- Dans cette émission de Ça commence aujourd'hui, nous allons nous intéresser aux vrais jumeaux, dont l'incroyable histoire va profondément vous toucher. Ce sont des témoignages bouleversants que vous allez entendre. La vie ne leur a pas fait de cadeaux.
Je vous propose d'écouter tout de suite l'histoire de Miina etTiina Heikkinen, originaires de Finlande !
Sur le fauteuil sont assises deux femmes momifiées, le visage ricanant, leur corps abîmé, décharné et les orbites grandes ouvertes présentant de vagues similitudes. Déterrées à l'occasion de l'émission, ces jumelles monozygotes ont eu en effet eu un destin hors du commun.
- Avant de nous raconter votre incroyable aventure, je vais vous poser la question que se posent tous les téléspectateurs et moi-même : y a-t-il une vie après la mort ? Êtes-vous au paradis, en enfer, festoyez-vous auprès d'Odin ?
Pas de réponse. le silence sur le plateau est lourd.
- Je comprends. Ce n'est une question pas évidente. On y reviendra tout à l'heure si vous voulez bien. Racontez-nous votre incroyable aventure si vous voulez bien. Tiina, vous voulez-bien commencer ?
Et toujours ce silence de mort.
- Natasha, comment expliquez-vous cette difficulté à exprimer l'indicible ? demande l'animatrice à l'experte en psychologie de l'émission.
- Eh bien ça me paraît évident Faustine, c'est lié à l'ampleur de leur stress post-traumatique.
Marc, avocat pénaliste, intervient à son tour :
- Je pense que l'absence de langue et la rigidité cadavérique sont aussi des handicaps sévères à l'expression orale Miina et de sa soeur Tiina.
Énervée par le déroulement chaotique de son émission, l'épouse de
Maxime Chattam abrège :
- En 2020, ces deux jumelles âgées de 39 ans ont été tués sur une route en Finlande. Cela n'a rien d'inhabituel au premier abord, cependant elles ont été tués séparément, à moins de deux heures d'intervalle. La première des jumelles a été heurtée par un camion surgi
de nulle part et tuée pendant qu'elle pédalait sur la route. Deux heures plus tard, sa soeur est décédée exactement de la même manière, avant même d'être informée de la disparition de sa jumelle, ce qui exclue donc toute hypothèse de suicide.*
* Ndb ( Note du Babeliote ) : Cette anecdote est inspirée d'une histoire vraie.
Sur le fauteuil voisin, c'est au tout de Raphaël et de son frère
Antoine De raconter leur histoire.
- Ils se ressemblent comme deux gouttes d'eau ( Jacques Expert, si tu nous regardes, je te fais un bisou ) et pourtant, leurs caractères, leurs personnalités, sont diamétralement opposés. Avant de leur laisser la parole, je vous laisse visionner le résumé de leur-histoire.
Photos. Voix sinistre de circonstance.
"Orphelins, Raphaël et
Antoine ont été recueillis en 1999 après le suicide de leur mère. Inséparables, ils ont grandi ensemble pendant quelques jours, ils ont ri et pleuré, ils ont mangé et fait leur premier rot simultanément. Quand soudain, par une froide nuit d'hiver ( on entend des grondements de tonnerre factices en arrière-fond ), le destin viendra les séparer.
La richissime famille de Perrache, Thomas et son épouse Hélène, va adopter Raphaël - et seulement Raphaël - le séparant de sa moitié, de l'autre chair de la chair de leur mère, l'amputant ainsi de son jumeau.
Seul, en larmes,
Antoine aura cependant la chance d'être adopté à son tour par la famille Moreau. Mais à l'âge de cinq ans, de nouveau sa vie bascule ( éclairs menaçants, fondue au noir ). Il dépendra à nouveau de l'ASE ( aides sociales à l'enfance ) et sera ballotté entre foyers et familles d'accueil pour le pire et le plus pire. Il perdra ses parents adoptifs dans un accident de voiture, mais sa mère étant plongé dans un profond coma, juridiquement il ne pourra pas être de nouveau adopté.
Loin des yeux mais pas loin du coeur, jamais les jumeaux n'oublieront leur frère bien-aimé. Raphaël n'a jamais interrompu ses recherches et finalement, c'est à vingt-trois ans qu'il retrouvera son frère, en octobre 2022.
Et ce sont enfin les retrouvailles entre le milliardaire et le sans domicile fixe."
- Je vois des larmes dans vos yeux Raphaël, j'imagine que c'est l'émotion qui vous submerge ? lui demande Faustine.
- Euh... non ce sont des larmes de rire tellement votre reportage est éloigné de la vérité. J'ai jamais su que j'avais un frère, je l'ai découvert il y a un peu plus d'un an complètement par hasard. Rien à battre d'
Antoine, je suis juste allé le voir parce que j'avais besoin d'un sosie pour pouvoir tromper mes deux nanas sans qu'elles ne me fassent de scène.
- Et vous
Antoine pourquoi pleurez-vous ?
- Parce que j'ai une vie de merde. Parce que je fais tout pour m'en sortir et que ça n'est jamais assez. Parce que je suis endetté de partout et que mon rêve de devenir avocat se brise peu à peu. Parce que mon frère est un connard. Parce que j'aurais pu avoir une vie de rêve moi aussi si on m'avait choisi, si les parents de Raphaël ne nous avaient pas séparé à la naissance. Parce que grandir dans les foyers et les familles d'accueil c'est infernal. "J'y ai été battu, drogué, affamé, humilié, rabaissé."
- T'es vraiment un loser, heureusement que je suis venu à ta rescousse pour te proposer un deal, enchérit Raphaël
- Et toi t'es un type pourri gâté ignoble, répugnant, inconscient de sa chance, méchant, blessant, odieux, orgueilleux se venge
Antoine.
Les silhouettes des jumeaux s'évaporent alors, laissant alors la place à deux autres individus.
- Mais ce serait possible d'avoir de vrais invités ici ?! s'énerve Faustine.
- Bonjour à tous, moi c'est
Claire Favan et je suis la créatrice des jumeaux et l'auteure de
de nulle part.
- Surgit un aigle noir. Lentement, les ailes déployées, lentement, je le vis tournoyer, comme le dernier roman de
Jacques Saussey... ajoutais-je en fredonnant Barbara.
- Et vous vous êtes ?
- Un lecteur. Je me prénomme Antyryia, et j'ai lu le roman de Claire.
- Vous n'êtes pas jumeaux dites moi ?
- Pas à ma connaissance non.
- Je ne pense pas, confirme Claire.
Faustine sent que son émission part complètement en cacahuète. Mais nous laisse quelques minutes pour nous exprimer.
- Dans ce roman, j'ai voulu rendre un hommage particulier à un de mes lointains ancêtres, qui a eu une vie radicalement différente de son jumeau, et parler également de tous les petits hasards de la vie qui font que nous sommes nés alors que les chances que nous existions un jour étaient infinitésimales. J'ai également voulu écrire un thriller social, comme je l'avais déjà fait avec
Inexorable notamment. Mais cette fois je me suis attaqué au vaste sujet des dysfonctionnements de l'aide sociale à l'enfance, sans rien inventer hélas, et dénoncer les contradictions et complexités administratives. Je n'ai rien écrit de volontairement glauque, juste la réalité d'un système qui arrive à dégoûter des intervenants investis par son absurdité.
- Vous n'êtes pas la première à vous emparer d'un tel sujet. L'enfance d'
Héloïse dans le roman homonyme d'
Ophélie Cohen fait froid dans le dos. Un autre
Antoine, celui de
Christian Blanchard, ne va pas avoir une vie de tout repos une fois orphelin, particulièrement dans la maison d'arrêt pour mineurs de Rouen. Par contre, il sera un des rares personnages à avoir droit à une famille d'accueil bienveillante, qui n'a pas pour seule obsession l'argent, la maltraitance et le viol de jeunes filles.
Cela dit j'ignorais qu'un sans domicile fixe sur quatre était un ancien enfant placé, tout comme j'ignorais qu'une fois leur majorité atteinte ces enfants étaient lâchés dans la nature. Mais si je trouve que les moyens mis à disposition pour ces familles et ces foyers sont tout aussi insuffisants que les outils de suivi, j'ai aussi envie de dire que si l'on noircit tous les tableaux on est dans le pire pays qui soit, ce qui n'est pourtant pas le cas.
- C'est votre second livre se déroulant en France, Claire, c'est bien ça ? nous coupe Faustine.
- Après
Inexorable, c'est exact.
- Repensez aux USA la prochaine fois, suggérai-je, conscient d'être l'unique lecteur à ne pas réclamer de romans se déroulant dans l'hexagone.
- Vous trouvez que j'ai changé de style ?
- Alors non, pas vraiment. Vous avez gardé ce côté machiavélique que j'adore, j'ai encore eu ma claque en fin de première partie avec un twist aussi inattendu que celui de
Serre-moi fort, vous êtes toujours experte dans l'art de la manipulation et j'adore ça. Cependant, l'enquête policière m'a ennuyée. C'est la psychologie des personnages votre point fort et c'est pour ça que j'avais autant adoré
La chair de sa chair l'an passé. Ici il y a quelque chose de moins abouti, de moins plausible. D'habitude j'adore détester vos personnages antipathiques et cette fois je ne suis pas arrivé du tout à me connecter à Raphaël, à comprendre et donc à admettre son fonctionnement. Pas plus que je n'ai trouvé réaliste - mais peut-être ai-je tort - l'humiliation que ses petites amies étaient prête à subir pour lui, sans rien en retour.
Donc en résumé j'ai appris, j'ai eu droits à de jolis retournements de situation, je l'ai vraiment dévoré en très peu de temps, mais avec votre nom en couverture j'en attendais plus encore.
- Merci à vous deux d'avoir eu la gentillesse de vous exprimer sur les personnalités d'
Antoine et de Raphaël, ce jumeau surgi vingt-trois ans plus tard, dont vous pourrez retrouver l'histoire* dans le nouveau roman de
Claire Favan.
* Ndb : Cette histoire est fictive même si les histoires de jumeaux séparés à la naissance sont légion, comme George Skrzynecky et Lucian Poznanski, deux frères polonais qui se retrouveront soixante-neuf ans plus tard.
- Je vous prie d'accueillir nos derniers invités du jour : Patrice et Patrick.
Faustine Bollaert donne la parole à ces derniers, des frères siamois. En effet ils partagent les même jambes et c'est seulement au-dessus du bassin que leurs corps se séparent et laisse deux sosies parfaits prendre forme.
C'est Patrick qui prend la parole le premier.
- Nous n'avons qu'un anus. Je suis hétéro et Patrick est gay.*
- Bon cette fois je n'en peux plus, je sature, rien ne commencera aujourd'hui, coupez !!!!
* Ndb : Humour de merde, désolé ...