AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,6

sur 2289 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Flaubert a su faire de l'écriture un point de broderie. C'est vrai ailleurs dans son oeuvre, et c'est vrai ici aussi dans Un Coeur Simple. Un ouvrage de facture pointilleuse, métrée, cadencée, contournée, imbriquée, complexe derrière une apparente simplicité, foisonnante sous ses airs de sobriété.

Une écriture un peu trop précieuse et artificielle à mon goût car l'on n'y sent jamais aucune spontanéité, aucun élan incontrôlé comme chez Hugo, aucune pointe malséante, aucun crachat de l'esprit comme chez Balzac. Une forme certes épurée et recherchée mais qui n'atteint pas l'élégance ou l'harmonie de celle d'un Stendhal.

Tout est maîtrisé, tout est sous contrôle ce qui nuit, je pense, à l'émotion que peut dégager cette écriture. Tout est trop net, trop épousseté, trop repassé, trop astiqué, trop apprêté, trop ordonné comme en ces appartements somptueux, où toute vie a disparu et dont toute faille humaine a déserté.

J'aime pourtant Un Coeur Simple ; mais d'un amour froid, admiratif, non contagieux comme en ces expositions de dentelles d'Alençon, toutes plus belles, toutes plus incroyables, dont on se dit : " Quelle minutie ! Quel travail ! Comme ça a dû être laborieux ! Combien patientes et dextres ont dû être ces dentelières ! "

Un Coeur Simple, probablement plus nouvelle que conte, bien que son auteur en ait décidé autrement, est intéressante à divers égards. Intéressante car Gustave Flaubert nous plonge à nouveau dans un univers " à la Madame Bovary ". Intéressante aussi parce qu'elle fait figure de passage de témoin entre Flaubert et Maupassant. Parue peu avant la disparition de papa Flaubert, à un moment où Maupassant, dans un registre un peu similaire entre en piste... la filiation est tentante.

Pourtant, j'avoue avoir toujours un certain mal à percevoir cette filiation " naturelle ". Bien sûr, Maupassant est normand, comme lui, bien sûr ils se connaissaient et s'appréciaient mutuellement, bien sûr ils ont fait l'un et l'autre dans le régionalisme et dans la psychologie intimiste, bien sûr ils ont su tous deux remuer la nostalgie et les émotions mais il s'en faut de beaucoup, tout de même, pour faire De Maupassant un Flaubert et de Flaubert un Maupassant.

Retirez le Trois Contes et Un Coeur Simple en particulier de la production de Flaubert et vous ne verrez plus forcément énormément de liens entre les deux oeuvres. J'aime le Pays d'Auge et certains sur Babelio savent même que j'y ai vu le jour, à deux pas des pâturages mêmes que décrit Flaubert. J'ai donc un attachement tout particulier à cette nouvelle. Je puis même ajouter qu'il m'est arrivé de rencontrer de vieilles filles normandes qui répondent trait pour trait au portrait de Félicité (mais on en trouve beaucoup également chez Maupassant et avec un côté " terroir " peut-être encore mieux rendu).

Qu'est-ce qui nous touche dans Un Coeur Simple (ou du moins, qu'est-ce qui me touche, moi) ? Tout d'abord un sentiment de gâchis. Une femme dévouée, simple, timide et humble, trop humble pour oser aller chercher son bonheur là où il est, pour avoir un mari et des enfants à elle, pour se créer sa propre vie. Et donc, faute d'avoir une vie à soi, elle goûte les miettes de la vie des autres en faisant montre d'un dévouement quasi surhumain et pour lequel elle ne recueille, bien souvent, que des marques de mépris.

Ce qui me touche aussi dans cette nouvelle, c'est le sentiment de nostalgie que sait faire naître l'auteur, notamment au travers du culte des objets dérisoires que Félicité élève au statut de reliques inestimables, faibles vestiges des quelques émotions qui lui tiennent lieu de souvenirs.

Ce que j'aime enfin dans Un Coeur Simple, c'est ce sentiment de douce pitié, de commisération que nous suscite Gustave Flaubert en nous dévoilant sur le tard, la principale, peut-être même la seule véritable histoire d'amour qu'ait connu cette petite femme dans sa vie, cette tendresse, cette communion, cet attachement entre elle et son perroquet Loulou.

Combien encore de nos jours, surtout de nos jours, n'ont, pour seule compagnie et marqueur d'affection qu'un chien, qu'un chat, qu'un hamster, qu'un lapin nain ou... qu'un perroquet ?
En cela, elle est belle cette histoire, belle et touchante, tout en subtilité, tout en caresse, mais bien sûr, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1230
j'ai souffert et compati avec cette servante si confiante, sincère, bafouée comme il se doit ... ce coeur simple nous fait quand même voyager au bord de l'âme humaine et de ses facettes rutilantes ou sombres ... ouvrage musical comme souvent chez Flaubert qui se lit très vite et se savoure de même. Ne boudons pas notre plaisir.
Commenter  J’apprécie          451
En peu de pages d'une intensité saisissante, Flaubert déroule cinquante année de l'existence de Félicité, servante à Pont-l'Evèque en Normandie, dans la première moitié du dix-neuvième siècle. Cette femme humble, courageuse et d'une grande bonté entre au service de Madame Aubain en 1810, veuve autoritaire et froide, mère de deux jeunes enfants Paul et Virginie.
À dix-huit ans, Félicité traîne déjà un passé douloureux et misérable. Orpheline de bonne heure et délaissée par ses soeurs, elle est recueillie dans une ferme où le labeur est bien dur pour une petite fille. Une enfance triste qui la plonge dans une solitude qui ne la quittera jamais.
Tout au long de sa vie, la servante se dévoue corps et âme. Un coeur bon et grand comme le sien est sans cesse bousculé par les hommes et les femmes qu'elle côtoie. On profite de sa générosité et de sa gentillesse ; Théodore lui promet le mariage puis la trahit sans ménagement, Madame Aubain exerce sur elle une autorité d'une froideur implacable, et sa soeur lui confie de temps à autre son fils uniquement par intérêt. Et lorsqu'elle se prend d'affection profonde pour des personnes, celles-ci sont emportées par la mort ; la petite Virginie à la santé si fragile et son neveu Victor.
Puis elle découvre la religion et s'entiche d'un perroquet, mais lui aussi finira par mourir... elle l'empaillera. Il veillera sur elle et son esprit jusqu'à la fin de sa vie. Il l'emmènera sur ses ailes vers son dernier voyage. Une élévation presque joyeuse pour cette petite servante toute simple à la vie si ordinaire.
L'écriture de Flaubert est extrêment travaillée dans ce conte, l'épure des phrases, les temps savamment choisis, des points de vue différents, une construction efficace qui va à l'essentiel, pas de détails en trop, pas d'ornements, pas d'envolées romanesques, un vocabulaire emprunté au milieu bourgeois normand, on est dans la réalité de l'époque, les mots sonnent juste. Aucune description n'est inutile et anodine. C'est à travers certains paysages et certains objets qu'on entrevoit les pensées de Félicité. On devine aisément le cynisme de l'auteur sur la société bourgeoise, la politique et la religion mais la tendresse éprouvée pour Félicité transparait avec évidence et pureté.
Lien : http://lesmotsdelafin.wordpr..
Commenter  J’apprécie          400
Flaubert nous propose ici trois contes, situés dans des périodes différentes de l'Histoire.

J'ai bien aimé la première nouvelle : « Un coeur simple », nous raconte la vie de Félicité, une femme pauvre et sans instruction, dont l'enfance a été difficile. Embauchée par Mme Aubain, elle va s'occuper de la maison et des enfants de celle-ci, Paul et Virginie.

C'est une belle histoire d'altruisme, car elle s'attache aux enfants, elle apprend au contact de Virginie, et étudie le catéchisme avec elle. Mais, ils vont s'éloigner pour les études. Elle compense alors en protégeant son neveu, Victor, qui finit par partir aussi. Il s'agit d'une femme simple de par ses origines sociales mais dont le coeur, la générosité l'empathie sont immenses. Elle s'attache aussi au perroquet Loulou qu'elle finira par faire empailler et qui sera investi de façon quasi religieuse.

« La Légende de Saint Julien l'Hospitalier », qui s'inspire d'un vitrail de la cathédrale de Rouen qui retrace la légende du Moyen-âge de saint Julien, ne m'a guère plu, mais je l'ai quand même terminée. Déjà, je déteste l'univers de la chasse, donc cet enfant promis à un grand destin qu'on élève dans le luxe, l'initiant à la vénerie et qui se met à massacrer tous les animaux, oiseaux qui lui tombent sous la main, ou plutôt le fusil, l'arbalète etc. cela m'a révulsée.

C'est massacre à la tronçonneuse au Moyen-âge. Et cet homme qui tue tout ce qui bouge, même ses proches et tente de se racheter en fuyant le monde, passant du luxe à la pauvreté et finissant sanctifié !!!

« Hérodias » m'a plu davantage : Flaubert remonte encore plus loin dans le passé et nous raconte un épisode de la vie du tétrarque Hérode Antipas, et aborde ici plusieurs thèmes : la haine des Juifs d'Hérodote Antipas, l'inceste car il a épousé sa nièce Hérodias, la détention arbitraire de Iaokannan, que l'on connaît mieux sous le nom de Jean le Baptiste, car celui-ci veut qu'il se sépare d'elle.

Antipas est confronté à un dilemme : soit il écoute sa femme et fait exécuter Iaokannan au risque d'être châtié par Dieu, soit il le laisse libre en échange de la soumission des Esséniens, réflexion interrompue par l'arrivée de Vitellius, chef des Romains, qui profite du banquet d'anniversaire d'Antipas, pour visiter la citadelle.

Une réflexion aussi sur l'hypocrisie dans le mariage, la recherche de l'intérêt personnel, l'avidité pour le trésor présumé d'Hérode Antipas, la venue de Jésus, la religion, sans oublier la danse de Salomé, fille d'Hérodias…

Passons au style de Flaubert : l'écriture est belle, les mots sont précis, tantôt ils ont la puissance de la houle, de l'océan déchaîné, tantôt, ils s'enroulent en douceur, comme l'eau qui vient lécher les galets. Il y a une musique Flaubert, mais parfois, à force de chercher le terme exact, et le rythme adéquat, cette écriture est tellement peaufinée, (certainement travaillée et retravaillée dans son « Gueuloir ») qu'elle en devient parfois trop précieuse, manquant de cette spontanéité que j'aime tant chez son élève préféré, Maupassant.

Pour moi, ces trois contes sont faits pour être lus à haute voix, pour en apprécier davantage la puissance.

Cette critique m'a donné beaucoup de mal: d'une part, c'est la première fois que je parle d'un livre de cet auteur, donc l'impression de commettre un crime de lèse-majesté, et surtout, les trois thèmes sont très différents, donc la synthèse difficile . J'espère que les puristes me pardonneront…

challenge 19e siècle.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
Commenter  J’apprécie          387
Cet avis ne traite que de "Hérodias", ayant lu les autres contes antérieurement.

Gustave Flaubert, dans une période de sa vie où il fut tourneboulé par les répercussions du procès de "Madame Bovary" et échaudé par un souffle de défaveur auprès du public, a écrit ses "Trois contes" dont "Hérodias". Les trois sont à caractère spirituel mais ce dernier est encore plus marqué et frappant dans celui-ci puisqu'il s'agit d'une plongée chatoyante et dramatique dans un tableau historique et biblique : la décapitation de Jean-le-Baptiste.

Seconde épouse de son oncle Hérode Antipas, connu justement pour cette célèbre décapitation, Hérodias est une princesse juive ambitieuse et manipulatrice, allégorie de ce que la tragédie antique peut offrir de mieux en termes de dominatrices. Et justement, Gustave Flaubert a structuré son récit en trois parties équivalentes à trois actes de tragédie. Les descriptions sont détaillées et flamboyantes, créant une atmosphère orientale dépaysante et envoûtante.

Hérodias (ou Hérodiade) et sa fille Salomé sont des figures féminines qui ont très largement inspiré les artistes, poètes, écrivains, dramaturges, cinéastes ou encore musiciens. Aussi fascinantes que dénoncées pour leurs actes, elles feraient sans aucun doute aujourd'hui figure d'héroïnes.


Challenge RIQUIQUI 2021
Challenge XIXème siècle 2021
Challenge MULTI-DEFIS 2021
Commenter  J’apprécie          370
Trois contes, tous les trois très différents. La première d'ailleurs s'apparente plus à une nouvelle, tandis que les deux suivantes sont empreintes d'imaginaire et pourraient faire office de légendes.

Je dois bien avouer que quelques jours à peine après les avoir lus, mes souvenirs sont déjà vacillants, même si je les ai appréciés, en tout cas les deux premières. Celle qui me restera, finalement, est celle de la Légende de Saint Julien L'hospitalier car je ne m'attendais pas à cette cruauté. J'ai beaucoup aimé la manière dont elle est amenée. J'ai surtout été fascinée par la sorcellerie qui entoure la forêt et les animaux sauvages venus se venger et l'empreinte magique autant que mythique qui entoure ce récit.

Je laisse aux autres lecteurs le soin de décortiquer ces contes, me trouvant assez perplexe cette fois-ci dans cet exercice!

Commenter  J’apprécie          220
Le perroquet de Félicité, le périple meurtrier de Julien le chasseur, avant de devenir l'Hospitalier, et enfin Hérodias, la femme fatale, sont les images fortes que j'ai retenues de ces trois contes.

L'introduction de 50 pages dans l'édition Garnier renseigne le lecteur sur les problèmes de santé, d'argent et d'inspiration (avec Bouvard et Pécuchet) de Flaubert au moment où il entreprend ces 2 puis 3 contes. On y apprend aussi les endroits qu'il a visités (à Concarneau il s'inspire de l'entrée de la Ville Close pour décrire le château des parents de Julien).
De plus, toutes ses notes depuis 20 ans qu'il exhume ou toute la documentation qu'il consulte et la rage ou le découragement puis la satisfaction du travail accompli sont bien restitués en introduction.

Pas de prosélytisme.
La portée religieuse de ces contes n'engage pas les croyances du lecteur, tout cela est volontairement mis à distance. Par contre les rapports entre les personnages principaux sont la véritable matière et interrogent: l'ironie et /ou l'innocence de Flaubert au sujet de Félicité et de sa patronne.

30 pages chacun. Pourtant la multitude de personnages m'a posé problème si bien que j'avoue avoir compté les pages pour "un coeur simple".
Mais les 2 autres m'ont vraiment emballé par leurs côtés historique et cruel.



Commenter  J’apprécie          200
Pour une fois, je suis totalement d'accord avec la quatrième de couverture (des éditions Pocket), qui qualifie Flaubert « d'homme dont l'unique vocation était celle de l'art et de la beauté ». Et en effet, ces trois contes « écrits pour se délasser » semblent être uniquement cela : une succession de mots et de phrases travaillés et ciselés pour être le plus proche possible de la perfection et de la beauté, et constituer un chef d'oeuvre artistique.

Paradoxalement, j'ai ainsi beaucoup apprécié ces récits tant ils sont bien écrits et beaux à lire, même si je n'ai pas toujours aimé l'intrigue. Je me suis notamment assez ennuyée avec « Hérodias » et j'ai rapidement décroché de l'histoire, mais j'ai admiré la beauté des descriptions orientalistes.

Sans qu'elle m'ait particulièrement plu, je me suis laissé charmer par l'histoire de saint Julien l'Hospitalier, ce récit à l'allure de conte de fées inspiré par un vitrail de la cathédrale de Rouen.

J'ai en revanche beaucoup aimé « Un coeur simple » (comme la plupart des lecteurs j'ai d'ailleurs acheté ce livre uniquement pour ce conte !). J'ai été touchée par le personnage de Félicité, servante au début du XIXe siècle ; cette histoire ordinaire et tragique à la fois se lit avec une grande fluidité et est très émouvante.

« Trois contes » est donc un classique qui mérite d'être lu, d'autant plus qu'il est très bref et très abordable !
Commenter  J’apprécie          124
Trois contes fantastiques (à des degrés divers car "un coeur simple" semble aussi se rattacher au mouvement réaliste) situés à différentes époques.
Un coeur simple raconte la vie monotone de Félicité (prénom évidemment non choisi au hasard) qui reste tout sa vie au service de Mme Aubain. Félicité nous paraît malheureuse mais l'est-elle vraiment ? Elle ne le perçoit pas elle-même alors que sa vie est solitaire, ponctuée de deuils, de travail, que tous profitent de son coeur tendre et bon (on retrouve Balzac dans la bonté piétinée). Elle reporte toute son attention sur un perroquet qu'elle finit par confondre avec le Saint Esprit (magnifiques pages sur l'importance des fêtes religieuses dans les petites villes au XIXème siècle). Mme Aubain plus favorisée financièrement mène elle aussi une vie solitaire de quasi recluse qui n'est pas sans rappeler celle de la Jeanne d'"Une vie" De Maupassant ( même si le roman est postérieur, on connaît l'influence de Flaubert sur son cadet).
Saint Julien l'Hospitalier se situe au Moyen Age et conte la vie du saint. Une enfance idyllique, paisible à laquelle succède une vie faite de tragédies et de violence aux allures de fatum grec.
Enfin Hérodias se situe dans la Palestine du premier siècle avec Salomé, Jean Baptiste.
Commenter  J’apprécie          120
Je relis les clasiques pour accompagner ma fille dans son effort. Je ne connaissais pas celui-ci et ai étté très étonnée par la violence des sentiments, des émotions. L'intensité va crescendo au fil des contes. Qui sont étonnament écrits en remontant le temps. J'ai également été surprise de trouver l'omniprésence de Dieu dans ces contes.
L'ensemble se lit plutôt bien (à part le dernier).
Commenter  J’apprécie          110




Lecteurs (10869) Voir plus




{* *}