Citations sur Coraline (86)
- Qu'est-ce qui me dit que vous tiendrez paroles? insista-t-elle.
- Je te le jure. Je le jure sur la tombe de ma propre mère.
- Elle a vraiment une tombe?
- Mais certainement. C'est moi-même qui l'y ai ensevelie. Et quand je l'ai surprise à vouloir en sortir, je l'y ai promptement remise.
Un petit raclement de gorge poli la fit se retourner. Tout près, sur le muret, se tenait un grand chat noir, identique à celui de sa vraie maison.
«Bonjour», dit le chat.
Sa voix ressemblait à celle qui parlait dans la tête de Coraline quand elle pensait en mots, sauf que c'était une voix d'homme, et non de petite fille.
«Salut, répondit-elle. J'ai vu un chat qui te ressemblait en tous points, dans mon jardin à moi. Toi, tu dois être "l'autre chat". »
Mais l'animal secoua la tête. « Je ne suis ni l'autre chat, ni l'autre ce que tu voudras. Je suis moi, voilà tout. » Il inclina la tête sur le côté et ses yeux verts se mirent à briller. « Vous autres, vous vous répandez partout. Nous, les chats, nous savons nous tenir. Si tu vois ce que je veux dire (...) ».
- Qui êtes-vous ? demanda Coraline à voix basse
- Les noms, les noms, toujours les noms… intervint une autre voix, lointaine et désolée. C’est la première chose qui s’en va, une fois que le souffle s’est éteint, et avec lui le battement du cœur. Les souvenirs nous restent bien plus longtemps que les noms. Je revois ma gouvernante tenant à la main mon cerceau et la baguette, un matin de mai, avec le soleil qui brillait dans son dos et tout autour d’elle les tulipes qui dansaient sous la brise. Mais j’ai complètement oublié son nom, et celui des tulipes.
« S’il te plait… comment t’appelles-tu ? Moi, c’est Coraline. »
Le chat bailla sans se presser, voire avec application, en dévoilant une bouche et une langue extraordinairement roses. « Un chat, ça n’a pas de nom, répondit-il enfin.
- Ah bon ?
- Non. C’est bon pour vous autres, les noms. Parce que vous ne savez pas qui vous êtes. Mais nous, nous le savons ; alors nous n’en avons pas besoin. »
Coraline trouvait ce chat d’un égocentrisme énervant. A l’entendre, il était le seul être au monde qui ait de l’importance.
D’un côté, elle avait bien envie de se montrer malpolie avec lui ; de l’autre, au contraire, elle était tentée de se montrer respectueuse et courtoise. Ce fut ce côté-là qui l’emporta.
- Coraline?
On aurait dit la voix de sa mère. Coraline alla dans la cuisine, car c'était de là que venait la voix. Une femme s'y tenait, le dos tourné. Elle ressemblait un peu à sa mère. Sauf que...
Sauf qu'elle avait la peau blanche comme un linge.
Sauf qu'elle était plus grande et plus mince.
Sauf que ses doigts étaient trop longs, qu'ils n'arrêtaient pas de bouger, et que ses ongles rouge sombre étaient pointus et tout recourbés.
- Coraline? fit-elle. C'est toi?
Alors elle se retourna. A la place des yeux, elle avait de gros boutons de chemise.
"Ah, c'est toi, dit-elle au chat noir.
- Tu vois ? fit-il en retour. Tu n'as pas eu tant de mal que ça à me reconnaître, même si je ne porte pas de nom.
- D'accord, mais comment ferais-je si je voulais t'appeler ?"
Il fronçat le nez et se débarbouilla pour avoir l'air peu impressionné. "Appeler les chats, c'est très surfait. Autant appeler une tornade.
- Oui, mais si c'était l'heure de dîner, par exemple ? Tu n'aurais pas envie qu'on t'appelle ?
- Si, naturellement. Mais il suffirait de crier "A table !" Tu vois, on n'a vraiment pas besoin de noms.
A pattes de velours, le chat avança à ses côtés.
"Pourquoi ? interrogea-t-il d'un presque indifférent.
- Le courage, c'est quand on a peur mais qu'on y va quand même", répondit-elle.
(.../...)
Tu te rends compte que tu t'es remis à parler tout à coup ?
- Comme j'ai de la chance, constata le chat, de voyager en compagnie d'une personne aussi subtile, aussi sensée." Le ton de sa voix restait sarcastique, mais sa fourrure se hérissait et sa queue en forme de rince-bouteille se dressait tout droit dans les airs.
Le courage, c'est quand on a peur mais qu'on y va quand même.
Coraline soupira. " Vous ne comprenez vraiment rien. Je ne tiens pas à obtenir tout ce que je veux, moi ! Personne n'y tient. Enfin, pas vraiment. Ce ne serait pas drôle si tout tombait tout cuit, sans que ça veuille rien dire. Qu'est-ce qu'on ferait ? [...]
Le père de Coraline s’arrêta de travailler et prépara à dîner.
Ecœurée, Coraline protesta : « Papa ! Tu as encore fait une recette !
-c’est du ragoût poireaux-pommes de terre à l’estragon et au gruyère fondu », reconnut-il.
Coraline soupira. Elle alla se chercher dans le freezer des frites et une mini-pizza à réchauffer au micro-ondes.
« Tu sais bien, pourtant, que je n’aime pas les recettes », dit-elle à son père pendant que son dîner tournait inlassablement dans le four et que les petits chiffres rouges s’égrenaient en se rapprochant du zéro.
-Si tu goûtais, ça te plairait peut-être » intervint-il. Mais elle se contenta de secouer la tête.