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EAN : 9782868694621
155 pages
Actes Sud (10/08/1993)
3.94/5   24 notes
Résumé :
Les fous ont beaucoup à dire aux hommes qui les jugent et s’en débarrassent, impuissants. Celui qui débarque dans cet asile russe découvre que le Mal absolu a pris les atours de trois fleurs de pavot rouges et il n’aura de cesse, au péril d’une vie qu’il est prêt à sacrifier, de les arracher.

Avec un dépouillement et une tension rarement égalés, cette nouvelle obsédante qui a marqué les esprits de tous ceux qui l’ont lue, s’approche du mystère et de l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Dans cette courte nouvelle (40pages en version poche) dédiée à Ivan Tourgéniev, Vselovod Garchine parle d'un sujet qu'il connaît bien : la folie.

Il décrit cet environnement étrange et inquiétant (l'hôpital psychiatrique) d'une manière saisissante notamment grâce à un jeu de regards :
* le regard du fou (sur lui-même, sur les autres et sur sa 'destinée' donquichottesque) ;
* le regard froid et distant des médecins et personnels soignants ;
* le regard parfois très cynique du narrateur.

La langue de Garchine est tour à tout chirurgicale et lyrique mais toujours très économe et c'est dans cette précision qu'est la puissance de son texte. Une telle écriture rend le récit inquiétant et angoissant alors qu'aucune des actions ne le justifie réellement.
L'un des tours de force de cette oeuvre est donc dans l'alternance des épisodes de folie et surtout de l'arrivée de la beauté des fleurs du jardin, un Eden où les malades n'ont parfois pas ou peu accès qui est en opposition totale avec ce lieu infernal étrange et froid qui ressemble à une immense salle de torture du Moyen Age. Et c'est cette beauté (3 fleurs de pavot) qui devient l'objet même de la folie du dément et incarne pour lui la quintessence du Mal incompréhensible pour ce "philosophe" et pour ceux qui l'entourent.

Garchine a un discours réaliste, poétique et presque comique sur l'obsession irraisonnée de ce malade, une façon de parler de la folie comme on ne l'a jamais vu en littérature (même pas Maupassant !).
La fin d'ailleurs, bien que comique reste quand même glaçante...

Une superbe découverte !
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Une nouvelle d'une force incroyable.
Un homme que l'on nous présente comme fou est enfermé dans un asile au 19ème siècle. J'avoue que j'ai encore un doute sur sa folie car ses mots résonnent dans ma tête comme ceux d'un poète qui transcende le temps et l'espace : « Je sens et j'éprouve que le temps et l'espace ne sont que des fictions ! Je vis dans tous les siècles. Je vis en dehors de l'espace, partout ou nulle part, comme il vous plaira. » J'y vois une part de vérité ; on est tout, on est rien, sur cette terre...
Arrivé dans cet établissement surpeuplé, les médecins lui parlent avec force raison et distance gardée, et semblent prendre les mesures adéquates mais ne comprennent rien à ce que vit cet individu.
La peinture de l'asile est épouvantable, personne ne voudrait y résider et l'auteur rend très bien cette atmosphère avec des précisions dans les intérieurs (notamment la description de la salle de bains est effroyable).
Alors que le patient aperçoit une fleur rouge de pavot, il pressent qu'elle contient tout le mal de l'humanité. Il pense qu'en absorbant avec son corps les ondes négatives diffusées par la plante et bien conscient qu'il en mourra, il pourra sauver le monde (grande idée !).
J'ai beaucoup apprécié la plume de Garchine qui fait ressentir l'angoisse et la folie de manière frappante. Cette nouvelle est très intéressante, j'ai trouvé qu'on frôlait le surnaturel par moments. « Le fou sentait le Mal sortir de la fleur en longs fils rampants, semblables à des serpents. Ceux-ci l'enlacèrent, s'entortillèrent avec force autour de ses membres et imprégnèrent tout son corps de leur suc effroyable. »
Un texte fort qui porte à la réflexion sous bien des angles. J'ai beaucoup apprécié.
Et aujourd'hui, qu'en est-il de nos hôpitaux psychiatriques français… ?
Extrait du rapport d'activité 2015 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) : « En psychiatrie (…) le CGLPL constate que, trop souvent, l'enfermement entraîne une infantilisation et une déresponsabilisation des patients, que les préoccupations de sécurité infiltrent les pratiques psychiatriques, et que la crainte des fugues ou le sous-effectif des soignants conduisent à priver les patients de l'attention ou des marges de liberté qui devraient leur être accordées. »
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L'histoire se passe dans un asile de fous en Russie au XIXème. Asile qui ressemble à s'y méprendre à une salle de torture. le nouvel arrivant a des moments de lucidité. Jusqu'à ce qu'il découvre trois fleurs de pavot… Une nouvelle glaçante sur l'univers psychiatrique.

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Dans la peau d'un malade mental
Ce récit, à la troisième personne, d'une trentaine de pages, nous fait pénétrer à l'intérieur d'un asile d'aliénés mais surtout nous immerge dans l'esprit d'un malade mental.

Le nouveau pensionnaire débarque à l'asile en prétendant qu'il est inspecteur, chargé de contrôler la maison de fous. Il n'a pas dormi depuis deux nuits, les agents du train ont dû lui passer la camisole de force, son costume est en lambeaux, un tremblement convulsif agite sa lèvre et il visite les lieux au pas de charge. Et puis c'est le bain forcé, la glace qu'on lui met sur la tête, ses délires de persécution, l'évanouissement. Quand il se réveille au milieu de la nuit, il est hyper lucide. Il sait qu'il est malade, il se souvient de tout. Le lendemain il dialogue avec le médecin sur l'inutilité de l'enfermement. Ses forces s'amenuisent. Il ne dort presque plus et toute la journée, il est en mouvement. Il déambule en long en large et sent confusément qu'il a une mission à accomplir pour tous ces gens : détruire le mal dans le monde.
Le récit est d'abord d'un réalisme saisissant. L'auteur lui-même malade mental connaît bien l'univers austère d'un asile d'aliénés, les réactions des employés, des médecins etc. L'immersion dans l'esprit du personnage est fascinante. Au début de la nouvelle, ses moments de lucidité alternent avec ses moments de confusion. Et puis avec l'accablement et la fatigue ses obsessions prennent peu à peu le dessus, il voit le mal autour de lui et veut se sacrifier pour sauver le monde. Le récit prend alors une dimension mystique, très russe, et toujours très autobiographique: Garchine, jeune aristocrate, s'est engagé dans l'armée en 1877 pendant la guerre contre la Turquie, pour connaître et partager les souffrances du peuple. Il en est revenu brisé. Il s'est suicidé à l'âge christique de 33 ans.

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"La Fleur rouge" est une courte nouvelle du russe Garchine, rééditée ce mois-ci par L'Arbre Vengeur dans le soucis de défendre un texte indisponible depuis trop longtemps.

En cinquante pages tendues, Garchine va directement à l'essentiel. le lecteur est plongé dans la folie d'un homme, tout juste interné, dès les premiers mots et jusqu'au dernier. Captivant et inquiétant. Comme un condensé de ce qu'est la folie.

Deux notes avant d'en finir : Garchine a lui-même été victime d'accès de folie avant de suicider (à 33 ans). Sur le même sujet (internement), L'Arbre Vengeur a également publié "La Cité des fous" de Marc Stéphane, un livre tout aussi recommandable.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Cette fleur d’un rouge éclatant contenait tout le mal qui existe dans le monde. Elle avait absorbé tout le sang innocent versé (d’où sa couleur), toutes les larmes et tout le fiel de l’humanité. Elle était l’être mystérieux et effroyable opposé à Dieu ; elle était Ahriman, ayant revêtu une forme discrète et innocente. Il fallait l’arracher et la détruire ; mais ce n’était pas tout ; il fallait empêcher qu’en expirant elle ne répandit le mal sur le monde. C’est pourquoi il l’avait cachée dans son sein.
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— Pourquoi me regardez-vous comme ça ? reprit l’homme. Vous ne verrez pas ce que j’ai dans l’esprit, et moi, je lis clairement dans le vôtre. Pourquoi faites-vous ce que vous faites ? Pourquoi enfermez-vous ici cette foule de malheureux ? À quoi sert de les tourmenter ainsi ? Quand l’homme est parvenu au point où l’âme est remplie par une grande idée, une idée générale, peu lui importe où il vit et ce qu’il éprouve. Peu lui importe même de vivre ou non. N’est-ce pas vrai ?

— Peut-être, répondit le médecin en s’asseyant dans un coin de la chambre de façon à examiner le malade, qui allait et venait de long en large à pas précipités, faisant claquer ses grandes pantoufles de cuir et voltiger les pans de sa robe de chambre à raies rouges et à bouquets de fleurs.

L’aide-chirurgien et le surveillant qui accompagnaient le docteur se tenaient debout à la porte.

— Et je tiens l'idée ! cria le fou. Et quand je l’ai découverte, je me suis senti renaître. Les sensations sont devenues plus vives ; mon cerveau travaille comme il n’avait jamais fait. Ce que je n’atteignais autrefois que par la longue route du syllogisme et de l’hypothèse, je le sais maintenant par l’instinct. J’ai complété ce que la philosophie n’avait fait qu’élaborer. Je sens et j’éprouve que le temps et l’espace ne sont que des fictions ! Je vis dans tous les siècles. Je vis en dehors de l’espace, partout ou nulle part, comme il vous plaira. C’est pour cela qu’il m’est absolument indifférent que vous me teniez renfermé ici ou que vous me lâchiez. J’ai remarqué que plusieurs des personnes qui sont ici sont dans mon cas ; mais, pour les autres, c’est une situation affreuse. Pourquoi ne les lâchez-vous pas ? À quoi sert...

— Vous avez dit, interrompit le docteur en tirant sa montre, que vous viviez en dehors du temps et de l’espace. Pourtant, comment nier qu’il est dix heures et demie et que nous sommes le 6 mai 18... ?

— Qu’est-ce que cela fait ! Puisque tout m’est égal, est-ce que ça ne veut pas dire que moi, je suis partout et toujours ?
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Ce que je n’atteignais autrefois que par la longue route du syllogisme et de l’hypothèse, je le sais maintenant par l’instinct. J’ai complété ce que la philosophie n’avait fait qu’élaborer. Je sens et j’éprouve que le temps et l’espace ne sont que des fictions ! Je vis dans tous les siècles. Je vis en dehors de l’espace, partout ou nulle part, comme il vous plaira. C’est pour cela qu’il m’est absolument indifférent que vous me teniez renfermé ici ou que vous me lâchiez.
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Lorsqu'on fit entrer le dément dans cette affreuse chambre pour lui faire prendre un bain et, selon la méthode du médecin-chef de l'hôpital, lui appliquer un vésicatoire sur la nuque, il fut pris d'épouvante et de fureur. Des pensées absurdes, plus monstrueuses les unes que les autres, tourbillonnaient dans sa tête. Qu'était-ce ? L'Inquisition ? Un lieu de supplice secret où ses ennemis avaient résolu d'en finir avec lui ? Peut-être l'enfer même ?
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- Pourquoi me regardez-vous comme ça ? reprit l’homme. Vous ne verrez pas ce que j’ai dans l’esprit, et moi, je lis clairement dans le vôtre. Pourquoi faites-vous ce que vous faites ? Pourquoi enfermez-vous ici cette foule de malheureux ? À quoi sert de les tourmenter ainsi ? Quand l’homme est parvenu au point où l’âme est remplie par une grande idée, une idée générale, peu lui importe où il vit et ce qu’il éprouve. Peu lui importe même de vivre ou non. N’est-ce pas vrai ?
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