La vie est pleine de nuages. Et nous sommes à l'intérieur des nuages. Et parfois c'est si noir que le noir vient en nous.
Esther les complimenta : ils avaient beaucoup d'idées, ils étaient des enfants vifs et intelligents, et elle aimait leur faire la lecture. Avec qui t'es ? insista Sandro. Avec vous tous, dit Esther, et j'adore vous écouter discuter. Ils semblaient stupéfaits qu'on leur parlât d'eux, et pour les féliciter. (p.117)
Les autres venaient maintenant nonchalants et silencieux. Esther fut frappée de la beauté brune et violente. Une lumière insolite allumait la noirceur des yeux et la carnation mordorée. Ils avaient tant de cheveux que leurs visages s'y perdaient. Les hommes étaient plus sveltes que les femmes, mais elles portaient bien l'embonpoint, comme s'il n'avait été que la féminité.
Elle lut avec de la tendresse pour eux et de la foi dans les histoires. Et elle n'avait ni crainte ni question, est-ce que c'était artificiel, utile, naïf, stupide, de venir ainsi, sans prévenir, sans demander, pour lire des histoires à des enfants. Un élan la portait, elle lisait en mettant le ton, sans être jamais fatiguée de le mettre, sans se presser de finir comme elle faisait parfois quand elle couchait ses garçons. Elle lisait et le reste attendait. Le monde était évanoui, et morte ainsi sa dureté, et le froid des jours d'automne oublié lui aussi.
Elle n'était qu'un réseau de muscles et de nerfs autour d'une matrice ouverte. Elle était une poussée et une respiration, un grand rythme haletant qui libérait la vie.
Car il pressentait que les enfants ne doivent pas porter le besoin que l'on a d'eux.
Le songe est une autre manière de vie et la part de rêve que peut accepter l'esprit est grande. Angelo n'avait pas plus l'expérience du rêve que celle de l'amour : il fut balayé par le songe amoureux.
Celui qui donne le respect reçoit le respect.
C'est bien vrai que la vie est pleine de nuages. Et nous sommes à l'intérieur des nuages. Et parfois c'est si noir que le noir vient en nous. Mais à quoi ça peut-il servir de se gâcher le temps ? Tu as deux enfants et mon fils est fou de toi. Profite, dit-elle. C'est de le douleur d'aimer, ça c'est bien sûr, mais c'est tout pire de ne pas aimer. Elle dit : On est fait pour ça. Et les femmes encore plus que les garçons. Une femme, dit-elle, c'est pour se donner en entier. Ne te garde pas. Ce qu'on garde pour soi meurt, ce qu'on donne prend racine et se développe.
Une femme pourtant venait chaque semaine. elle connaissait les Gitans depuis près d'une année sans avoir vaincu leur sauvagerie. C'était la responsable d'une bibliothèque. Elle pensait que les livres sont nécessaires comme le gîte et le couvert. (p.40)