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EAN : 9782246829577
256 pages
Grasset (05/01/2022)
3.83/5   24 notes
Résumé :
Qu’est-ce qui fait de nous des êtres capables de créer ?
Lorsque Diderot écrit que « les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête »,
il consacre une idée qui traverse les époques et les cultures, celle d’un lien entre folie et créativité. Qu’il s’agisse de la mélancolie selon Aristote, de la tempête des passions selon les Romantiques ou du manifeste surréaliste, tous célèbrent ce lien, au point de considérer la folie comme l’ordinaire... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Le génie est-il engendré par la folie ou la folie doit-elle son émergence au génie ? C'est l'éternel dilemme de l'oeuf et de la poule !

Au cours de cet essai qui surfe aux confins de la science et de la philosophie, tout en incluant le domaine de l'art, de multiples questions sont posées qui gravitent autour des liens forts qui unissent la création et la folie.

A commencer par les origines. Comment cette propension de l'esprit humain à dérailler a -t-elle pu subsister malgré les fourches caudines de la sélection naturelle ? Il semble bien que cette fragilité de la psyché ait en effet été un facteur de pression sélective positive et que la disparition de l'homme de Néandertal au profit de l'homo sapiens en résulte. Plus fragile mais plus compétent. Plus intelligent mais moins fiable. C'est la rançon du progrès.

L'analyse des relations indéniables entre folie et création, s'appuie sur des pathologies particulièrement fécondes en matière de productions, la schizophrénie et la bipolarité. Mais le lien est plus complexe qu'il n'y parait. D'abord parce les études qui ont conclu à cette parenté forte de la maladie et de la création ne sont pas toutes fiables; et parce qu'il apparait aussi que cette créativité est finalement plus marquée dans l'entourage des personnes atteintes que chez les patients eux-même !

La psychiatrie est une spécialité médicale qui a ceci de particulier que son sujet se trouve à la lisière de la science et de la philosophie. Ce qui enrichit le propos de l'ouvrage. L'art n'est pas un parent pauvre de la thèse, et les références sont nombreuses, qu'elles soient en lien avec la peinture, la musique ou la création littéraire.

Menée avec la rigueur d'une thèse, références à l'appui, le sujet bien que pointu est abordable, avec un bagage scientifique ou médical minimal. Il est passionnant, mais cela est un avis personnel, tant la folie me fascine, dans ce qu'elle révèle de notre fonctionnement.

Merci aux éditions Grasset et à Netgalley.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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C'est d'abord un coup de hache dans les préjugés que ce livre... la création ne suppose pas la folie. D'autre part, les gens atteints de troubles mentaux, s'ils peuvent être très créatifs, ce n'est généralement pas pendant leurs moments de crise.
Ceci dit, il existe des recoupements entre les domaines de la création et de la folie, c'est d'abord ce que les statistiques vont montrer au niveau de la génétique.
Mais au-delà de cette constatation, c'est autour de notre rapport au langage qui met bien évidemment en jeu notre conception du monde qui nous entoure qu'il faut chercher le lien entre folie et création... c'est là que les troubles mentaux viennent se cacher : le langage s'emballe-t-il sans prise directe sur le réel ?, les affects prennent-ils le pas sur l'objet désiré ? le mot devient-il la chose ? Voilà des procédés qui sont monnaie courante chez les artistes mais qui sont douloureusement vécus dans les troubles mentaux.
Un livre destiné à tous qui remet bien des coups de hache à leur place.
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Le sujet de ce livre est le rapport, s'il y en a, entre la folie et la créativité. Et l'auteur est normalien et médecin psychiatre, chef de service à l'Hôpital Sainte-Anne, à Paris.

Il nous fait une présentation en crescendo, et je résume, juste les points principaux à retenir.

Ça commence par la théorie de l'évolution et le darwinisme. Et là... d'où venons nous ? Il y a nous, les homo sapiens, et les autres. Il nous explique le fonctionnement du cerveau, de notre cerveau extrêmement plus complexe que ceex des autres espèces. du coup, il défend l'idée que cette complexité de notre cerveau a été acquise grâce à une certaine perte de "fiabilité", si on peut dire comme ça. Cette perte de "fiabilité" introduit des vulnérabilités, qui n'existent pas dans des cerveaux plus primitifs et moins complexes. C'est hors sujet ici, mais j'aurais aimé avoir son opinion sur les théories (ou plutôt idéologies) dites antispécistes.

Une réflexion rapide, très rapide sur ce que c'est la conscience, lorsqu'il parle du fonctionnement du cerveau, et j'ai compris qu'il ne croit pas à la dualité corps / esprit.

Et là commence la partie intéressante. Il nous parle de la créativité et nous expliques les psychopathologies pouvant avoir un rapport avec la créativité : la dépression, la bipolarité (alternance de dépression et manie) et la schizophrénie.

Et on tombe sur des conclusions qui peuvent étonner mais sont fondées sur des données statistiques : les créatifs ne sont pas forcément fous ou vice versa. La relation est plutôt de parenté. Les vulnérabilités du cerveau dont on a parlé se transmettent de génération à génération et peuvent générer soit des gens normaux, soit des créatifs soit des fous. Et la probabilité de trouver des fous dans la famille des créatifs, et vice versa, est plus importante que dans la population normale.

Ensuite, il y a tout une réflexion sur l'art créé par des fous, que l'on désigne par l'art brute, sur le langage et d'autres sujets dont on ne pense pas à priori. Des sujets plutôt philosophiques.

Et ça fini par une réflexion sur le métier de médecin psychiatre. Son rôle est plutôt de soulager la souffrance mentale d'un malade que de les fixer dans le chemin de la créativité. C'est une spécialité à part dans la médecine puisqu'il ne traite pas le patient juste comme un "corps machine" tel que théorisé par Descartes, tel que dans la plupart des autres spécialités. Pour être un psychiatre il est utile de dominer aussi d'autres domaines de connaissance tels la philosophie.

Un livre qui m'a beaucoup appris fait réfléchir. La lecture de ce livre me donne envie de lire d'autres et même d'assister à ses cours.
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Il existe des liens entre troubles mentaux et créativité. Raphaël Gaillard part de ce postulat : il n'y aurait pas de grand homme sans esprit qui déraille. de la mélancolie à la bipolarité, en passe par la schizophrénie, ce serait le génie de l'homme qui s'exprimerait. Et cela viendrait en plus notre ADN. Les nordiques (islandais et suédois) ont fait des études qui ont montré que notre ADN nous rend vulnérables aux troubles psychiques en même temps qu'il nous permet de créer.

Le titre de cet essai est emprunté à une citation de Diderot : « les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête ».

Globalement j'ai trouvé cet essai très intéressant, assez accessible même si parfois un peu technique et rébarbatif par instant. Je pense qu'il s'adressera plus à des passionnés de la psychiatrie et des pouvoirs de notre cerveau.
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Cet essai étudie les liens entre folie et créativité, explore les résonnances entre certaines pathologies mentales et des courants artistiques, dont certains ont pu louer les trouvailles créatives dans le langage d'un schizophrène, ou consacrer l'épisode mélancolique comme donnant seul accès à une vérité existentielle. Je ne m'attendais pas à ce qu'il s'appuie sur des études scientifiques et notamment sur des découvertes récentes concernant la génétique, mais il est réconfortant de constater que certaines intuitions cliniques sont confirmées par la recherche scientifique. Bref, cet essai est assez passionnant, plutôt facile d'accès, je dirais, et fourmille de références littéraires, musicales et artistiques pour illustrer son propos. Il vient réaffirmer que la créativité est au coeur de nos vies et que, sans être un artiste reconnu, chaque individu est artisan de son propre rapport au monde.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Dans cette seconde hypothèse, c'est l'effort d'intelligence qui rendrait vulnérable à la dépression. La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil : cette maxime de René Char, répétée à l'envi, en serait une possible illustration. Celui qui regarde le monde avec les yeux de l'intelligence est un être blessé. Il s'expose à la chute d'Icare en brûlant ses ailes à la chaleur du soleil. Pourquoi ne pas privilégier cette lecture des possibles liens de causalité entre dépression et trajectoire exceptionnelle, la seconde déterminant la première plutôt que l'inverse? Plus fondamentalement, nous pouvons nous interroger sur le passage de la corrélation à la causalité : l'existence d'un lien entre deux phénomènes (ce qui n'est pas même évident en l'occurrence pour ce qui est de la dépression et de la créativité) n'implique pas que l'un soit la cause de l'autre.
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Alors que chez le singe les phénomènes de synchronisation entre neurones distants garantissent une forme de solidité de l’échange, chez l’homme la quantité d’informations échangées est plus importante mais elle est moins fiable. En substance, notre cerveau a renoncé à la robustesse pour privilégier la quantité d’informations codées.

Chez le singe, il existe donc des mécanismes de vérification de l’information transmise entre neurones distants du fait d’aller et retour rapides entre ces différents neurones. Chez l’homme, la lourdeur de ces vérifications est réduite, pour permettre d’échanger davantage d’informations entre neurones distants. Quel est l’effet d’une telle évolution, privilégiant la quantité d’informations échangées sur la robustesse de ces informations ? Les chercheurs israéliens y voient un avantage crucial, celui d’une plus grande flexibilité et donc d’une meilleure adaptation à l’environnement. Mais ils soulignent également que cela pourrait ne pas être étranger aux troubles mentaux : renoncer à la robustesse pourrait avoir un lien avec la vulnérabilité aux troubles mentaux.

Ainsi notre cerveau a-t-il subi de profondes transformations, pour le meilleur essentiellement, mais non sans inconvénients. Vulnérabilité à certaines maladies classiquement liées au vieillissement, fragilité des informations échangées entre neurones, les performances de notre cerveau nous exposent à des risques. Tout se passe comme si la machine avait été poussée à un tel point de surrégime que des failles ont fini par surgir. À certains égards, les capacités prodigieuses de notre cerveau l’exposent à un bug, comme on le dirait d’un ordinateur dont la mémoire de travail est saturée. Notre cerveau rencontre ainsi certaines de ses limites : il ne se supporte plus.
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(p. 64)
Il se peut en effet que le lien de causalité établi de l'un à l'autre ne soit pas pertinent, mais que l'une et l'autre de ces caractéristiques traduisent un ferment commun. Pourquoi pas un tempérament, d'ailleurs, dans le droit fil de la pensée d'Aristote. Dans cette hypothèse, ce n'est donc pas la dépression qui fait les grands hommes, pas plus que les grandes trajectoires individuelles ne font le lit de la dépression. Il existerait plutôt un déterminant commun à la dépression et à ce qui rend les hommes exceptionnels, pour reprendre les mots d'Aristote.
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Le monde du langage, ce que notre cerveau a rendu possible au cours de l'Évolution, c'est de suspendre le temps plutôt que le voir défiler. En la matière quelques secondes constituent déjà une éternité.
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(p. 67)
Nous observons aux siècles suivants les réminiscences de ce lien entre folie et inspiration, et ainsi il n'est pas selon Diderot de grand artiste sans "un petit coup de hache dans la tête" :

"Nos qualités, certaines du moins, tiennent de près à nos défauts. La plupart des honnêtes femmes ont de l'humeur. Les grands artistes ont un petit coup de hache dans la tête; presque toutes les femmes galantes sont généreuses; les dévotes, les bonnes même ne sont pas ennemies de la médisance, il est difficile à un maître qui sent qu'il fait le bien, de n'être pas un peu despote. [...]".

"Né du même œuf, avec des goûts différents" : ce que Diderot souligne en citant Horace, c'est la matrice partagée de la folie et de l'inspiration, leur commune origine sous le sceau d'un déséquilibre que consacre leur énergie.
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Raphaël Gaillard vous présente son ouvrage "L'homme augmenté : futurs de nos cerveaux" aux éditions Grasset. Entretien avec Marion Bourbon.
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