Un monde sans vous
Un monde sans vous – toute une terre en nous.
Tout au long de cet atlas amoureux,
Sylvie Germain ne nous parle que d'amour. L'amour primaire, l'amour terre . La terre muette, la terre fablier ,la terre en sommeil , la terre joueuse, la terre terminale. La mère première.
La terre dans tout notre état.
Savait elle en prenant le Transsibérien jusqu'à Vladivostok qu'elle prendrait avec elle tous ces mots? «
Les mots sont des chiens d'aveugle » écrivait
Serge Wellens.
Alors commence un voyage, un regard mis en mots. La cécité? L'absence de la personne.
L'absence de la mère et de tous ses autres.
Les autres dont on devine l'amour que
Sylvie Germain a pour leurs mots. Pour leurs dits, pour tous les mots d'
Ossip Mandelstam,
Anna Akhmatova,
Boris Pasternak,
Serge Wellens. .
Tous ces autres en voyage, en partance, en exil, en recherche. Tous chamans.
Un livre résurgence. Des mots qui vous atteignent par capillarité.
La Sibérie, le centre du Loin.
Un voyage à rebours. Recherche d'une passerelle entre les vivants et les morts. Tous ces mots remontent en nous, nous respirons la terre, nous la regardons.
Sylvie Germain nous la dit.
Et les couleurs se déploient, défilent, nous enveloppent et nous entraînent vers l'oeil bleu du lac Baïkal, vers les abîmes. Au plus profond.
S'extirper de la terre, la parcourir et puis la retrouver. Se fondre en elle.
Sylvie Germain prend un poignée de
lettres: T a ï g a , la soupèse et la décortique. Elle nous montre l'humus des mots.
Vivre pour renaître, et, transmettre.
Rien n'est plus grouillant de vie que la terre. Paradoxe. Là reposent les absents.
Symbiose entre la terre et les hommes.
Kaléidoscope ou notules en marge du père, Il n'y a plus d'images,Cependant.
Image du père. Beauté du père. Poussière d'or. Poussière d'étoile. Père passeur – homme lumière homme mémoire. Homme sable. Homme pierre.
Il apparaît dans le Songe de Piero della Francesca, dans le St Christophe de Patinir.
Et c'est une magnifique parole que nous délivre
Sylvie Germain sur ce père, ce père conteur.
Son amour de la terre s'enracine dans cette filiation. le temps des roses. le temps de choses, celui des hommes.
Alors vient le temps du laisser partir, du laisser aller, accepter ce non savoir qu'est la mort tout en évitant tous les faux savoirs, seulement accueillir le vide de l'absence, accepter l'inconnu du devenir de cet absent.
Le carnet de tous nos voyages, le récit de toutes nos vies.
Un très bel écrit.
Astrid SHRIQUI GARAIN