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4,04

sur 3389 notes
Un auteur formidable que j'apprécie à chaque nouvelle lecture d'un de ses romans.
J'apprécie le souffle épique et tragique de ses histoires, son lyrisme aride et maîtrisé, son style sobre, et par-dessus tout cela, son regard plein d'humanité.

C'est un court roman que cet « Eldorado ». Les chapitres aussi sont courts mais percutants.
Je l'ai lu quasiment d'une seule traite. Et j'ai été saisi par la puissance de ce récit.
Il raconte deux histoires parallèles, qui auront une brève et surprenante jonction, chargée de sens. Et la maîtrise de Laurent Gaudé, que j'ai déjà appréciée dans d'autres romans, comme Écoutez nos défaites, fait qu'il n'y a aucune difficulté à suivre ces deux récits.

L'Eldorado, c'est le rêve de l'Europe et de toutes ses richesses qui anime ces migrantes et migrants, et qui, pour ce rêve, risquent leur vie; mais qui sont aussi les victimes de la cupidité, de la traîtrise des passeurs et des marchands de chair humaine qui les dirigent.
Dans ce livre, et tel que je l'ai ressenti, l'Eldorado, c'est peut-être aussi la recherche de quelque chose d'encore plus précieux, le sens de sa vie, la quête de sa dignité d'être humain.

L'un des histoires est celle du commandant Salvatore Piracci qui, depuis 20 ans, fait partie des marins italiens qui contrôlent les navires susceptibles de transporter des migrants illégaux, marins qui sont amenés très souvent à porter secours à celles et ceux dont le navire a, par exemple, été abandonné par les passeurs, ou qui se retrouvent à dériver dans des embarcations de fortune.
C'est une femme, dont le tout jeune enfant est mort de déshydratation sur un bateau abandonné et qu'elle a été contrainte d'accepter qu'il soit jeté à la mer, qui sera celle qui lui fera prendre conscience de l'absurdité et de l'inhumanité de son travail. La rencontrant deux ans plus tard, elle lui demandera de lui fournir une arme pour tuer l'un des chefs de l'organisation mafieuse qui pratique cette traite d'êtres humains.
A partir de là, les doutes et les remords de cet homme le conduiront à un long parcours initiatique, bouleversant et désespéré, qu'il vous faut découvrir, je n'en dis pas plus.

L'autre récit est le périple de Soleiman, jeune homme de vingt-cinq ans qui projette de quitter son pays, sans doute l'Egypte, avec son grand frère Jamal, pour rejoindre l'Europe en passant par la Libye.
Un voyage que Jamal ne pourra entreprendre pour cause de maladie, un voyage fait d'innombrables souffrances, de violence et de traîtrise des passeurs, mais fait aussi de l'amitié d'un autre migrant plus âgé, Boubakar, qui soutiendra Soleiman. Un périple qui lui fera rencontrer Salvatore Piracci comme une sorte d'envoyé divin.

Ces deux récits, l'un vers l'espoir d'une vie meilleure, l'autre vers la vérité de l'être, sont d'une force incroyable. Je retrouve à nouveau chez Laurent Gaudé l'art de donner à ces histoires très dures la dimension mythique d'une tragédie grecque, en évitant absolument la sentimentalité, la bien-pensance.

Bref, une fois de plus, coup de coeur pour la rude beauté d'un autre roman de Laurent Gaudé.
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J'ai aimé "Ouragan" Mais "Eldorado" m'a vraiment touchée au coeur. Ce récit à plusieurs voix , qui nous emporte sur ces bateaux incertains mais chargés de tous les espoirs, m'a bouleversée. Ce que je retiens de cette excellente écriture: humaine, juste, pudique, c'est que l'espoir de l'homme est immense, et qu'en chaque individu sommeille un besoin de dépassement de soi qui fait "briller ses yeux".
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Roman sorti il y a 17 ans, et encore brûlant d'actualité…

Ici, nous suivons d'un côté le commandant Salvatore Piracci, qui intercepte les embarcations clandestines pour remettre les migrants aux autorités siciliennes.
Et de l'autre côté, nous suivons Soleiman, quittant son Soudan natal et son frère avec douleur pour se rendre en Europe, un vagabond épuisé, peureux et brave à la fois.

Pendant ma lecture, j'ai donc croisé la route de Soleiman, son frère Jamal, Boubakar, le commandant Piracci, et la femme anonyme. Que ce soient aussi bien les garde-côtes que les émigrés ou bien les passeurs, chacun a comme principe la détermination et la rage.

Laurent Gaudé pousse à la réflexion : l'Eldorado… D'accord, mais à quel prix ? Est-il préférable de mourir en mer ? Une balle dans le coeur au pied d'un mur ? Ou bien d'être impitoyablement repoussé par les garde-côtes, mourir de fatigue, de froid, de chaud, de faim ou de soif ? Où bien d'être victime de passeurs sans scrupules qui fixent leur prix pour la liberté ?

Ces personnes qui n'ont ni nom ni histoire, dont personne ne sait rien, ni d'où elles viennent, ni ce qui les anime, se taisent et sont résignés. Ils sont à cran et continuellement aux aguets parce que rien ne les laisse en paix.

À travers cette lecture, nous retournons à la base de ce qui est important et signifiant. Ce n'est pas l'argent ni la prospérité, non…

« Et nos enfants, Jamal, nos enfants ne seront nés nulle part. Fils d'immigrés là où nous irons. Ignorant tout de leur pays. Leur vie aussi sera brûlée. Mais leurs enfants à eux seront saufs. Je le sais. C'est ainsi. Il faut trois générations. Les enfants de nos enfants naîtront là-bas chez eux. Ils auront l'appétit que nous leur avons transmis et l'habileté qui nous manquait. »

Nous sentons une très grande compassion à travers la plume de l'auteur. Il arrive à parler de ce malheur avec humilité, humanité et pudeur.

Nous avons tous besoin d'empathie et de tolérance. Ce monde se porterait un peu mieux sans les frontières qui nous divise et les murs qui se dressent…

« Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. Nous avons cru pouvoir passer sans sentir la moindre difficulté, mais il faut s'arracher la peau pour quitter son pays […]. Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes. »

« Reprendre les hommes à la mort. Les extirper de la gueule de l'océan. le reste, tout le reste, les procédures d'arrestation, les centres de rétention, les tampons sur les papiers, tout cela, à cet instant, était dérisoire et laid. »

Nos actes, les plus infimes, qu'il soit, peuvent avoir une répercussion sur autrui.

Une main tendue peut parfois signifier énormément pour celui qui la reçoit.

Vivre peut malheureusement coûter cher… très cher même...
Le prix d'une vie pour certains…
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Illusions perdues.

Salvatore Piracci garde-côte italien sillonne la Méditerranée à la recherche des clandestins. Sa rencontre avec une survivante va briser ses certitudes.

Je n'ai pas assez de mot pour décrire ce magnifique roman. C'est un long cri de désespoir qui m'a accompagné tout au long de celui-ci. Celui des clandestins mais aussi celui de Salvatore. Les espoirs et les illusions se brisent violemment face à la réalité. Les survivants ont fait des sacrifices en vain, Salvatore a perdu le sens de sa vie. Que reste t-il ?

Pour cette jeune femme la vengeance, pour tous les clandestins la survie envers et contre tout, pour Salvatore errer sans but. Toutes ces souffrances paraissent différentes, et pourtant, elles sont universelles. Un point commun les rassemble : la perte de sens.

Les romans qui me font un tel choc sont rares. Laurent Gaudé magnifie cette immense tragédie avec sa plume somptueuse. Il transforme les statistiques en êtres humains dignes malgré la souffrance. Il nous met en empathie avec eux.

En somme, si vous ne deviez lire qu'un seul Gaudé lisez celui-ci.
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Eldorado m'a ouvert les yeux. Jusqu'alors, lorsqu'aux informations on parlait de ces raffiots africains dérivant vers les côtes italiennes ou espagnoles, bourrés jusqu'à ras-bord d'hommes et de femmes fuyant la faim, la misère, c'est à peine si ce triste spectacle, devenu banal, captait quelque peu mon attention.

Dans son roman, destins croisés d'un garde-côte italien et d'un jeune migrant tentant de rejoindre l'Europe, l'Eldorado, Laurent Gaudé parvient à nous ouvrir les yeux sur le drame qui se joue chaque jour en Méditerrannée.
Et pas en jouant sur la corde sensible, sans ton larmoyant. Mais plutôt, au contraire, au travers de l'optimisme et la volonté de Souleiman, ou de la clairvoyance et la prise de conscience de Salvatore.

Un roman très fort. Encore une fois, une écriture puissante, rythmée, les mots justes, pas de longueur. Admirable.
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Il faut trois générations. Les enfants de nos enfants naîtront là-bas chez eux. Ils auront l'appétit que nous leur aurons transmis et l'habilité qui nous manquait. Cela me va. Je demande juste au ciel de me laisser voir nos petits-enfants."

C'est ce qui pousse tous ces jeunes à tenter leur chance et à abattre toutes les frontières. Mais qui pousse Salvatore Piracci, commandant d'une frégate sicilienne, à les intercepter encore et encore ? Son travail ? le sentiment de faire respecter la loi ? de sauver les misérables qui sont abandonnés par leurs passeurs ? Devant l'incapacité de répondre à cette question, le beau commandant va tout quitter pour vivre cette aventure du "bon" côté, celui des migrants qui veulent accéder à l'Eldorado, l'Europe. Parce que tout homme a besoin de croire qu'il existe mieux ailleurs, et que cet ailleurs est à portée de main. "L'Eldorado, commandant. Ils l'avaient au fond des yeux. Ils l'ont voulu jusqu'à ce que leur embarcation se retourne. En cela, ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l'oeil sec, nous autres. Et nos vies sont lentes."

Nous voici également aux côtés de Jamal, qui a amassé petit à petit de quoi payer son passage vers l'Espagne, mais pour qui la route ne sera pas non plus facile. Car "Aucune frontière n'est facile à franchir. Il faut forcément abandonner quelque chose derrière soi. [...] Aucune frontière ne vous laisse passer sereinement. Elles blessent toutes." Et qu'ensuite il s'agit de se reconstruire entièrement dans un nouveau pays, qui ne veut pas de toi.

Sans juger, Laurent Gaudé nous livre un magnifique roman plein de beauté et d'horreur, avec une plume qui me transporte toujours autant. Un roman qui hante et qui nous fait voir le monde autrement …
Lien : http://missbouquinaix.wordpr..
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Eldorado est un roman qui m'a énormément touché, sur un sujet que je connais mal : l'immigration clandestine.

Même si c'est un roman, l'auteur s'est inspiré des faits réels et il met en scène le sud de l'Italie à travers le phénomène d'immigration clandestine en provenance d'Afrique du Nord vers l'île italienne de Lampedusa. Phénomène qui a pris de l'ampleur à partir de 2004-2005.

C'est un roman très rythmé car il se passe énormément de choses, de la première à la dernière page.

Les personnages sont très intéressants. L'histoire est bien ficelée et se tient tout le long du roman.

C'est un joli roman, bien écrit.
Mais c'est aussi un roman assez dur par moment.
J'ai été écoeurée par le comportement des passeurs, certains passages sont forts, on s'y croirait.

C'est un roman criant de vérité, et je l'ai trouvé super bien ficelé. Crédible de la première à la dernière page, on oublie que c'est un roman et que Salvadore et Soleiman n'existent pas réellement.

Là encore, je ne peux que vous recommander ce roman :)
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Un très beau texte qui colle à l'actualité. Une histoire forte, très dérangeante qui provoque la réflexion. Laurent Gaude prouve encore une fois avec ce roman qu'il écrit très bien. Un superbe livre.
Lien : http://araucaria.20six.fr/
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Ce roman a plus de 10 ans et pourtant il évoque un sujet toujours d'actualité.

Pour Soleiman, son Eldorado se trouve en Europe. C'est la conviction qu'un collier de perles vertes lui chuchote le long de son périple dans lequel il ne peut plus faire marche arrière.

Une femme avait également pour destination l'Europe. Son Eldorado, quant à elle, s'est effacé à l'instant où son bébé est mort.
Elle a été sauvée par Salvatore Piracci, un commandant italien chargé de garder la frontière et d'arrêter les immigrés.

Après cette rencontre, le commandant perd espoir en l'humanité et désire quitter sa vie dont il ne veut plus. Il ne trouve plus de sens à son métier qui n'est que rediriger des personnes pleines d'espoir vers l'enfer qu'ils ont tout fait pour fuir.

Est-il finalement lui aussi en quête de son Eldorado ? Où veut-il laisser derrière lui la terre que tant d'autres de l'autre côté désirent en tant que tel ?

Ce roman est touchant et j'ai beaucoup apprécié l'écriture de Laurent Gaudé car à mesure que les hommes avancent l'Eldorado recule. Elle n'est qu'illusion se jouant du sort des voyageurs.
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Un nouveau roman découvert grace à une amie,lu à la suite du "Soleil des Scorta"... Encore une belle decouverte.... Son écriture nous emmene directement au centre des emotions, autant celles des heros que celles des lecteurs... Un livre puissant sur le depart, le Tout quitter, l'exploitation de la detresse humaine... et puis aussi sur les rencontres indispensables qui font que nos chemins de vie sont ce qu''ils sont : parfois lumineux, parfois troubles et parfois magiques..
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