Dans les premières pages, on assiste à la fuite, par la grande porte, d'un détenu de la prison de
Bellavista à Medellin. Au chapitre suivant, retour en 2009, l'année où Romuald en a assez de son job, de son couple, de sa boulimie, de son mal de vivre. Son corps le rappellera d'ailleurs à l'ordre. Presque sur un coup de tête, il s'envole à la découverte de la Colombie où il espère retrouver du sens à son existence. Pris dans un engrenage qu'il ne maîtrise pas, il se retrouve enfermé dans une des prisons les plus dangereuses du pays.
Ce roman oscille étonnamment entre le roman noir et le feel good, au sens noble du terme. En effet, d'un côté, on plonge aux côtés d'un français moyen au coeur d'un univers carcéral malsain et dangereux et de l'autre côté, on assiste finalement à la reconstruction d'un homme qui avait pourtant toutes les chances de tomber dans une dépression noire. Et ce retour à la vie, à l'estime de soi, à l'énergie, il le devra à la page la plus sombre de sa vie.
L'immersion dans la prison colombienne était vraiment intéressante. Et même si on s'imagine bien que la violence et corruption hantent sans doute encore plus là-bas qu'ici les murs de ce type d'établissement, l'auteur nous dépeint ici un état dans l'état.
Bellavista est finalement une extension de la guerilla qui fait rage de l'autre côté des barreaux; pire, c'est tout le trafic en son sein qui finance les exactions du dehors. On imagine aussi une certaine surpopulation, mais ce qui est décrit dans ce roman frôle l'inimaginable. J'ai donc fait quelques recherches sur le net, et je ne peux que confirmer que
Nicolas Garrance s'est bien documenté sur les lieux.
Cette prison, divisée en "patios", semble représenter un véritable microcosme de la société colombienne. Les cellules grand luxe côtoient des couloirs où s'entassent des détenus qui doivent payer pour bénéficier d'un matelas quelques heures. Tout se monnaie, la drogue sert de laisse par laquelle 70 à 80% des prisonniers sont asservis à ceux qui se font du fric, pour financer des groupuscules à plus grande échelle. La plume de l'auteur est fluide, précise, directe et son texte se lit avec beaucoup d'aisance.
Le personnage de Romuald est vraiment bien construit et l'on ne peut qu'entrer en empathie avec lui. Il faut avouer que je n'ai pas totalement cru à son destin qui m'a semblé bien exagéré pour un seul homme, français de surcroît et qui n'avait jamais prononcé un mot d'espagnol avant de poser le pied en Colombie. Mais ce n'est pas bien grave, je me suis dit que finalement, Romuald c'était un peu de tous ces hommes à qui le destin à fait un croche-pied et qui ont décidé de relever la tête pour sortir gagnants. Romuald, c'est aussi celui qui reste digne dans une flaque de boue, celui qui joue de son intelligence pour un mieux, celui qui a pris la décision de se prendre en main, envers et contre tout, pour vivre libre, dans tous les sens du terme.
Bellavista m'a fait passer un très bon moment de lecture. La plume de
Nicolas Garrance vaut vraiment la peine d'être découverte sur un sujet qui n'est pas si fréquent que cela.