Voilà ce qu'il lisait à travers le regard de Sylvain : un cerveau spécifique, différent de celui des autres enfants. Le cerveau d'un môme abandonné, qui avait poussé dans une jungle d'emmerdes.
_"C'est de l'utopie. C'est pour ça que c'est réel."
Francesca disait vrai. L'homme est fait pour rêver, c'est-à-dire pour combattre et non subir. [...] Et surtout, l'homme est fait pour la poésie. Or, l'utopie est poétique. Et la poésie aura toujours raison contre le réalisme.
- Prends le livre. Tu me le rendras plus tard. Lis-le. Tu comprendras ce que je veux dire.
Volokine glissa l'ouvrage dans sa gibecière et regarda sa montre. 19h30. Il s'était donné une heure pour sa digression - et l'heure était passée. Il se leva.
- Merci professeur.
- Je te raccompagne. Mais tu dois me promettre une chose.
- Quoi?
- Après cette histoire reviens me voir. Nous crierons ensemble.
- Promis, professeur. Mais alors, attention aux murs!
Le vieil homme escorta le flic jusqu'au seuil. Il murmura :
- Tu sais ce que disait Janov sur les névroses?
- Non.
- La névrose est la drogue de l'homme qui ne se drogue pas.
Volokine acquiesça en rajustant sa sacoche. Il ne comprenait pas la phrase mais il aurait pu ajouter une autre réflexion, à son propre sujet. Lui avait opté pour la totale. La drogue, et aussi les névroses ...
P 354.
- Tu la Sautes ? demanda-t-il en faisant un clin d'oeil.
- Non (Volokine acheva de rouler sa cigarette, sans doute un joint en devenir, qu'il renonçait maintenant à épicer) je ne suis pas comme vous.
- Comme moi ?
- On m'a dit que même un trou dans le mur, vous vous l'enfileriez.
Quoi de plus désirable que ce qui vous échappe ? Et puis, qu'on le veuille ou non, un suicidaire, c'est toujours romantique.
Peut-être pas le meilleur Grangé. Certes. Ceci dit, une description assez remarquable de l'état de manque d'un héroïnomane et la plongée dans l'univers terrifiant de la guerre, des tortures et autres horreurs qu'ont pu perpétrer les nazis en 40 dans les camps ou les français en Algérie.
Cela aura, je l'espère, le mérite de montrer franchement ce que veut dire la guerre. Un certain discours aussi très noir sur l'humanité et ce qu'elle est capable de faire...
Il était dans la peau du sprinter qui vient de franchir la ligne d'arrivée, encore emporté par son élan. Il courait, charriant avec lui sa vie révolue, ses anciens repères, ses sentiments familiers. Puis, soudain, il butait contre le présent - le vide du présent - et c'était comme si on le tirait en arrière pour lui faire passer la ligne d'arrivée, encore et encore.
Un enfant n'a pas de repères. Il n'est que le résultat d'une éducation.
La torture et la peur sont des choses étranges. Des forces qui vous secouent, au sens propre et au sens figuré. Vous vous révélez : un lâche ou un brave.
"L'innocence est tellement rare de nos jours qu'elle suscite tous les soupçons."