Ce titre est aussi celui d'une chanson d'
Alain Bashung, dont l'auteure glisse quelques paroles à la dernière page.
Comme le roman commence par l'annonce d'un suicide, ce sont ces mots-là que j'avais en tête, moi, à la lecture : "J'ai dans les bottes des montagnes de questions / Où subsiste encore ton écho. ♪♫"
Semelles de plomb, questions, écho (dans un silence assourdissant)... Mathilde n'échappe pas à cet état d'hébétude dans lequel nous plonge ce geste tragique.
Adolescente & jeune adulte, elle a aimé passionnément et sans retour Guillaume, le fils d'un ami de la famille, gosse de riches englué à jamais dans "le désastre de [sa] déchéance". Il vient de mettre fin à ses jours, avec une ceinture qu'elle lui avait offerte. Il reviendra la hanter.
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Dans cette histoire tour à tour lumineuse et sombre, magnifiquement écrite, il est question de sororité, de rivalité, de place dans la famille, d'image de soi. Mathilde se rebiffe pour se rendre détestable, s'efface derrière sa soeur parfaite, se déclare perdue d'avance, refuse la compétition, l'affrontement, se place en position d'échec - la preuve en voulant se faire aimer de Guillaume ? Gaspard qui se construit en négatif du modèle parental n'est guère différent, dans un autre style - formaté, maîtrisé, lisse et ambitieux.
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L'auteur décrit admirablement, aussi, une dégringolade, « misérable et honteuse souffrance » de ceux que vient visiter la 'folie' :
« Dans notre monde, les gens comme moi, on (...) les écarte du monde jusqu'à les faire ressembler à ce qu'ils sont vraiment. Des ombres, des âmes en peine de vie. (...)
Je suis seule dans un endroit qui n'existe pas et je dois en trouver la sortie.
De ce fol envol, je m'écrase au sol et j'emporte avec moi les vivants. »
(p. 143 & 144)
Heureusement, il y a également de l'amour, et beaucoup. D'un chien, d'un amant, de familles... Assez pour revenir dans le monde des vivants et trouver la force de s'y cramponner ?
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De
Cathy Galliègue, j'ai préféré "
Contre nature" - très sombre aussi, mais peut-être moins étouffant.
Ce roman-là, le premier paru de l'auteure, est plus 'viscéral'.
Quoi qu'il en soit, une lecture époustouflante (& douloureuse).