A Tokyo, tout commence par une carte, un dessin, un plan. Autant dire : une écriture. la ville est tellement grande, peuplée surprenante, enchevêtrée, elle répond si peu aux critères habituels d'urbanisme et d'habitat qu'on y a vite la sensation - inquiétante ou délicieuse - d'être perdu dans un labyrinthe indéchiffrable.
Première approche donc : déplier la carte.
Philippe Forest (Sarinagara) :
[...] Prenez n'importe quelle idée toute faite sur le Japon et retournez-la. Vous obtenez une autre idée toute faite qui n'est ni plus vraie ni plus fausse que la précédente. Tous les lieux communs ont un envers et un endroit qui se valent. Michael Ferrier
[...] Il y a cette remarque d'Hemingway dans L'Adieu aux armes, qui dit qu'on se fait toutes sortes d'idées fausses sur les Japonais, qu'en vérité ils ressemblent beaucoup aux français, que ce sont des petits hommes qui aiment avant tout rire, boire et danser.
Au milieu de leurs branches, la tour à cinq étages se lève, svelte et étrange, dessinant sur la lumière froide d'en haut les cornes de ses cinq toitures superposées, tout le découpage de sa silhouette rougeâtre, d'une japonerie excessive. Et enfin le grand temple, hérissé d'autres cornes, et inégalement rouge, d'une couleur de sang qui aurait séché, occupe tout le fond du tableau, avec sa masse carrée, écrasante.
C'est un des lieux d'adoration les plus antiques et les plus célèbres d'Yeddo, cette Saksa. La partie du sanctuaire qui est ouverte aux fidèles et où j'entre avec la foule, semble une sorte de halle, haute et sombre, peinte en rouge sanglant comme l'extérieur; les portes en sont relativement basses pour laisser, suivant l'usage, de l'obscurité et du vague à la voûte élevée, d'où pendent d'énormes girandoles de métal et où de vieilles diableries s'esquissent dans l'ombre. Très peu de recueillement sous cette colonnade de cèdres, où les groupes circulent et causent, éclairés par des reflets d'une lumière d'hiver rasant le sol. Il serait même nécessaire « de chasser les vendeurs» de ce temple, car il y a contre tous les piliers des changeurs d'argent, des marchands d'images, de livres religieux ou de fleurs. Des bébés vont et viennent, courent, s'appellent, avec des petites voix plus sonores ici et plus bruyantes. Des pigeons volent en tous sens, pour se percher sur les lanternes, sur les hampes des bannières, mêlant au murmure des conversations le bruit ronflant de leurs ailes : il y a aussi le son des pièces de monnaie, des offrandes continuellement lancées, et tombant dans des troncs carrés à claire-voie semblables à de grandes cages; et puis, de côté et d'autre, devant des autels privilégiés, devant certaines images, certains symboles, on entend de ces rapides claquements de mains, pan pan, qu'on fait pendant la prière pour appeler l'attention des Esprits.
Dans un gigantesque brûle-parfums de bronze, sur le couvercle duquel ricane un monstre gros comme un gros chien, tous les fidèles qui passent jettent des baguettes d'encens, et il en sort en spirale une fumée odorante qui s'en va flotter aux voûtes, parmi l'enchevêtrement des chimères et des girandoles, comme un nuage.
Au fond du temple, dans un recul plein de mystère, à la lueur de hauts lampadaires magnifiques, dans une demi-obscurité voulue, derrière des colonnes et des barrières ajourées, à travers un fouillis de lanternes, de bannières, de brûle-parfums et de gerbes de lotus en bronze, on aperçoit confusément les dieux, qui sont des colosses au sourire assez calme, se détachant sur des fonds en laque d'or. "(Yeddo" in Japoneries d'automne 1889, Pierre Loti cité par M. Ferrier)
L'incontournable Roland Barthes (L'empire des signes) : à propos du système d'adresse japonais
[...] Tokyo nous redit cependant que le rationnel n'est qu'un système parmi d'autres. Pour qu'il y ait maîtrise du réel (en l'occurrence celui des adresses), il suffit qu'il y ait système, ce système fût-il apparemment illogique, inutilement compliqué, curieusement disparate : un bon bricolage peut non seulement tenir très longtemps, on le sait, mais encore il peut satisfaire des millions d'habitants, dressés d'autre part à toutes les perfections de la civilisation technicienne.
Nicolas Bouvier (Chronique japonaise) :
[...] Chô est un petit quartier; ki le bois ou l'arbre; et l'arbre ara est une sorte de mûrier; mais il n'y a plus de mûrier à Araki-chô.
Tournesols, bambous, glycines. Maison penchées et vermoulues. Odeurs de sciure, de thé vert, de morue. À l'aube un peu partout le chant un peu ébouriffé des coqs. Une publicité omniprésente et hideuse mariée à la plus belle écriture du monde.
Michaël Ferrier vous présente son ouvrage "Scrabble" aux éditions Mercure de France.
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Notes de musique : Youtube Audio Library
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