"Je me souviens si bien de ces années où je ne savais rien de mon avenir. J'aurais tout donné pour avoir des éléments de ma vie d'adulte, pour me rassurer, pour qu'on me dise de na pas m'inquiéter car je trouverais un chemin à suivre. Mais rien à faire, le présent reste immobile. Et personne n'a eu l'idée d'inventer les souvenirs du futur."
« Elle vit soudain à quel point elle n’était plus une mère, mais un poids. Est-ce cela la ligne de démarcation de la véritable vieillesse ? Quand on devient un problème ? »
Oh non, je ne suis pas malheureuse. Mais je voudrais être heureuse.Je sens que l'idée du bonheur m'échappe. Je sens que tout va très vite, et que la vie est bien trop courte pour se permettre la médiocrité. Je sens en moi l 'urgence du bonheur.
On cherche toujours des raisons à l'étroitesse affective de nos parents. On cherche toujours des raisons au manque d'amour qui nous ronge. Parfois, il n'y a simplement rien à dire.
Tout avait été donné ou jeté, ça la rendait folle. Ses fils ne s'étaient pas rendu compte de l'importance du matériel. Ils s'étaient dit que ce n'était rien, qu'elle n'en avait pas besoin, sans comprendre que là n'était pas la question. Ils n'avaient pas saisi la mémoire des objets; ils avaient saccagé la dimension humaine d'une fourchette; ils avaient jeté cette couverture qui l'avait réchauffée pendant plusieurs hivers; ils avaient définitivement éteint la lumière de cette lampe sous laquelle elle avait lu tant de livres le soir avant de dormir. Faire tout ça sans la prévenir, c'était la pousser vers la mort. Ils eurent beau s'excuser, et tenter de lui expliquer l'opportunité unique qui avait rendu obligatoire une démarche précipitée, rien n'y fit, elle comptait demeurer retranchée dans son ressentiment; elle comptait mourir maintenant à l'abri de ses enfants.
Mon père m'appelait parfois pour me dire: "Je crois que ta mère ne tourne pas rond". De son côté, elle me disait: "Ton père me fait la tête au carré (...)". Oui, c'est vraiment ce qu'ils me disaient. Leurs disputes étaient géométriques.
Il repensait à l'Auguste de son enfance, et songea que chaque personne importante d'une vie porte en elle l'écho de l'avenir.
Chaque personne importante d'une vie porte en elle l'écho de l'avenir.
Mon père a trouvé une place de stationnement rapidement, et comme toujours cela le mit en joie. Je pense qu’on pourrait positionner le fait de se garer facilement dans le trio de son panthéon du bonheur. Quelque part, c’est si symbolique : mon père a toujours voulu avoir une vie rangée. Je critique cet enthousiasme de la place de parking, mais après tout chacun fait comme il peut pour se réjouir.
David Foenkinos est capable de percevoir l’humour de la situation le plus insignifiante:
J’ai observé sa chambre. C’était à peu de choses près la même que la mienne. Il n’y avait pas de tableau de poules. Mais je pouvais être rassuré : elle avait, elle aussi, sa croûte. Et je dois dire que sa croûte surpassait la mienne. Je n’étais finalement pas si mal loti au royaume de la médiocrité (chacun trouve les réjouissances qu’il peut). Son tableau était une sorte de nature morte, mais vraiment morte : il n’y avait plus aucun espoir pour cette nature-là, représentant trois pommes sur une table. C’est sûrement un fait unique dans l’histoire des fruits, mais je peux le dire avec certitude: ces trois pommes là avaient l’air affreusement déprimées.