L'amour physique est sans issue. L'Argentin Mempo Giardinelli nous offre un petit noir bien serré -cent pages denses à souhait- sur un des thèmes archi rebattus du roman noir, la fuite des amants criminels. Un couple adultère de la bonne société argentine s'affranchit des règles sociales et franchit les frontières sur un coup de tête- « Le fait est qu'un après-midi, après avoir fait l'amour, épuisés comme deux coureurs cyclistes après le Tour de France, nous avons fumé une sèche et je lui ai dit, à l'improviste, comme par jeu: « On devrait tuer ton mari. »- jusqu'à l'entre-dévoration.
Antonio Romero entretient depuis quatre ans une relation torride avec Griselda Antonutti, la femme de son meilleur ami. Las de leurs vies parfaites, dans lesquelles ils jouent leur rôles de bons parents et de citoyens modèles, ils décident de tomber les masques. Leur vernis social se craquelle, et libérés du poids des conventions, ils peuvent franchir les cercles de l'Enfer de Dante. Luxure, colère, violence, ruse, trahison… la passion physique les consume jusqu'au point de non retour..
Le dixième cercle est un long monologue nihiliste et désespéré, un constat amer, un état des lieux désabusé du couple et de l'Argentine. « Il n'y a plus d'espoir. Nous sommes un pays de moutons et de désespérés ». En s'éloignant de la ville, de l'autre côté du fleuve, vers le Paraguay, nation où l'on ne fait même plus semblant de vivre dans un Etat de droit, « le signe monétaire de la frontière argentino-paraguayenne se nomme Corruption. C'est un langage multilingue: tout le monde le comprend. », ils font fi des derniers interdits qu'ils leur restent pour ajouter à l'Enfer de Dante un dixième cercle. Mempo Giardinelli est un virtuose qui a su nous étourdir dans ce court roman violent et sensuel. Antonio et Griselda, aussi diaboliques et passionnés que Roméo et Perdita Durango chez Barry Gifford, vont rester dans les mémoires des lecteurs de noir.
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Dans la chaleur d'enfer du Chaco en Uruguay, Alfredo Romero et Griselda vivent une histoire d'amour passionnée. Ils sont amants et s'entendent tellement bien que quand Alfredo suggére à sa maîtresse de tuer son mari, celle-ci accepte immédiatement. Le pauvre homme ne les gêne pas le moins du monde, il est au courant de leur liaison et l'accepte sans broncher. Alors pourquoi vouloir le supprimer ?
C'est juste la méchanceté qui les pousse à donner un bon coup de pelle sur la tête du mari. Cet acte absurde fait sauter chez eux un verrou et les libère d'une colère retenue par les conventions, la morale et leur bonne éducation. Ils sont immédiatement aspirés par un tourbillon qui les entraîne vers une violence incontrôlée. Ils s'en fichent et agissent avec désinvolture même si, comme dit Alfredo: «Je ne sais pas si vous avez déjà tué quelqu'un. Ce n'est pas facile».
Mais c'est juste le premier pas qui coûte.....
Le dixième cercle fait, bien entendu, référence aux cercles de l'enfer de Dante. L'auteur y exploite le thème de la colère, ce "péché capital", pour se livrer à une critique sociale acide.
Dans ce roman, le récit à la première personne nous fait entrer immédiatement dans le monde d'Alfredo, le narrateur. Le rythme est trépidant, l'histoire qui fait juste cent pages se lit d'une traite. Pour l'apprécier, j'ai du faire comme Alfredo et Griselda: lâcher prise sans me demander sans cesse: quel sens?, où tout cela mène?. Je me suis juste laissée aller à l'humour noir tout à fait réjouissant et parfaitement en accord avec l'histoire récente d'un pays imbibé de sang.
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Alfredo, 50 ans, est un homme respectable, il a réussi, il entretient depuis quatre ans une relation passionnée avec Griselda, la femme de son meilleur ami sans que cela paraisse gêner ce dernier. Et pourtant un jour, il annonce à Griselda qu'il devrait tuer son mari.
Il le fait la nuit suivante à l'aide d'une pelle.
À partir de ce moment s'en suit une spirale de meurtres.
Tout nous est raconté par Alfredo lui-même.
Griselda et lui ne cherchent pas à camoufler leurs actes et prennent la fuite vers le Paraguay.
"Ne me faites pas la morale" dit-il au lecteur, ses actes ne lui paraissent pas plus terribles que ceux que l'Argentine, ses politiciens, ses hommes d'affaires font sans en être inquiétés dont il nous décrit l'hypocrisie. La critique de l'Argentine est féroce.
C'est un récit court (103 pages) mais noir, très noir, sanglant, violent, captivant, haletant : une fois commencé, on ne le lâchera plus.
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Nous nous connaissions depuis très longtemps, dix ans au moins, et je crois que nous n'avions jamais eu le moindre fantasme mutuel. Répression sociale ou quelque autre cause, pendant dix ans nous avons été asexués l'un pour l'autre. Et puis un beau jour, boum, quelque chose a éclaté, une bombe, et sous les décombres nous nous sommes enlacés comme des lianes, fondus comme deux métaux dans un chaudron.
Celui qui a dépassé les bornes en tuant et ne peut plus se refréner, a la puissance du taureau, la brutalité de la bête qui emporte les barbelés et les barrières sans que rien ne l’arrête, et qui est capable de mourir dans la tentative mais qui jamais, jamais, ne cessera de pousser. La colère est un taureau fou, et à cet-instant j’étais la colère.
Donc, que les moralistes ne me jugent pas. Les nôtres ont déjà détruit deux générations dans ce pays. Il n'y a plus rien à espérer d'eux. Plus rien, maintenant. Dans ce pays, avec ces gens-là, c'est sans remède.