Le courage, c’est quand on a peur mais qu’on y va quand même.
Elle a besoin de quelqu’un à aimer, je crois. Quelqu’un d’autre qu’elle-même. Ou alors, elle a besoin de se nourrir. Difficile à dire, avec ce genre de créature.
– Qui êtes-vous ? demanda Coraline à voix basse.
– Les noms, les noms, toujours les noms… intervint une autre voix, lointaine et désolée. C’est la première chose qui s’en va, une fois que le souffle s’est éteint, et avec lui le battement du cœur. Les souvenirs nous restent bien plus longtemps que les noms. Je revois ma gouvernante tenant à la main mon cerceau et la baguette, un matin de mai, avec le soleil qui brillait dans son dos et tout autour d’elle les tulipes qui dansaient sous la brise. Mais j’ai complètement oublié son nom, et celui des tulipes.
Alors que Coraline se demandait si elle devait allumer le plafonnier, la chose noire sortit lentement de sous le canapé. Elle marqua une pause, puis fila silencieusement vers l angle opposé de la pièce.
Cet endroit ne me plaît pas, déclare-t-il. Enfin, si on peut appeler ça un endroit. Qu'est-ce que tu fais là ?
- Je te l'ai dit : j'explore.
- Il n'y a rien d'intéressant dans le coin. Ce n'est que l'extérieur - la partie qu'elle n'a pas pris la peine de créer.
Un jour, on lui avait dit que si on regardait vers le haut depuis le fond d'un puit de mine, on voyait un ciel nocturne piqueté d'étoiles même en plein jour.
« Va-t’en vite, petite. Ne reste pas ici. Elle veut que je te fasse du mal, que je te retienne ici pour toujours, pour que tu abandonnes la partie en lui laissant la victoire. Elle me pousse à te faire du mal. Tellement fort que je ne peux pas me défendre contre elle.
— Mais si. Un peu de courage. »
— Il n’y a rien, ici, répondit indistinctement la chose blême. Rien que de la poussière, de l’humidité et de l’oubli. »
On a des yeux, on a du cran,
On a une queue, on a des dents
Vous aurez c’que vous méritez
Quand on quittera nos cavités.
Coraline acquiesça malgré elle. Car c’était vrai : cette femme l’aimait. Mais elle l’aimait comme l’avare aime l’argent, comme le dragon couve son or. Aux yeux-boutons de l’autre mère, elle n’était qu’un bien matériel. Elle le savait très bien. Un petit animal domestique qu’on tolère mais qui, en raison de son comportement, a cessé d’être amusant.