Ecoutez... "dans les steppes de l'Asie centrale "de Borodine, ce rythme d'abord lancinant, répétitif mais qu'on sent évoluer, puis ces voix fortes, discordantes ou assorties, fortes, envoûtantes...Vous aurez un aperçu de mon ressenti sur ce roman : j'ai eu la musique dans la tête pendant toute la lecture...
http://www.youtube.com/watch?v=juisZsDQZBo&feature=related
J'aurais aimé ne pas vous en dire plus, vous laisser trouver votre propre musique...Il y a tant à découvrir par soi-même...Et tant à dire aussi.
Sur l'idée de départ, originale et osée, pas facile : parler d'un personnage très connu (Alexandre le Grand) en se focalisant sur son agonie et son cortège funèbre.
Sur la construction ensuite, tel un roman "choral" certes, où Laurent Gaudé alterne les narrateurs à la première ou troisième personne, mais aussi les types de voix : les vivants, Alexandre, et les âmes errantes des fidèles compagnons morts. Cela donne un côté passionné, flamboyant à l'ensemble. On passe du lyrisme à la réalité la plus dure. On est en empathie totale avec les personnages tels que Drypteis, digne et loyale, et les compagnons fidèles d'Alexandre, qu'on peut compter sur les doigts de la main, et qui formeront son ultime cortège.
"Alexandre doit retrourner à sa mère qui l'attend ,
qui hurlera à son tour, du haut des monts de Macédoine,
et ce cri s'entendra jusqu'aux confins du monde."
Sur l'écriture de Laurent Gaudé, enfin, qui est vraiment sa signature même si elle diffère un peu selon les livres, mais qu'on retrouve dans le soleil des Scorta et plus encore dans la nuit Mozambique ( et dans la mort duroi Tsongor parait-il, je vais donc m'empresser de le lire) :
cette écriture en effet, on peut la trouver "excessive", c'est souvent le reproche, mais qu'elle est belle ! Quel souffle elle donne au récit ! On est porté autant par l'histoire que par l'écriture ! Et c'est d'elle que vient cette musique qui ne vous lâche plus au fil des pages.
(Je mets peu de citations, je crois qu'il est important de decouvrir ces lignes sans a priori...)
Et toujours cette question de la mère d'Alexandre, Olympias, "A qui appartiens-tu, Alexandre ?", fil rouge lancinant du récit et réprésentative d'un des objectifs d'Alexandre le Grand : rallier Occident et Orient, les réconcilier, oeuvre ambitieuse qu'il tentera de mener à bien...Même si l'empire, dès sa mort annoncée, sera l'objet de convoitises et de partages sanglants...
J'ai été happée dès la première ligne par le style très lyrique lorsqu'il s'agit des grandes scènes du roman (cortège, Egypte, dernier assaut...), très intimiste lorsque la voix de Dryptéis se fait entendre, et très réaliste dans les anecdotes relatives au règne d'Alexandre le Grand : ces variations donnent beaucoup de relief à la narration.
p.31 : "Elle pense que les dieux ont faim, qu'ils veulent une proie, que personne n'a pensé à calmer leur appétit. C'est bien ce qu'elle a senti. Il flotte dans l'air autour d'eux, une menace. Les dieux cherchent une vie à dévorer.(...) Il est normal que ce soit elle."
En bref, une première page qui vous harponne, une construction qui donne un souffle à l'histoire, une écriture qui lui donne un rythme reconnaissable certes- mais c'est ce que j'aime chez un auteur, sa "signature littéraire"-mais un rythme très musical, grandiose souvent.
Et une histoire prenante traitée de manière oiriginale.
Vous l'avez compris, ce roman est un superbe cru de Laurent Gaudé, que je vous encourage vivement à découvrir en vous laissant porter par le style...
Un seul "oubli" mais on y remédie très facilement de nos jours (!) : une (même minuscule) biographie d'Alexandre le Grand aurait permis de se situer dans le temps, et une carte dans l'espace. ça aurait sans doute ajouté un caractère "roman historique" non voulu au livre d'où peut être le choix de ne pas les inclure...
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Une page d'Histoire romancée : la mort d'Alexandre le Grand (- 323 av. J-C), l'homme qui réunit l'Orient et l'Occident. A son actif : guerres, fondation de soixante-dix cités, expansion vers l'est... Et retour à la case départ pour l'Empereur défunt : sa dépouille refait le chemin inverse de ses avancées conquérantes (si j'ai bien compris ?? rien n'est moins sûr), de Babylone vers la Macédoine, accompagné d'un cortège de pleureuses. Tandis que ses généraux n'attendent pas la fin du deuil pour se déchirer et se partager l'Empire dans le sang...
Des tours sur Wikipedia se sont imposés pour situer le contexte, les faits. J'apprécie généralement la plume efficace de l'auteur, elle m'a semblé ici mystico-tragico-théâtrale et grandiloquente - en phase avec le type de récit et l'époque évoquée, ceci dit... La lecture fut fastidieuse et longue, malgré la brièveté du roman. Bon, je peux au moins me dire une fois le livre (enfin) refermé que j'ai appris sur cette période de l'Histoire, ma patience n'aura pas été totalement vaine... D'autant que je ne suis pas près d'oublier cette "aventure", je le crains.
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