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4,06

sur 1078 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Parce que sa plume, d'une rare délicatesse, vous entraîne au plus près de l'intimité de ses personnages.

Parce qu'il le fait avec finesse, sans pathos, sans esbrouffe.

Parce que de cette narration sensible, à laquelle vous vous identifiez, il vous amène à réfléchir sur vous-même, vos peurs, vos espoirs, vos désirs ou votre propre personnalité.

La mort, la famille, la violence, la réussite et le temps qui passe sont les thèmes majeurs qui animent son dernier roman, dans le cadre d'une nature aussi belle que menaçante.

(Peut-être aussi parce qu'il est l'un des seuls auteurs à me faire lire et aimer du "nature writing".)

Al et Trig, deux jumeaux frère et soeur, reçoivent un jour un SMS de leur père Bill leur proposant "une dernière aventure" en canoë. Expérience dont ils étaient coutumiers pendant leur enfance et aussi l'occasion de renouer avec leur père qu'ils n'ont pas vu depuis deux ans. Une expédition d'un mois en pleine nature est un peu leur madeleine de Proust à tous les deux.
Ils vont donc accepter malgré que les conditions d'un départ en novembre soient loin d'être idéales. Mais y-t'il un bon moment pour affronter ses échecs et ses traumatismes.

Il faut lire Pete Fromm.
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Certains écrivains « écrivent toujours le même livre » selon la formule consacrée et attribuée à Marcel Proust. Pete Fromm ne fait assurément pas partie de cette longue liste d'auteurs qui creusent inlassablement leur sillon et dont Patrick Modiano est l'une des figures emblématiques.

Les premiers ouvrages de l'auteur, le très beau récit autobiographique « Indian Creek » (qui donnera lieu à une suite, « le nom des étoiles »), les superbes recueils de nouvelles « Chinook » et « Avant la nuit » explorent une nature sauvage, indomptée et magnétique, perdue dans des contrées oubliées du nord de l'Amérique.

« Lucy in the Sky » et plus encore « Comment tout a commencé » marquent un premier tournant dans l'écriture de Pete Fromm qui dissèque la psyché adolescente d'héroïnes aussi rebelles qu'attachantes, approfondit avec tendresse la complicité qui unit un frère et sa soeur, et interroge les conséquences du surgissement de la folie.

Jusque-là, aucune faute, rien que du presque parfait, l'auteur marche parfois sur un fil mais rafle la mise, et ajoute une émotion indicible à la beauté immuable des paysages du Montana.

La parution de « Mon désir le plus ardent » marque une nouvelle évolution dans l'oeuvre de l'auteur en auscultant les tourments terrifiants que la sclérose en plaque fait subir à une jeune femme pleine de vie. Malgré le succès du roman, le trop plein de pathos d'un récit aux interminables accents mélodramatiques m'a absolument désappointé. le sujet à fort potentiel lacrymal de « La vie en chantier », qui voit une jeune maman mourir en couche, m'a conduit à passer mon tour.

C'est ainsi avec une certaine appréhension que je me suis plongé dans le dernier Pete Fromm, « le lac de nulle part ».

Trig et al (diminutifs respectifs de Trigonométrie et Algèbre), frère et soeur jumeaux, ont perdu le contact avec leur père mathématicien qui ré-apparaît dans leur vie pour « une dernière aventure », consacrée à sillonner en canoë les lacs du nord canadien. Dès le début de l'expédition, les deux jumeaux ressentent une inquiétude sourde, leur paternel si méticuleux et expérimenté, n'a pas effectué les préparatifs d'un périple empreint de nostalgie avec sa rigueur d'antan. Les trois adultes s'apprêtent pourtant à passer plusieurs semaines en totale autarcie dans une immensité immaculée de lacs, d'îles désertes et de forêts sauvages, au coeur du mois de novembre, qui voit les dernières frondaisons automnales céder la place à la rigueur menaçante de l'hiver.

Le roman explore une nature âpre, hostile, et belle à en mourir, où s'entremêlent l'immensité d'espaces inviolés, un froid à pierre fendre, la munificence des aurores boréales, la pêche à n'en plus finir, le rituel de la petite goutte de whisky et du joint partagé chaque soir au coin du feu et les ours noirs en maraude. du nature writing, du vrai !

La plus grande réussite de l'ouvrage est pourtant le mélange de tendresse et d'humour avec lequel l'auteur interroge la gémellité, cette relation aussi émouvante que singulière qui unit deux personnages hantés par les souvenirs de leur enfance. Trig conciliant et sérieux forme avec sa soeur al aussi rebelle que désinvolte un couple improbable, dont le sort est au fond le véritable enjeu d'un roman aux multiples facettes.

Le romancier aborde également la question de la maladie, et en particulier de la perte de mémoire qui semble toucher le père des deux jumeaux, et frôle une forme de pathos insoutenable, .

« La lac de nulle part » est ainsi un ouvrage protéiforme qui réussit le prodige de réunir en un seul roman tous les thèmes chers à Pete Fromm, de la beauté ineffable d'une nature indomptable, au lien indéfectible qui unit al et Trig, en passant par le surgissement progressif d'une forme de folie. Si Pete Fromm se montre magistral dans sa façon toute particulière d'aborder ses sujets de prédilection, j'ai néanmoins été une nouvelle fois été décontenancé par l'excès de pathos qui accompagne l'irruption inattendue de l'indicible au coeur de ce très beau roman.
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Deux ans que les jumeaux, al et Trig, n'ont pas revu leur père. Aussi, lorsque ce dernier les invite pour sillonner les lacs canadiens pendant un mois, ils n'ont guère eu à coeur de refuser, malgré novembre approchant. Une dernière aventure comme il leur a dit. Retrouver pour un temps le parfum de leurs vacances. Mais, dès les retrouvailles à l'aéroport, les jumeaux sont surpris de ne pas voir leur père à bord de l'Aventuremobile, lui qui adore conduire. Étonnés aussi lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il a, apparemment, oublié ses bagages. Une fois le paquetage au complet et le parc provincial de Quetico atteint, le trio se lance avec plaisir d'autant que cette première journée est idyllique. Mais, très vite, des tensions apparaissent, al et Trig se rendant compte que cette expédition n'a pas vraiment été préparée et que les conditions climatiques se dégradent...

Dans ce huis clos à ciel ouvert, l'on navigue aux côtés de Al, Trig et Bill, leur père, pour une expédition dans la région des Grands Lacs. Si les retrouvailles entre les jumeaux sont heureuses, celles avec leur père beaucoup plus froides, juste cordiales. Dès les premières pages, l'on sent poindre des drames, l'on devine que l'aventure familiale, comme il y en a eu tant d'autres avec leur mère, va virer de bord et glisser, petit à petit, vers un cauchemar. Et c'est Trig, le narrateur, qui va nous faire vivre, au plus près de ses émotions, cette expédition. Outre les paysages magnifiquement décrits, peu à peu cristallisés et étouffés par ces flocons inattendus et redoutés, mordus par le froid, Pete Fromm dépeint, tout en finesse et avec des mots pesés, les relations familiales. Touchantes et profondes entre la soeur et le frère, tendues et faites de non-dits et de secrets avec le père. Ces moments partagés seront d'ailleurs l'occasion de lever le voile sur certains et de considérer combien des souvenirs peuvent s'avérer mensongers.
Un roman tout aussi ténébreux qu'étincelant...
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Novembre se rapproche. le bon moment pour moi pour naviguer jusqu'au Lac de nulle part.
Al et Trig (deux des matières enseignées par leur père, professeur de mathématiques : vous auriez osé, vous ? ) sont contactés par celui-ci pour une ultime escapade en canoë sur les lacs canadiens à l'image de celles qu'ils chérissaient enfants. Mais là on est en Octobre, le froid est déjà là, et ils ne seront que trois, Les parents ont divorcé il y a déjà longtemps.
Qu'importe, ils partent, mais très vite, la situation dégénère, leur père a changé. L'équipement est incomplet, pas de cartes, et puis un comportement parfois bizarre de sa part.
Quel était son but en les emmenant sur ses lacs ?

A travers ce périple, dans une nature belle mais devenant hostile par l'hiver qui débarque plus tôt que prévu, Pete Fromm évoque un certain nombre de thèmes qui nous font réfléchir, la vieillesse, la gémellité, la maladie, la communication au sein d'une famille, et d'autres encore que je ne veux pas nommer ici pour ne pas divulgâcher.

Nous ne saurons jamais ce qui s'est passé réellement dans cette nature sauvage, où ces trois êtres tentent de se retrouver et ne pourront échapper à cette confrontation. Certains souvenirs vont refaire surface,et le résultat en sera terrible.

J'ai cependant regretté de n'avoir que le point de vue d'une seule personne. J'aurai aimé mieux connaitre les deux autres, les voir exprimer leurs sentiments sans que cela soit retranscrit par le troisième et forcement déformé.

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Tout commence à l' aéroport de Minnéapolis, où trois personnes se retrouvent ; le père, professeur , et les faux jumeaux , al et Trig ( 27 ans ) , qui doivent leurs prénoms à l'amour de leur père, professeur, pour sa matière : les mathèmatiques...
Et dés le début, il y a un souci, alors qu'ils s'apprêtent à prendre un vol pour Internationnal Falls, afin de passer un mois dans la région des lacs du Canada, le sac Duluth contenant toutes les affaires de camping ( et donc de survie), du père a été perdu. Puis arrivé au parc, le ranger est sceptique, un mois à pagayer hors saison, alors que le parc va fermer , que la neige peut arriver, c'est un peu inconscient... Mais ça, les enfants le pensent aussi, mais pouvaient-ils dire non à la proposition de leur père, alors qu'ils ne l'ont pas vu depuis deux ans, et que le divorce survenu dix ans auparavant a fait exploser leur famille ?
Alors ils ont dit oui, et nous allons les suivre, même si le père n'a pas trop l'air de savoir ce qu'il fait .
Pagayer, pêcher le diner, porter le canoê, établir un campement, faire du feu, se glisser sous la tente et dormir, se réveiller, refaire du feu, re-pagayer ... Et au milieu du trajet , voir une aurore boréale, attraper des brochets, voir l'empreinte d'un ours.
Et surtout , sans carte, ne pas se perdre...
Discuter, faire remonter leur enfance , se souvenir des belles choses et des moins belles...

Et c'est ce qui séduit, frappe, heurte dans ce roman : le clair-obscur, les oppositions.
La pureté de la nature, et le glauque à peine effleuré par Pete Fromm.
Le blanc partout et le sombre "balayé sous le tapis".
Les souvenirs revisités.
Le froid qui peut tuer et la chaleur du feu qui sauve.
L'amour d'une mère pour ses enfants et l'autre...
Le concret des actions menées, et l'opacité des sentiments.

Nature writing, roman à suspens, tout à la fois et bien plus encore..
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Spécialiste de la littérature dite nature writing, Pete Fromm imagine des fictions romanesques au sein de grands espaces naturels sauvages, tel qu'il en existe de différentes sortes en Amérique du Nord. Je garde un excellent souvenir de Mon désir le plus ardent, lu il y a quelques années, un roman magistral et poignant qui s'ouvrait sur les rivières turbulentes du Wyoming. Dans le lac de nulle part, les eaux sont plus calmes, mais les personnages sont tourmentés.

Une famille éclatée. Cela fait des années que papa est parti au loin. Pour élever leur progéniture, maman a multiplié les heures supplémentaires et elle continue. Leurs deux enfants, des jumeaux, une fille et un garçon respectivement prénommés al et Trig, sont aujourd'hui adultes et ils mènent leur vie chacun de leur côté. Dispersés dans l'immensité américaine, tous restent nostalgiques de bons moments passés il y a bien longtemps, lors d'expéditions familiales sur les lacs du nord des Etats-Unis, en limite du Canada. Quand papa propose de se retrouver en octobre pour une nouvelle randonnée d'un mois en canoë, al et Trig acceptent volontiers. Maman n'est pas conviée.

Pendant deux semaines, ils s'enfoncent tous les trois dans la forêt et naviguent sur une suite infinie de lacs ; ils passent de l'un à l'autre en portant canoës et paquetages, se nourrissent de pêches, bivouaquent sous des températures d'automne qui baissent de nuit en nuit. Tout va bien, ils semblent heureux de se retrouver, mais cela pourrait n'être qu'apparence ; quelque chose ne colle pas et personne ne veut en prendre conscience ; le passé remonte à la surface et ce ne sont pas que de bons souvenirs… Puis un événement inexplicable les surprend et précipite le retour. L'hiver s'annonce précoce, et dans la région, il s'accompagne couramment de températures glaciales et d'intempéries violentes. Les itinéraires deviennent incertains. Parviendront-ils à revenir ?

L'auteur a confié le rôle du narrateur à Trig, un jeune homme aussi irrésolu que sa soeur est proactive. Tout au long du récit, Trig s'étend sans modération sur la vie quotidienne des trois randonneurs, sur l'observation de leurs comportements, sur la contemplation de la nature – et je suis sûr que l'apparition d'aurores boréales vaut le voyage. Aucune précision ne nous est épargnée par le jeune narrateur sur la préparation des repas, sur l'installation et le démontage des bivouacs… et sur ses états d'âme personnels empreints d'angoisse et de culpabilité irraisonnées. Des descriptions et des commentaires certes intéressants, mais qui finissent par être ennuyeux à force d'être répétitifs…

En vérité, Pete Fromm sait parfaitement ménager ses effets : le temps mis à lire ces pages fourmillant de détails sert à maintenir à haut niveau la tension de l'incertitude. Je m'y suis volontiers laissé prendre. Je ne suis pourtant pas sensible, en général, au suspens des polars et des thrillers ; je n'essaie jamais de découvrir le coupable et le pressentiment d'un crime qui s'ourdit ne m'empêche pas de dormir. Dans le lac de nulle part, j'ai joué le jeu ; bien que pressé de toujours connaître la suite des événements, je me suis astreint à lire les développements à un rythme normal, résistant à l'envie de tourner les pages plus vite. Il le fallait bien et je vous engage à faire de même… car sinon, autant aller directement au chapitre final pour découvrir le dénouement. Je me suis senti récompensé de ma patience. Dans les toutes dernières pages, l'auteur livre une chute surprenante, qui m'a rappelé celle de la où chantent les écrevisses, de Delia Owens, un autre roman de nature writing.

Dans des paysages assurément sublimes et probablement oppressants, Pete Fromm a noué autour de ses personnages des intrigues inspirées de l'air du temps. Des règlements de comptes tardifs entre des pères et leur fille défrayent de plus en plus souvent la chronique. Les troubles mentaux qui menacent les personnes prenant de l'âge alimentent nos préoccupations. Dans le monde de la finance, la roche Tarpéienne n'est jamais éloignée du Capitole… La solidarité entre jumeaux pourrait être un atout pour faire face à ces difficultés.

L'écriture est belle et je me suis senti captivé tout au long de ma lecture ; mais une fois le livre refermé, j'ai éprouvé le sentiment d'avoir été quelque peu manipulé.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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J'aime beaucoup la littérature des grands espaces, ces atmosphères ouatées et glaciales qui prennent en étau, entre la violence des hommes et une nature impitoyable.
C'est après la lecture du billet d'Isidoreinthedark que m'est venu l'envie de lire un roman de Pete Fromm, un auteur de nature writing que je n'avais encore jamais lu. Si vous avez envie d'en savoir plus sur la bibliographie de l'auteur, je vous engage à aller lire son billet.

Après beaucoup d'hésitation, mon choix s'est fixé sur son dernier roman, « le lac de nulle part ».
La couverture, magnifique avec ses tons bleus et les deux canoës vides, résume, à elle seule, toute l'ambiance de ce roman : l'eau cristalline des lacs, le silence, l'absence, la solitude, qui laisse une impression étrange, inquiétante.

*
Le point de départ de ce roman est un texto qu'un père envoie à ses deux enfants devenus adultes. Peu présent dans leur vie depuis trop longtemps, il leur propose une dernière aventure d'un mois, dans un vaste parc naturel canadien.

Cette proposition est plutôt déconcertante et mystérieuse.
Le parc est à quelques jours de la fermeture, les touristes ont déserté le lieu. Et même s'ils sont expérimentés, le mois de novembre n'est pas une période idéale pour bivouaquer. En cette saison, l'automne s'installe vite. La nature est certes magnifique, la forêt se teintant de rouge, mais l'hiver, proche, peut les surprendre à tout moment.

Pour autant, Trig et al sont heureux de renouer avec leur père qu'ils n'ont pas vu depuis plusieurs années. Alors, malgré leurs appréhensions, ils acceptent de le retrouver et de partager une nouvelle expédition.

*
A peine les premières pages lues, j'ai eu l'impression d'être en territoire connu.
Le début m'a tout de suite rappelé le roman « Sukkwan Island » de David Vann. Mais « le lac de nulle part » est beaucoup plus subtil. Ici, il n'y a pas de violence exagérée, de rebondissements à répétition. On glisse doucement sur l'eau, on écoute le chant des oiseaux, on observe la nature et on se perd dans cette immensité.

Au fur et à mesure qu'ils s'enfoncent dans le parc provincial de Quetico par un réseau de portages, remontent en eux des souvenirs de leur enfance : leurs joies partagées lorsqu'ils formaient encore une famille unie. Mais se glissent des souvenirs plus douloureux, cachés, des non-dits, des silences pesants qui entretiennent un malaise ambiant.

« Il avance seul, nous n'avons aucun mal à le suivre et je me laisse hypnotiser par les tourbillons qui se forment de part et d'autre de ma pale, leur façon de tournoyer quand elle émerge de l'eau, juste avant que je la replonge dans les profondeurs. Je les imagine s'étirer dans notre sillage, kilomètre après kilomètre, année après année, remonter le courant de notre vie, jusqu'à notre enfance. »

Le lecteur sent très rapidement les tensions dans ce trio. En même temps que le temps se dégrade, le poids du passé tisse une toile qui les emprisonne dans une gangue de glace comme de vulgaires insectes.

« …je ne peux m'empêcher de me demander ce que je fais là, perdu sur un canoë au milieu d'un lac dont j'ignore le nom quelque part au Canada tandis que la chaleur de la journée, de la saison tout entière, se dilue dans le bleu de plus en plus sombre du crépuscule. »

*
Le style de Pete Fromm est simple, fluide et agréable à lire.
La poésie est présente dans les descriptions de ces contrées sauvages. La nature est un personnage à part entière, elle nous enveloppe d'un écrin de glace, de neige, de froid, participant à cette ambiance incertaine et menaçante.
J'ai aimé ces moments où Pete Fromm nous décrit ces grandes étendues d'eau, ces îlots déserts, ces immenses forêts qui se parent de couleurs automnales. Sa belle écriture nous fait percevoir les variations climatiques, le changement de saison, la glace qui fige le paysage, la neige qui craque sous les pas.

*
Pete Fromm excelle également à décrire les sensations, les émotions. Sans trop en révéler, Pete Fromm réussit à merveille à analyser la complexité des liens familiaux. Petit à petit, on comprend les douleurs tues, les fêlures. Cette souffrance contenue, enfouie sous la glace ne souhaite qu'une chose, c'est se libérer.
Avec beaucoup d'acuité, il parvient à instiller un climat troublant où règne une inquiétude sourde. Et en même temps que l'on s'émerveille de la beauté de ces grands espaces et de la faune sauvage, le lecteur sent l'appréhension grandir au fil des pages. Et cette nature aussi majestueuse que dangereuse se referme sur nous dans un huis-clos intimiste.

« Et ces mots, un écho des années passées, m'achèvent, j'ai envie de courir dehors, de me jeter dans le lac, de plonger dans les eaux noires, de m'accrocher à un truc sombre et gluant …jusqu'à ce que je cesse de respirer. »

*
J'ai aimé cette belle relation fraternelle. On ressent la tendresse qu'ils ont l'un pour l'autre. Et si j'ai trouvé al plutôt froide et distante, je me suis attachée à son frère Trig qui dégage beaucoup de douceur et de prévenance. Je l'ai trouvé très touchant dans son rôle de grand frère qui veille sur sa soeur, alors qu'ils sont jumeaux.
Quant au père, il paraît avoir pris un gros coup de vieux. Je vous laisse le découvrir plus en détail.

*
Malgré tous ces points positifs, j'ai tout de même une réserve quant au dénouement, certes tragique, mais beaucoup trop prévisible à mon goût.

*
Pour conclure, ce nouveau roman de Pete Fromm est un récit prenant, glaçant, plein de colère, de rancoeur, et de ressentiment. La nature, l'ambiance y sont certes, oppressants, mais il m'a manqué plus de rudesse et de surprise sur la fin.
« le lac de nulle part » est tout de même un roman très agréable à lire qui me donne envie de découvrir d'autres romans de l'auteur et en particulier « Indian Creek ».
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C'est un beau roman, c'est une belle histoire…

C'est vrai que ça démarre plutôt de manière charmante, cette virée familiale en canoë dans les lacs canadiens. Comme un clin d'oeil aux vacances passées, du temps où leur cellule familiale était encore unie, Bill a convié sa fille al et son fils Trig, jumeaux autrefois inséparables, à ce raid improvisé. Et un peu surprenant à cette époque de l'automne où l'hiver s'annonce déjà…

Vous l'aurez compris, rien ne va vraiment se dérouler comme prévu et le pagayage familial va rapidement se transformer en exutoire familial pour le trio. Et encore plus quand un matin, il se réveille duo. L'heure n'est alors plus au règlement de comptes, mais à la survie pure et simple, alors que les températures chutent, que la neige tombe et que les glaces se referment sur les lacs.

Inconditionnel du Pete Fromm des débuts (Indian Creek, le Nom des étoiles, Comment tout a commencé, Lucy in the sky…), je devenais schizophrène depuis deux livres, les appréciant individuellement mais craignant la poursuite de ce tournant un brin romance qui aurait fini par me lasser. Dans le Lac de nulle part traduit par Juliane Nivelt, il me rassure totalement, signant un livre passerelle, parfaite synthèse de l'étendue de son talent.

On y retrouve la splendeur du nature writing où Fromm excelle, capable de décrire des pages durant la beauté inquiétante des lacs canadiens en hiver, la splendeur des paysages, la grâce et l'indécence d'un coup de pelle lorsqu'il vient troubler la quiétude d'un monde figé. On y apprécie la dimension sombre et inquiétante qui font du livre un parfait pageturner dont on ne voit pas les 450 pages passer.

Et on y retrouve surtout cette capacité de Fromm à travailler ses personnages et les liens familiaux qui les unissent ou les séparent. Un traumatisme, la maladie, les non-dits, la force de la fratrie, la bienveillance, le pardon… Autant de bons et de moins bons sentiments qui traversent le livre, déclenchant l'empathie même devant la faiblesse ou l'indicible.

Une première bonne surprise de cette rentrée littéraire 2022 !
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La 4ème de couverture est suffisamment explicite pour qu'il ne soit pas nécessaire de rappeler l'histoire ici.

En effet, c'est évoqué, des tensions apparaissent dès le début de cette histoire. Des tensions que l'on pressent dans les premières pages déjà. Pas celles d'un thriller, ce n'est pas le genre de ce roman, mais plutôt des questionnements sur ce qui ne va pas, sur ce qui n'est pas en ordre, ou normal.

A titre personnel, j'en ai très rapidement compris les tenants, qui d'ailleurs ne sont pas vraiment cachés, mais simplement pas évidents au premier abord. Par conséquent, j'ai avancé dans ma lecture en me demandant quand cela allait exploser...

Mais ce roman prend son temps. Parce qu'il a d'autres choses à offrir.

D'abord cette complicité entre les deux enfants, deux jumeaux qui se retrouvent et qui malgré la distance ont gardé cette connexion et ce lien puissant, cette confiance l'un en l'autre.

Puis des histoires de famille, cette relation avec le père, d'abord simple mais qui prend de la place au fil de la lecture et devient plus lourde. La situation des uns et des autres, mais surtout celle du narrateur (Al).

Enfin, l'environnement majestueux, celui que connait bien Pete Fromm, des lacs et des forêts du parc provincial Quetico (Canada), à une période où la saison touristique est terminée et où ils seront seuls au monde.

Et si leur aventure se déroule lentement, au fil de l'eau, elle n'en reste pas moins passionnante. Je ne me suis pas ennuyé une seconde à la lecture de ce roman qui joue sur les sentiments et les relations humaines, comme cela avait été le cas dans mon désir le plus ardant.

Un roman tout en finesse donc, bien mené, avec des personnages auxquels on s'attache, et qui révèle un coté plus sombre au fil de la lecture.

Pete Fromm est un écrivain à découvrir, car l'ambiance de ses romans (en tout cas de ceux que j'ai parcourus) est particulière, douce malgré des sujets graves, riche de sentiments sans être larmoyante, entrainante par sa finesse d'esprit... vraiment bien quoi !

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Un roman qui se dévore. Il ne s'agit pas d'un « page turner » ni d'un « cliff hanger » mais d'un « lake crosser », d'une course effrénée à travers les lacs canadiens, à la merci du froid et de la nuit.
Alors oui, j'aurais volontiers fait l'économie de certaines pages consacrées aux portages, des descriptions répétitives du bivouac, de la préparation du café ou de la pêche au brochet. Mais ce serait oublier que leur récurrence donne son cadre à l'intrigue et qu'elle entretient le suspense. L'accomplissement d'une tâche peut relever de la prouesse, voire du miracle, quand les éléments vous sont hostiles. de la capacité des jumeaux, al et Trig, à s'acquitter de ces tâches, aussi simples soient-elles, dépend leur survie.
Pourquoi leur père les a embarqués dans cette folie, une balade en canoë à l'approche de l'hiver ? On le découvre au fil de l'eau, entre deux coups de pagaie, dans la chaleur réconfortante du campement ou le nez dans les aurores boréales. Si la nature a raison de leurs inhibitions, elle est aussi complice du drame qui se joue. le mal qui touche le père est plus profond que ses symptômes le laissent supposer. Derrière cette interrogation se cachent l'inavouable et la désintégration d'une famille (« Il n'y a que des secrets ente nous »).
Gallmeister tient bien sa ligne. Les ingrédients majeurs de sa recette éditoriale sont tous réunis : des forêts, des rivières et une tragédie familiale. le dernier Pete Fromm ne déçoit pas, il est parfaitement conforme au cahier des charges.
Bilan : 🌹🌹
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