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Flaubert a su faire de l'écriture un point de broderie. C'est vrai ailleurs dans son oeuvre, et c'est vrai ici aussi dans Un Coeur Simple. Un ouvrage de facture pointilleuse, métrée, cadencée, contournée, imbriquée, complexe derrière une apparente simplicité, foisonnante sous ses airs de sobriété.

Une écriture un peu trop précieuse et artificielle à mon goût car l'on n'y sent jamais aucune spontanéité, aucun élan incontrôlé comme chez Hugo, aucune pointe malséante, aucun crachat de l'esprit comme chez Balzac. Une forme certes épurée et recherchée mais qui n'atteint pas l'élégance ou l'harmonie de celle d'un Stendhal.

Tout est maîtrisé, tout est sous contrôle ce qui nuit, je pense, à l'émotion que peut dégager cette écriture. Tout est trop net, trop épousseté, trop repassé, trop astiqué, trop apprêté, trop ordonné comme en ces appartements somptueux, où toute vie a disparu et dont toute faille humaine a déserté.

J'aime pourtant Un Coeur Simple ; mais d'un amour froid, admiratif, non contagieux comme en ces expositions de dentelles d'Alençon, toutes plus belles, toutes plus incroyables, dont on se dit : " Quelle minutie ! Quel travail ! Comme ça a dû être laborieux ! Combien patientes et dextres ont dû être ces dentelières ! "

Un Coeur Simple, probablement plus nouvelle que conte, bien que son auteur en ait décidé autrement, est intéressante à divers égards. Intéressante car Gustave Flaubert nous plonge à nouveau dans un univers " à la Madame Bovary ". Intéressante aussi parce qu'elle fait figure de passage de témoin entre Flaubert et Maupassant. Parue peu avant la disparition de papa Flaubert, à un moment où Maupassant, dans un registre un peu similaire entre en piste... la filiation est tentante.

Pourtant, j'avoue avoir toujours un certain mal à percevoir cette filiation " naturelle ". Bien sûr, Maupassant est normand, comme lui, bien sûr ils se connaissaient et s'appréciaient mutuellement, bien sûr ils ont fait l'un et l'autre dans le régionalisme et dans la psychologie intimiste, bien sûr ils ont su tous deux remuer la nostalgie et les émotions mais il s'en faut de beaucoup, tout de même, pour faire De Maupassant un Flaubert et de Flaubert un Maupassant.

Retirez le Trois Contes et Un Coeur Simple en particulier de la production de Flaubert et vous ne verrez plus forcément énormément de liens entre les deux oeuvres. J'aime le Pays d'Auge et certains sur Babelio savent même que j'y ai vu le jour, à deux pas des pâturages mêmes que décrit Flaubert. J'ai donc un attachement tout particulier à cette nouvelle. Je puis même ajouter qu'il m'est arrivé de rencontrer de vieilles filles normandes qui répondent trait pour trait au portrait de Félicité (mais on en trouve beaucoup également chez Maupassant et avec un côté " terroir " peut-être encore mieux rendu).

Qu'est-ce qui nous touche dans Un Coeur Simple (ou du moins, qu'est-ce qui me touche, moi) ? Tout d'abord un sentiment de gâchis. Une femme dévouée, simple, timide et humble, trop humble pour oser aller chercher son bonheur là où il est, pour avoir un mari et des enfants à elle, pour se créer sa propre vie. Et donc, faute d'avoir une vie à soi, elle goûte les miettes de la vie des autres en faisant montre d'un dévouement quasi surhumain et pour lequel elle ne recueille, bien souvent, que des marques de mépris.

Ce qui me touche aussi dans cette nouvelle, c'est le sentiment de nostalgie que sait faire naître l'auteur, notamment au travers du culte des objets dérisoires que Félicité élève au statut de reliques inestimables, faibles vestiges des quelques émotions qui lui tiennent lieu de souvenirs.

Ce que j'aime enfin dans Un Coeur Simple, c'est ce sentiment de douce pitié, de commisération que nous suscite Gustave Flaubert en nous dévoilant sur le tard, la principale, peut-être même la seule véritable histoire d'amour qu'ait connu cette petite femme dans sa vie, cette tendresse, cette communion, cet attachement entre elle et son perroquet Loulou.

Combien encore de nos jours, surtout de nos jours, n'ont, pour seule compagnie et marqueur d'affection qu'un chien, qu'un chat, qu'un hamster, qu'un lapin nain ou... qu'un perroquet ?
En cela, elle est belle cette histoire, belle et touchante, tout en subtilité, tout en caresse, mais bien sûr, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Un coeur simple, c'est celui de Félicité, jeune servante, qui consacre sa vie au service de Mme Aubain, dame de la petite bourgeoisie, après avoir connu une enfance misérable marquée par la perte prématurée de ses parents et les passages difficiles chez différents patrons.

Un coeur simple mais qui s'attache durablement à la famille de Mme Aubain, en particulier ses deux jeunes enfants, Paul et Virginie.
Félicité est dévouée, sensible, aimante, elle donne beaucoup d'elle-même, beaucoup d'affection, de soins, sans recevoir beaucoup en échange.
Elle aime son neveu, qu'elle aide régulièrement, elle aide un vieillard qu'elle soigne.
La vie va être particulièrement dure avec elle, retirant de son affection ces différents personnages, emportés par la maladie pour Virginie et par une tempête pour son neveu, jeune matelot.
Elle soutiendra jusqu'à la fin l'inflexible et hautaine patronne Mme Aubain et n'aura plus qu'un perrroquet à qui donner de l'affection.

C'est un récit court, sombre, mélancolique mais qui a le mérite de regorger de détails sur la vie quotidienne dans la Normandie du 19ème siècle, ainsi que sur la structure sociale de l'époque;
Les personnages sont bien campés mais peut être manquent un peu de nuances.
Une histoire sérieuse et triste qui nous plonge dans tout un univers.
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Trois contes est le dernier ouvrage publié du vivant de son auteur, Gustave Flaubert. J'ai beaucoup aimé ce texte, Gustave Flaubert est un auteur qui m'est cher pour différentes raisons, parfois je viens picorer dans sa riche Correspondance. Un jour je vous en parlerai.
Trois contes, ce sont trois histoires totalement distinctes, qui n'ont a priori rien à voir l'une avec l'autre.
Bien sûr, la première histoire prend de l'espace, du volume dans les quelques pages de ce très court livre. Ce premier conte s'appelle Un coeur simple. Des trois contes, c'est celui qui m'a le plus touché, c'est aussi celui qui ressemble davantage à une nouvelle. Comment en effet ne pas être touché par le cheminement de cette femme modeste, Félicité, dévouée auprès des siens, auprès de ceux qu'elle sert. C'est l'histoire d'un renoncement à l'amour, après une déception amoureuse lors de sa jeunesse, mais le coeur de cette femme ne s'est jamais refermé, il s'est simplement ouvert à d'autres horizons, les enfants de Madame Aubain auprès de laquelle elle confie ses services durant une très large part de sa vie. C'est un coeur épris d'humanité. Un coeur ébranlé aussi par les vicissitudes douloureuses de la vie... Comment ne pas être touché par l'affection presque ridicule qu'elle finit par porter à ce perroquet Loulou, comme un compagnon de fortune qui l'accompagne presque jusqu'à ses derniers jours ? Moquerie ou compassion de l'auteur à cet égard ? Sans doute un peu des deux... Cette nouvelle nous plonge avec jubilation dans la Normandie rurale du XIXème siècle qu'affectionnait Flaubert.
J'aime l'écriture de Gustave Flaubert, précise, ciselée. Parfois on lui reproche de ne pas laisser l'espace suffisant pour faire entrer l'émotion. Pourtant j'ai ressenti cette émotion à la rencontre de Félicité, que nous pouvons parfois côtoyer dans notre quotidien. Félicité est intemporelle. Son coeur simple appelle la compassion...
Étrangement les deux autres nouvelles n'ont rien à voir, semblent totalement décalées avec le premier récit. La légende de Saint Julien l'Hospitalier, plus proche du conte ancien que de la nouvelle, est une sorte d'allégorie sur la rédemption après la violence et la sauvagerie d'une vie. J'ai découvert par hasard que la ville close de Concarneau avait inspiré Flaubert, qui aimait la Bretagne, pour décrire le château des premières pages de ce récit.
Hérodias, de facture plus complexe, évoque le récit antique et nous plonge dans les débuts de notre ère en Orient, c'est un épisode de la vie du tétrarque Hérode Antipas. C'est un récit cruel, violent, charnel, chargé de déchirements, abordant en quelques pages d'une tension extrême plusieurs thèmes : la haine des juifs, l'inceste, la peur de Dieu, l'avidité et le désir. Dans une résonnance théâtrale, il invite les protagonistes à vivre un dilemme insoutenable, dont le paroxysme se dénouera lors d'un festin ultime où Hérodias exige auprès de son époux Antipas la tête de saint Jean-Baptiste...
Séduit par ces trois contes, je me suis demandé ce qui les reliait. A priori rien. Et pourtant, si. J'ai découvert qu'un vitrail de la cathédrale de Rouen avait inspiré le second conte. Il semble qu'un autre endroit de cette même cathédrale ait inspiré le troisième conte, le tympan du portail Saint-Jean, qui lui inspire la danse de Salomé marchant sur ses mains...
Il y a aussi une dimension mystique qui relie ces trois histoires, la bonté, la charité, sans doute aussi des abîmes intérieurs où les profondeurs de l'âme humaine sont abyssales.
Gustave Flaubert est un orfèvre de l'âme humaine. Il y a sans doute un dernier point commun qui scelle à jamais l'unité de ces trois textes : leur beauté somptueuse.
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j'ai souffert et compati avec cette servante si confiante, sincère, bafouée comme il se doit ... ce coeur simple nous fait quand même voyager au bord de l'âme humaine et de ses facettes rutilantes ou sombres ... ouvrage musical comme souvent chez Flaubert qui se lit très vite et se savoure de même. Ne boudons pas notre plaisir.
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Beaucoup a sans doute été dit sur ce recueil du grand Gustave, je vais donc me contenter de livrer brièvement mon ressenti. Ces trois contes sont une illustration parfaite du génie de Flaubert, témoignant de la variété de registres qu'il peut aborder avec un talent égal.
En effet, tout en étant empreints d'un ton très personnel, on reconnait la patte Flaubert, ces trois histoires sont très différentes les unes des autres.

« Un coeur simple » fait beaucoup penser à « Madame Bovary ». Ces deux récits ont bien des points communs : il s'agit de portraits de femme, les contextes géographiques sont un peu les mêmes. On retrouve également cet hyper-réalisme, cette précision dans les descriptions des moindres détails. Mais, Félicité est très différente d'Emma Bovary, c'est même son opposé. D'ailleurs, on sent chez Flaubert une tendresse envers Félicité qu'il n'avait pas, ou en tout cas bien moins, pour Mme Bovary.

Pour raconter « La légende de Saint Julien l'Hospitalier », Flaubert choisit l'angle du merveilleux. Il utilise des images éloignées de toute réalité, des images fortes, très évocatrices comme lorsqu'il évoque des régions « si torrides que sous l'ardeur du soleil les chevelures s'allumaient d'elles-mêmes ». C'est poétique et d'une beauté à pleurer. Ce récit a la sublime beauté d'un conte. Eternel.

Le dernier récit, « Herodias », est très différent des deux autres. Il s'agit d'un récit antique, biblique, ayant pour dénouement le cruel destin de Jean Baptiste. Pour raconter cette histoire, Flaubert aurait pu adopter le même ton que pour « la légende de Saint Julien l'Hospitalier » en donnant à son récit une allure de conte intemporel. Au contraire, l'auteur adopte un ton hyper-réaliste et son talent explose dans des descriptions fines et précises qui donnent aux événements un aspect vraiment saisissant.

« Trois contes » est une lecture enchanteresse, à la fois brillante et séduisante. La plume du grand Gustave est tellement belle et fluide que ces nouvelles se dévorent avec plus d'impatience que n'importe quelle histoire à suspense. Magnifique !
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Dans la nouvelle -Un coeur simple- de Flaubert, La servante Félicité, est totalement dévouée à sa maîtresse Madame Aubain, bourgeoise désargentée dont le mari est mort lui laissant deux enfants et des dettes.
On lui envie cette servante qui lui a été fidèle pendant cinquante ans. Elle possède toutes les vertus de l'époque ; elle est pieuse, économe, efficace, travailleuse, aimante, généreuse, sensible au malheur des autres, charitable, mais aussi très naïve et dévote, ne comprenant pas vraiment le monde qui l'entoure pas plus que la théologie.
Félicité a eu une enfance malheureuse, elle est malchanceuse en amour. Son éducation ne l'a pas préparée à voir le monde tel qu'il est. Elle ne le voit qu'à travers le prisme déformant d'une femme au coeur généreux mais à la pensée étriquée.
Félicité c'est d'abord un coeur ambulant ; elle s'attache à tous les personnages de l'histoire dont les deux enfants de Madame Aubain et son neveu qu'elle va aimer comme ses propres enfants, elle en concevra un immense chagrin à la disparition de deux d'entre eux. Elle leur est entièrement dévouée. Autant qu'elle est dévouée à sa maitresse pourtant hautaine à son égard et que peu de gens qui la connaissent apprécient.
A ce moment là de l'histoire on ne peut qu'éprouver de la compassion pour la belle âme de Félicité qui porte bien son nom.
Mais ce qui suit fait de cette nouvelle une histoire baroque. Après la mort des êtres chers qu'elle aimait, un jour, on lui offre un perroquet, c'est naturellement qu'elle s'attache à lui comme à un être humain. A la mort de l'oiseau, elle en éprouve un immense chagrin et sur les conseils de Madame Aubain, elle le fait empailler et le garde dans sa chambre jusqu'à sa propre mort.
C'est alors que Félicité le compare au Saint-Esprit et en fait une divinité, une idole, elle leur trouve une ressemblance frappante, elle achète même une image d'Épinal du Saint-Esprit qu'elle place à côté du perroquet et les contemple ainsi en les confondant, en extase. Cette femme qui a été pieuse toute sa vie trouve là un chemin de lumière. Elle l'aimera ainsi empaillée jusqu'à sa mort et sera en adoration devant son corps même défigurée par la vermine. A sa mort, dans une ultime vision elle voit un grand oiseau bleu dans le ciel.
La bonté, l'attachement, la générosité du personnage de Félicité sont mis en valeur mais aussi sa naïveté, sa dévotion qui la pousseront aux confins de la folie en adoration devant un perroquet, oiseau fétiche, égal de Dieu.
Flaubert ne manque pas l'occasion dans cette nouvelle montrer les contradictions de l'être humain, de la morale et la religion. Il développe aussi l'humour, le comique de situation mais aussi l'ironie et la critique de la société bourgeoise. Cette nouvelle dans sa construction textuelle ainsi que celle de ses personnages est surprenante et nous interpelle. Il s'est quelque peu amusé mais quelque chose de la dégradation soit du monde soit de la littérature qui précède s'y joue. Flaubert veut passer à autre chose.
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Un coeur simple
C est un texte tellement beau que le lire est douloureux, de plus en plus douloureux au fur et à mesure que l' on grandit, mûrit, vieillit.
Quelle folie de le faire lire à des lycéens ! Ils ne peuvent rien y comprendre, ce n est pas leur faute. C est un texte sur le temps qui passe, sur la vie qui s écoule doucement, sur les grandes et les petites pertes, qui ne rendent pas plus forts mais consument peu à peu. Jour après jour, année après année, quand on a pris conscience que rien n est immortel, que tout fuit et nous échappe.
Félicité, la servante de Mme Aubain, protège sa maitresse de cette cruauté sans nom. Pour rien, comme ça. Elle est immense et déchire le coeur.
Rien ne serait possible sans la prose inouïe de Flaubert. Il me semble qu' il fait atteindre au français, dans certains passages, la perfection de son essence monotone et mélancolique. Rien d autre à faire que citer.
"Elles se promenaient ensemble le long de l'espalier ; et causaient toujours de Virginie, se demandant si telle chose lui aurait plu, en telle occasion ce qu'elle eût dit probablement.
Toutes ses petites affaires occupaient un placard dans la chambre à deux lits. Mme Aubain les inspectait le moins souvent possible. Un jour d'été, elle se résigna ; et des papillons s'envolèrent de l'armoire.
Ses robes étaient en ligne sous une planche où il y avait trois poupées, des cerceaux, un ménage, la cuvette qui lui servait. Elles retirèrent également les jupons, les bas, les mouchoirs, et les étendirent sur les deux couches, avant de les replier. le soleil éclairait ces pauvres objets, en faisait voir les taches, et des plis formés par les mouvements du corps. L'air était chaud et bleu, un merle gazouillait, tout semblait vivre dans une douceur profonde. Elles retrouvèrent un petit chapeau de peluche, à longs poils, couleur marron ; mais il était tout mangé de vermine. Félicité le réclama pour elle-même. Leurs yeux se fixèrent l'une sur l'autre, s'emplirent de larmes ; enfin la maîtresse ouvrit ses bras, la servante s'y jeta ; et elles s'étreignirent, satisfaisant leur douleur dans un baiser qui les égalisait."
[...]
"Elle avança les narines, en la humant avec une sensualité mystique ; puis ferma les paupières. Ses lèvres souriaient. Les mouvements de son coeur se ralentirent un peu, plus vagues chaque fois, plus doux, comme une fontaine s'épuise, comme un écho disparaît ; et, quand elle exhala son dernier souffle, elle crut voir, dans les cieux entr'ouverts, un perroquet gigantesque, planant au-dessus de sa tête."
Mais les citations ne peuvent rendre compte de la beauté somptueuse de l ensemble. Il faut le lire.
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En peu de pages d'une intensité saisissante, Flaubert déroule cinquante année de l'existence de Félicité, servante à Pont-l'Evèque en Normandie, dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Cette femme humble, courageuse et d'une grande bonté entre au service de Madame Aubain en 1810, veuve autoritaire et froide, mère de deux jeunes enfants Paul et Virginie.
À dix-huit ans, Félicité traîne déjà un passé douloureux et misérable. Orpheline de bonne heure et délaissée par ses soeurs, elle est recueillie dans une ferme où le labeur est bien dur pour une petite fille. Une enfance triste qui la plonge dans une solitude qui ne la quittera jamais.
Tout au long de sa vie, la servante se dévoue corps et âme. Un coeur bon et grand comme le sien est sans cesse bousculé par les hommes et les femmes qu'elle côtoie. On profite de sa générosité et de sa gentillesse ; Théodore lui promet le mariage puis la trahit sans ménagement, Madame Aubain exerce sur elle une autorité d'une froideur implacable, et sa soeur lui confie de temps à autre son fils uniquement par intérêt. Et lorsqu'elle se prend d'affection profonde pour des personnes, celles-ci sont emportées par la mort ; la petite Virginie à la santé si fragile et son neveu Victor.
Puis elle découvre la religion et s'entiche d'un perroquet, mais lui aussi finira par mourir... elle l'empaillera. Il veillera sur elle et son esprit jusqu'à la fin de sa vie. Il l'emmènera sur ses ailes vers son dernier voyage. Une élévation presque joyeuse pour cette petite servante toute simple à la vie si ordinaire.
L'écriture de Flaubert est extrêment travaillée dans ce conte, l'épure des phrases, les temps savamment choisis, des points de vue différents, une construction efficace qui va à l'essentiel, pas de détails en trop, pas d'ornements, pas d'envolées romanesques, un vocabulaire emprunté au milieu bourgeois normand, on est dans la réalité de l'époque, les mots sonnent juste. Aucune description n'est inutile et anodine. C'est à travers certains paysages et certains objets qu'on entrevoit les pensées de Félicité. On devine aisément le cynisme de l'auteur sur la société bourgeoise, la politique et la religion mais la tendresse éprouvée pour Félicité transparait avec évidence et pureté.
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Flaubert nous propose ici trois contes, situés dans des périodes différentes de l'Histoire.

J'ai bien aimé la première nouvelle : « Un coeur simple », nous raconte la vie de Félicité, une femme pauvre et sans instruction, dont l'enfance a été difficile. Embauchée par Mme Aubain, elle va s'occuper de la maison et des enfants de celle-ci, Paul et Virginie.

C'est une belle histoire d'altruisme, car elle s'attache aux enfants, elle apprend au contact de Virginie, et étudie le catéchisme avec elle. Mais, ils vont s'éloigner pour les études. Elle compense alors en protégeant son neveu, Victor, qui finit par partir aussi. Il s'agit d'une femme simple de par ses origines sociales mais dont le coeur, la générosité l'empathie sont immenses. Elle s'attache aussi au perroquet Loulou qu'elle finira par faire empailler et qui sera investi de façon quasi religieuse.

« La Légende de Saint Julien l'Hospitalier », qui s'inspire d'un vitrail de la cathédrale de Rouen qui retrace la légende du Moyen-âge de saint Julien, ne m'a guère plu, mais je l'ai quand même terminée. Déjà, je déteste l'univers de la chasse, donc cet enfant promis à un grand destin qu'on élève dans le luxe, l'initiant à la vénerie et qui se met à massacrer tous les animaux, oiseaux qui lui tombent sous la main, ou plutôt le fusil, l'arbalète etc. cela m'a révulsée.

C'est massacre à la tronçonneuse au Moyen-âge. Et cet homme qui tue tout ce qui bouge, même ses proches et tente de se racheter en fuyant le monde, passant du luxe à la pauvreté et finissant sanctifié !!!

« Hérodias » m'a plu davantage : Flaubert remonte encore plus loin dans le passé et nous raconte un épisode de la vie du tétrarque Hérode Antipas, et aborde ici plusieurs thèmes : la haine des Juifs d'Hérodote Antipas, l'inceste car il a épousé sa nièce Hérodias, la détention arbitraire de Iaokannan, que l'on connaît mieux sous le nom de Jean le Baptiste, car celui-ci veut qu'il se sépare d'elle.

Antipas est confronté à un dilemme : soit il écoute sa femme et fait exécuter Iaokannan au risque d'être châtié par Dieu, soit il le laisse libre en échange de la soumission des Esséniens, réflexion interrompue par l'arrivée de Vitellius, chef des Romains, qui profite du banquet d'anniversaire d'Antipas, pour visiter la citadelle.

Une réflexion aussi sur l'hypocrisie dans le mariage, la recherche de l'intérêt personnel, l'avidité pour le trésor présumé d'Hérode Antipas, la venue de Jésus, la religion, sans oublier la danse de Salomé, fille d'Hérodias…

Passons au style de Flaubert : l'écriture est belle, les mots sont précis, tantôt ils ont la puissance de la houle, de l'océan déchaîné, tantôt, ils s'enroulent en douceur, comme l'eau qui vient lécher les galets. Il y a une musique Flaubert, mais parfois, à force de chercher le terme exact, et le rythme adéquat, cette écriture est tellement peaufinée, (certainement travaillée et retravaillée dans son « Gueuloir ») qu'elle en devient parfois trop précieuse, manquant de cette spontanéité que j'aime tant chez son élève préféré, Maupassant.

Pour moi, ces trois contes sont faits pour être lus à haute voix, pour en apprécier davantage la puissance.

Cette critique m'a donné beaucoup de mal: d'une part, c'est la première fois que je parle d'un livre de cet auteur, donc l'impression de commettre un crime de lèse-majesté, et surtout, les trois thèmes sont très différents, donc la synthèse difficile . J'espère que les puristes me pardonneront…

challenge 19e siècle.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Cet avis ne traite que de "Hérodias", ayant lu les autres contes antérieurement.

Gustave Flaubert, dans une période de sa vie où il fut tourneboulé par les répercussions du procès de "Madame Bovary" et échaudé par un souffle de défaveur auprès du public, a écrit ses "Trois contes" dont "Hérodias". Les trois sont à caractère spirituel mais ce dernier est encore plus marqué et frappant dans celui-ci puisqu'il s'agit d'une plongée chatoyante et dramatique dans un tableau historique et biblique : la décapitation de Jean-le-Baptiste.

Seconde épouse de son oncle Hérode Antipas, connu justement pour cette célèbre décapitation, Hérodias est une princesse juive ambitieuse et manipulatrice, allégorie de ce que la tragédie antique peut offrir de mieux en termes de dominatrices. Et justement, Gustave Flaubert a structuré son récit en trois parties équivalentes à trois actes de tragédie. Les descriptions sont détaillées et flamboyantes, créant une atmosphère orientale dépaysante et envoûtante.

Hérodias (ou Hérodiade) et sa fille Salomé sont des figures féminines qui ont très largement inspiré les artistes, poètes, écrivains, dramaturges, cinéastes ou encore musiciens. Aussi fascinantes que dénoncées pour leurs actes, elles feraient sans aucun doute aujourd'hui figure d'héroïnes.


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