dans les montagnes est lié à la nécessité du silence pour tous les chercheurs d'absolu. Le Vide est une variante du silence, son complément esthétique et la cithare à sept cordes, l'instrument par excellence qui joue avec le silence. Dans mon anthologie poétique, à côté de Wang Wei, Li Bai, Li Shangyin et beaucoup d'autres, j'ai inscrit cet aphorisme de Malcolm de Chazal :« L'abeille tisse le silence de ses ailerons de soie.»

La plus puissante source d'inspiration, le milieu le plus favorable pour faire bouger la pensée est le silence. Il oblige l'oreille et l'esprit à être toujours en alerte. (p.24 et 25)
Commenter  J’apprécie          40
Ce n'est pas un hasard si, à côté du rayon des poètes chinois, indiens et japonais, je suis capable de trouver dans n'importe quelle œuvre d'André Breton un écho de ma prédilection pour ce vieux pays à la lisière du monde

« Le besoin d'autre chose est ici moins grand qu'ailleurs» (Martinique, Charmeuse de serpents).

« La pensée poétique est l'ennemie de la patine et elle est perpétuellement en garde contre tour ce qui peut brûler de l'appréhender : c'est en cela qu'elle se distingue, par essence, de la pensée ordinaire.
Pour rester ce qu'elle doit être, conductrice d'électricité mentale, il faut avant tout qu'elle se charge en milieu isolé, » (Arcane 17).

« Saint-Pol-Roux tourne vers nous des yeux d'un bleu toujours plus pur, toujours plus lavé par le vent des images.» (La clé des champs).

« Du fond de ce couloir pestilentiel où se trouve engagé l'homme d'aujourd'hui, il devient presque moralement impossible de reprendre haleine.» (La lampe dans l'horloge).(p.206-207)
Commenter  J’apprécie          30
Le taoïsme apprend à vivre, au lieu de subir, à devenir le centre de soi-même plutôt que la marionnette qui s'agite dans une heureuse ignorance.

p. 99
Commenter  J’apprécie          150

Videos de Patrice Fava (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Patrice Fava
Le 24 février 2018, nous avons eu le plaisir d'accueillir à la librairie, le chercheur Patrice Fava pour la sortie de son dernier ouvrage "L'usage du Tao" publié aux éditions JCLattès.
Avant que la rencontre ne commence, il a répondu à quelques petites questions pour en savoir plus sur ses lectures en cours, ses coups de c?ur, et plus encore.
En espérant que ce nouveau type de contenu vous plaise !
"L'usage du Tao", Patrice Fava (JCLattès, 2018) : http://www.librairielephenix.fr/livres/l-usage-tao-recit-voyage-interieur-entre-orient-occident-9782709661669.html
Patrice Fava, bibliographie : http://www.librairielephenix.fr/auteurs/fava-patrice-486.html
------------
Livres mentionnés dans la vidéo :
"Cultures", Philippe Descola (Coédition, 2017) : https://www.decitre.fr/livres/cultures-9782355362675.html
"La philosophie morale de Wang Yang-ming" (Youfeng, 2015) : http://www.librairielephenix.fr/livres/la-philosophie-morale-wang-yang-ming-9782842797164.html
"La religion de la Chine", Kristofer Schipper (Fayard, 2008) http://www.librairielephenix.fr/livres/la-religion-chine-9782213631912.html
"Anabase", Saint-John Perse (1924) , disponible sous plusieurs éditions
L'oeuvres de Simon Leys http://www.librairielephenix.fr/auteurs/leys-simon-585.html
Vidéo réalisée par Laura, libraire du Phénix Vidéo tournée et montée par Clémence, libraire du Phénix Soyez indulgents, nous débutons !
+ Lire la suite
autres livres classés : taoïsmeVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (17) Voir plus



Quiz Voir plus

Jésus qui est-il ?

Jésus était-il vraiment Juif ?

Oui
Non
Plutôt Zen
Catholique

10 questions
1836 lecteurs ont répondu
Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..