Voilà un roman contemporain qui m'a fortement touché. Pour plusieurs raisons, certaines personnelles, d'autres plus générales, mais qui convergent toutes vers cette évidence : le plaisir que nous avons à lire certaines choses vient autant de l'auteur, de ce qu'il nous propose et de la façon dont il nous le propose, que du lecteur, de son vécu, de son expérience, de ses lectures antérieures et de l'état d'esprit où il se trouve en ouvrant le livre.
Ainsi moi, avant d'ouvrir
le Foulard rouge, je savais qu'il allait m'intéresser, parce que le lieu de l'action, Gurs et sa région, je connaissais, je suis né à quelques kilomètres de là, et si, dans mon enfance, ce nom avait une consonance sinistre, ce n'était pas tant à cause de son nom lugubre, mais à cause de ce qu'il représentait. Oh, on n'en parlait pas, non, surtout devant les enfants, mais on devinait, devant cet espace immense où une pancarte décrivait succinctement l'histoire du camp, qu'il y avait là un mystère, et même un drame atroce... Et puis le temps a passé, j'ai appris depuis l'histoire du camp. Rétrospectivement, j'ai eu honte, pour les gens (y compris mes parents) qui connaissant la vérité (ou ce qu'on leur en montrait) ne faisaient rien... Et puis juste derrière, je me disais que, l'époque étant ce qu'elle était, le choix de l'héroïsme n'était peut-être pas la première option... Et d'ailleurs qui sommes-nous pour juger, qu'aurions-nous fait à leur place ?
Il y avait donc une raison personnelle pour que j'ouvre ce bouquin. Je m'attendais à une reconstitution historique, je n'ai pas été déçu. L'auteur retrace la mémoire du camp avec ses vagues successives d'occupants (militants basques, républicains espagnols, membres des Brigades internationales, et puis à partir de 1940, juifs de toutes nationalités - pour ces derniers, Gurs était un maillon dans la chaîne atroce Gurs-Drancy-Auschwitz). Cet historique est retracé dans la cadre d'une histoire romanesque qui commence et finit en 1996 avec des incursions dans la période de la guerre, coeur du roman.
Giovanni est un italien des Brigades Internationales interné au camp, Maylis est une jeune fille du village à côté. Ces deux-là vont s'aimer, malgré tout, malgré le camp, malgré le caractère borné et raciste du père de Maylis, malgré les Allemands... Il faudra une trahison pour qu'ils soient séparés... Jusqu'à ce jour de 1996 où, pour Giovanni, les aiguilles de la pendule vont tourner dans l'autre sens.
Le Foulard rouge présente donc un triple intérêt : une leçon d'Histoire, une très belle histoire d'amour qui défie le temps, et même une histoire policière, car bien sûr, on voudrait bien savoir les pourquoi et les comment de la trahison...
Ce roman ne devrait donc pas décevoir les amateurs d'Histoire, ni les amateurs de belles romances, ni les amateurs de suspense, de mystère ou d'enquête, bref, il ne devrait pas vous décevoir, vous, ami(e)s de Babélio. Je parierai même qu'il vous plaira...