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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
« Je relisais à l'instant le dernier paragraphe. Bien que je n'en sois pas autrement satisfait, ce n'en est pas moins la plume d'Oscar ; en effet elle a réussi à exagérer, sinon à mentir, avec concision et cohérence, à présenter, des choses, un rapport volontairement concis et cohérent, de temps à autre. »
C'est Oscar, le narrateur, qui parle, et rien que l'alternance du Je et du Il d'un paragraphe à l'autre, d'une phrase à l'autre ou, parfois, comme c'est le cas ici, au sein d'une même phrase, a de quoi dérouter. Mais si j'ai placé cet extrait, dans lequel Oscar parle de la plume d'Oscar, en ouverture de mon billet, c'est parce qu'il me paraît assez bien s'appliquer à la plume de Günter Grass telle que je l'ai perçue. Une plume qui exagère, qui n'hésite pas à mentir, à travestir la réalité, à se cacher, et qui ne se soucie guère d'être concise et cohérente. Je n'attends pas d'un romancier qu'il soit particulièrement concis. Parmi mes auteurs de prédilection figurent Proust, Céline, Simon, qui ne sont pas franchement réputés pour leur concision, mais, et je remercie au passage la plume de Grass pour m'avoir éclairée, il y a une chose à laquelle je suis manifestement très attachée : la cohérence. Or, l'auteur se fiche comme d'une guigne de nous présenter un récit cohérent, un récit qui ait du sens, ce sens fût-il de nous dire que rien n'a de sens. Il nous noie à plaisir sous un déluge verbal le plus souvent indigeste, aligne des scènes dont la puissance d'évocation est très fluctuante, ne cherche nullement à bâtir une intrigue, multipliant les ellipses, les allusions furtives, les associations d'images les plus incongrues, aboutissant à un magma opaque duquel je me suis littéralement épuisée à extraire du sens, réduite, tel en enquêteur aveugle et fourbu à glaner deux ou trois indices ici ou là qui, mis bout à bout ne m'ont menée nulle part, me laissant pour finir avec un monceau de questions sans réponses.

Je suis donc incapable de vous dire ce que l'auteur allemand, récipiendaire du prix Nobel de littérature en 1999 « pour avoir dépeint le visage oublié de l'Histoire dans des fables d'une gaieté noire », a voulu exprimer dans ce récit se déployant sur près de cinquante ans, de l'aube du XXème siècle aux immédiates années d'après-guerre. Je suis bien en peine de vous parler d'Oscar, né en 1924 à Dantzig sous deux ampoules de soixante watts battues par les ailes d'un papillon de nuit, bien en peine de vous dire pourquoi il se jette volontairement dans l'escalier de la cave à l'âge de trois ans afin de s'arrêter de grandir.
« Là je dis, là je me décidai, là je résolus de n'être en aucun cas politicien comme Adolf et encore bien moins négociant en produits exotiques, mais de mettre un point c'est tout, de rester comme ça – et je restai comme ça, je m'en tins à cette taille, à cet équipement, de nombreuses années durant. »
Là, l'auteur semble nous dire que placé devant l'alternative de devenir Adolf Hitler ou de reprendre le commerce familial, le petit Oscar préfère s'arrêter de grandir. C'est une interprétation possible, même si Grass en suggère d'autres, comme le fait que sa mère et son beau-père n'ayant pas le don de le comprendre, il « perdit le goût de la vie avant même que cette vie commença ». On peut aussi avancer une explication psychanalytique : le petit Oscar, par ce geste suicidaire, récupère l'amour et l'attention de sa mère tout en rejetant la faute sur son beau-père, accusé de n'avoir pas refermé la trappe d'accès à la cave.
Pour corser l'affaire, ce « arrêter de grandir » revêt des significations différentes au fil du livre : Oscar reste-t-il un enfant qui refuse de grandir, autrement dit qui refuse de devenir adulte? Ou bien Oscar devient-il adulte dans un corps d'enfant? Ou bien encore Oscar est-il un nain, un gnome, un nabot ?
Ce qui est sûr, c'est qu'Oscar se met à jouer du tambour après sa chute, après sa décision d'arrêter de grandir. Mais quant à vous dire ce que représente cet instrument sur lequel il frappe sans discontinuer… Son tambour est-il sa voix, sa plume? Représente-t-il l'enfance, l'innocence? Est-il un rempart contre le monde des adultes, contre ce monde étriqué, petit-bourgeois, banalement antisémite dans lequel on va, en famille, voir brûler les synagogues comme on se rendrait au cirque ou au Guignol ? le tambour d'Oscar est-il un antidote au mal et à la violence ordinaires qui sournoisement s'emparent de tout un peuple à l'aube des années trente ?
Il y a également une chose très troublante (s'il n'y en avait qu'une!), c'est qu'Oscar, lorsqu'il est empêché de frapper son satané tambour, se met aussitôt à pousser un cri strident qui a le pouvoir de briser le verre, un cri « vitricide », dont je n'ai cessé tout au long du récit de me demander s'il figurait une allusion à la Nuit de cristal, question qui restera, hélas, comme les autres, définitivement sans réponse.

Plus troublante encore est pour moi la dimension messianique d'Oscar, qui apparaît très tôt dans le roman :
« Cependant – et ici Oscar doit admettre qu'il s'est développé – quelque chose grandissait, et pas toujours pour mon bien, acquérait pour finir une grandeur messianique. »
L'idée d'un Oscar appelé à incarner un nouveau Jésus revient à plusieurs reprises dans le récit. Ainsi, alors qu'enfant, accompagnant sa mère à l'église du Sacré-Coeur, il a l'idée de passer la sangle de son tambour autour du cou d'un Jésus de plâtre, attendant en vain que celui-ci se mette à jouer :
« (…) jouera-t-il, ou bien ne sait-il pas, ou bien n'a-t-il pas le droit ? Jouera, ou bien c'est pas un vrai Jésus. C'est Oscar le vrai Jésus plutôt que celui-là, si celui-là ne joue pas du tambour. »
Ou lorsqu'au sortir de l'adolescence, devenu le chef charismatique d'une bande de délinquants, les Tanneurs, qui se livrent à des actes de violence (allusion à l'incorporation de Grass dans les Waffen SS à l'âge de 16 ans?), il se fait appeler Jésus et s'adonne à une sorte de rite initiatique et blasphématoire dans l'église du Sacré-Coeur :
« Jésus leva l'index comme une institutrice primaire et me donna une mission : « Tu es Oscar, le roc, et sur ce roc je bâtirai mon Église. Sois mon successeur !»
Oscar est-il LE rédempteur, sorte de version parodique et grimaçante de Jésus Christ, celui qui rachète les fautes du peuple allemand? Possible… sauf que l'auteur compare à plusieurs reprises Oscar à Judas, insistant (bien que le terme « insister » chez Grass, qui procède de façon allusive et cryptée, soit très abusif) sur sa faute :
« Était-ce à dire que les myopes y voient plus clair ; que Weluhn, que j'appelle le plus souvent le pauvre Victor, avait lu mes gestes en silhouette noire sur fond blanc, discerné mon acte de Judas, et emporté avec lui dans sa fuite et dans le monde entier le secret et la faute d'Oscar ? »

Il y a aussi les transformations du corps d'Oscar, là encore très troublantes. L'enfant innocent qui s'est arrêté de grandir se mue après la guerre en un homme au corps nanifié, tordu, déformé comme un bonsaï, enlaidi par une bosse qui, là encore, semble devoir revêtir une signification particulière bien qu'à peine suggérée :
« Il avait eu une femme dont la jambe de bois, la gauche je crois, pouvait se détacher ; c'était un peu comme ma bosse, bien qu'on ne pût détacher mon compteur à gaz. »
L'analogie entre la bosse d'Oscar et son compteur à gaz renvoie à n'en pas douter aux chambres à gaz, d'autant que plus tôt dans le roman Grass compare Hitler à l'employé du gaz — « Tout un peuple crédule croyait au Père Noël. Mais le Père Noël était en réalité l'employé du gaz ».
La bosse d'Oscar, excroissance monstrueuse visible à l'oeil nu, symbolise-t-elle la faute de tout un peuple? La faute de Grass seul? Renvoie-t-elle à la question plus vaste du péché originel et de l'expiation ?
« Alors je lui conseillai de voir en moi la faute et en Ulla l'expiation ; ma faute était visible à l'oeil nu ; l'expiation pouvait être costumée en infirmière. »

Je sors de cette lecture avec un profond sentiment d'insatisfaction. Non, insatisfaction est trop faible pour qualifier ce que je ressens. Frustration me semble plus juste. Je ne crois pas avoir jamais lu un texte qui m'ait fait un tel effet. Je l'aurais d'ailleurs abandonné s'il n'y avait eu l'émulation de notre petit groupe. Aussi je tiens à remercier Patrick, à l'initiative de cette lecture commune, Sonia, dont l'entêtement à comprendre un récit qui se dérobe à l'interprétation m'a aiguillonnée tout du long, les consultantes Isa et Mouche, notre germaniste, les fidèles compagnons de lecture Anne-So, Bernard, Chrystèle, Sandrine, ainsi que Marie-Caro et Jonathan.
Nos discussions à bâtons rompus pendant quatre semaines ont conféré à cette lecture languissante un tonus qui m'a permis de tenir, la sauvant ainsi, du moins en ce qui me concerne, du complet naufrage.
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Qui ne connait ce titre, sinon le livre au moins le film qui en a été tiré. Un film dont j'avais gardé un vague souvenir, mais assez marquant pour me donner envie de découvrir le livre. Quand Patounet (Patlancien) a proposé une lecture commune, j'ai sauté sur l'occasion. Bien m'en a pris, C'est LE LIVRE à lire en lecture commune, tellement il est compliqué de comprendre ce que l'auteur a cherché à nous transmettre par ce livre, que voulait-il partager avec son lecteur si tant est qu'il ait désiré partager quelque chose. Toutes ces questions ont généré de nombreux échanges (imaginez, plus de 1200 messages échangés dans le groupe) : beaucoup d'opinions, de suggestions qui se sont confrontées pour mon bonheur et ont grandement enrichi cette lecture.

Oscar, tout jeune, décide d'arrêter de grandir. Cela arrivera pour l'anniversaire de ses trois ans, anniversaire qui sera pour lui l'occasion de recevoir son premier tambour, premier d'une longue série ; je croyais me souvenir, qu'il ne voulait pas grandir à cause de la montée du nazisme, mais non, c'est parce qu'il ne veut pas prendre la suite de son père et tenir le magasin de celui-ci, rejoindre le monde des adultes.
L'auteur nous raconte la vie de la famille d'Oscar, sa grand-mère, sa mère puis Oscar lui-même ainsi que les nombreux personnages qui apparaitront dans son entourage Il parcourt ainsi l'histoire de l'Allemagne pendant la montée du nazisme, la guerre et après, vue et racontée par Oscar, avec toutes les équivoques, les non-dits, les ambivalences, les obscurités induites par l'état d'Oscar, enfant puis homme dans un corps qui reste de la taille de celui d'un enfant.
En alternance avec des passages dans une clinique pour fous, où Oscar est enfermé alors qu'il s'apprête à fêter ses trente ans. Il a toujours son tambour qu'il frappe pour réveiller ses souvenirs et continuer à nous raconter.

Le Tambour est un roman très dense, les chapitres se suivent sans saut de page, il y a très peu de dialogues pour aérer le texte, et si certains épisodes, drôles, vivants, m'ont interpelée, ravie, d'autres m'ont paru très longs. Notamment le livre III qui se passe après la guerre.

L'auteur dans tout le livre raconte par la voix d'Oscar, Il alterne entre le discours à la première personne, Oscar parle en disant je, et à d'autres moments il dit Oscar. Il ne m'a pas été facile de comprendre cette distinction, même si la plupart du temps, elle m'a paru naturelle, et elle aura donné lieu à beaucoup de discussions dans notre groupe.
Les chapitres se suivent, l'histoire fait enfin son apparition à la fin du livre I, et le livre m'a pour la première fois émue, dans son évocation de la nuit de cristal et de la violence et de la tyrannie du nazisme.

Oscar est un personnage difficile à cerner, il garde sa petite taille, mais il vieillit quand même, et son comportement par moments reflète l'âge qu'il a indépendamment de sa taille, parfois il réagit comme un enfant. Là encore, je n'ai pas bien compris ce qu'il signifie pour l'auteur ce personnage qui ne grandit pas. C'est très troublant. Un personnage en plus fortement autocentré, le monde peut s'écrouler autour de lui, ce qui lui importe c'est lui et son tambour.

Il est difficile d'écrire sur ce livre tellement singulier. Il me reste certains passages en tête, des images très fortes par moments. C'est une oeuvre dense, fulgurante par moments, ennuyeuse à d'autres, levant plein de questions, ne donnant pas les réponses. Des personnages auxquels je ne me suis pas attachée, les considérant avec étonnement, incrédulité, sourire parfois mais pas souvent ...

Ce que je retiendrai avant tout de cette lecture ce sont les échanges auxquels elle a donné lieu. Merci à tous mes compagnons sur cette LC : Anna (@AnnaCan), Berni (@berni_29), Chrystèle (@LaHordeDuContrevent), Isa (@Isacom), Jonathan (@JonathanLecuyer), Marie-Caro (@mcd30), Sandrine (@HundredDreams), Sonia (@indimoon) et Delphine (@Mouche307) qui s'est munie de la VO pour nous en partager des extraits.
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J'ai lu « le tambour » de l'écrivain allemand Günter Grass, prix Nobel de littérature, grâce à l'invitation de Patrick (@Palancien) à le rejoindre dans une lecture commune. Sans cela, il est vraisemblable que je n'aurais jamais lu cet énorme pavé toute seule et si par hasard, je l'avais ouvert, il est vraisemblable que j'aurais eu du mal à aller jusqu'au bout sans le dynamisme et la motivation du groupe. Alors merci à tous pour cette lecture riche de la multiplicité de nos regards.

Ce roman est-il si mauvais à ce point ?
Et bien non, justement, et c'est cela qui est étrange, voire paradoxal. le nom de lecture commune n'a jamais aussi bien porté son nom. Après avoir franchi la barre des mille messages tant cette lecture est singulière et particulièrement riche de réflexions et de questionnements, il reste encore beaucoup d'interrogations après avoir refermé le livre.
Par certains côtés, j'ai trouvé ce roman excessivement intéressant, instructif, prenant, mais par d'autres, je l'ai trouvé long et ennuyeux, impénétrable par les multiples interprétations et même parfois inaccessible par manque personnel de références ou par la volonté de l'auteur de rester évasif.

*
A ce propos, alors que Günter Grass s'engage volontairement dans la Waffen-SS à l'âge de 17 ans, Oscar, quant à lui, lui refuse de grandir et de voir le monde extérieur tel qu'il évolue et devient. Troublant.

Le jour de ses trois ans, Oscar décide d'arrêter de grandir pour ne pas ressembler aux adultes. Au rythme du tambour en fer-blanc, il égrène les événements de sa vie pris dans le mouvement de l'histoire allemande.
Ainsi, il raconte les origines de sa famille et retrace, sur environ un demi-siècle d'histoire, une époque effroyable : l'entre-deux-guerres, l'arrivée au pouvoir du régime nazi, la nuit de cristal, les exactions envers les juifs, la défense de la poste polonaise, le seconde guerre mondiale jusqu'à l'entrée des troupes soviétiques à Dantzig, l'Allemagne d'après-guerre jusqu'aux années 50.

De ces pages, me resteront la force évocatrice de certaines images accompagnées d'odeurs entêtantes, persistantes, agressives, qui rendent la lecture immersive : la rencontre insolite de ses grands-parents maternels dans un champ de pommes de terre sous une pluie froide d'octobre ; un papillon de nuit, témoin de l'étrange naissance d'Oscar sous l'éclairage de deux ampoules de soixante watts ; son cri vitricide le premier jour de la rentrée des classes ; la pêche à l'anguille un vendredi Saint ; l'histoire de Niobée, une figure de proue ensorcelée ; l'érotisme déconcertant de la poudre effervescente de son premier amour.

*
Qui est Oscar ?
Je me suis posée la question tout du long de ces presque 800 pages. Jamais un personnage n'aura été dessiné de manière aussi flou et imprécise. Pourtant tout le récit tourne autour de lui, mais l'auteur l'a voulu ainsi, c'est indéniable.
Oscar paraît vouloir se livrer mais en même temps, se cachant derrière les non-dits, des imprécisions qui entretiennent sans cesse le doute et la perplexité. Ce voile, pour moi, ne s'est jamais levé et je suis restée rivée à ce personnage étrange, peu sympathique et malaisant qui se défile comme une anguille quant à sa vie et à cette période sombre de l'histoire allemande.

« … qui parmi les adultes pouvait à cette époque comprendre le mystère d'Oscar, de ses trois ans à perpétuité, de son tambour de fer ? »

Est-il un enfant, un adolescent, un nain, un bossu adulte ?
Est-il un enfant avec des réflexions d'adulte ou un adulte avec un regard d'enfant ?
Est-il resté enfant toute sa vie ou est-il né déjà adulte, porteur d'un regard froid, obsessionnel et distant sur son monde ?
Est-il un simple observateur qui ne prend pas parti, qui ne juge pas ? Est-il un homme qui ne vit que pour lui et se moque du sort d'autrui ? Ou est-il un déséquilibré, un malade mental, un monstre sans émotions ni sens moral, sans empathie ni compassion, un personnage indifférent et insensible à la souffrance et à la mort d'autrui, à la cruauté et à l'inhumanité de la guerre et des hommes ?
Est-il violent, pervers, immoral, sournois, manipulateur ? Ou bien ce détachement est-il sa façon de se défendre, de se protéger de cette époque si violente et barbare ?
Oscar est-il une allégorie ? Et, en ce sens, porte-t-il le fardeau de la responsabilité collective allemande des actes nazis ? Cela pourrait-il expliquer pourquoi Oscar décide de succéder au Christ et de se faire appeler Jésus dans une partie du roman ?
Sûrement est-il tout cela à la fois, un homme aux multiples visages.

« Oscar, c'est-à-dire moi, exprimait expressivement l'image détruite de l'homme, accusatrice, provocante, extra-temporelle, et cependant en communion expresse avec la folie de notre siècle. »

Malgré sa personnalité complexe et son caractère ambigu, Oscar est un personnage fascinant, mystérieux que j'ai adoré suivre dans la première partie du roman. Pourtant, peu à peu, mon intérêt pour lui s'est émoussé, mon attention s'est relâchée, comprenant qu'il me resterait inaccessible, que l'auteur ne me révèlerais pas le fond de sa pensée.

*
Günter Grass entretient également la confusion dans son style, alternant une narration à la première et troisième personne du singulier. J'avoue être restée perplexe sur ce procédé : le changement de point de vue du narrateur donne l'impression qu'Oscar se désolidarise, se dissocie en deux entités, chacune ayant sa propre façon de penser et de se souvenir d'elle-même et de sa vie.
Je me suis même demandée si parfois, le Oscar-adulte ne parlait pas à travers le Oscar-enfant, ce qui aurait pu expliquer pourquoi cet enfant présentait une maturité intellectuelle, langagière et sexuelle.

Après de nombreux échanges dans le groupe, l'explication de l'historien Thomas Serrier m'a convaincue : il y voit un « procédé d'esquive bien connu de Freud et des psychanalystes », le "je" se défaussant constamment sur le "il'' du texte.

Cet éclaircissement, indispensable pour y voir un peu plus clair dans la narration, m'a aussi permis de comprendre mes difficultés à cerner Oscar, d'autant plus qu'est très présent un ton ironique et grotesque, enfantin et faussement naïf qui brouille la ligne de démarcation entre la réalité et la fiction, le vrai et le faux, la religion et le blasphème, l'amour et la haine, l'innocence et la noirceur de l'âme.

Il reste la question du tambour car alors qu'Oscar louvoie entre deux voix / deux voies, il ne fait qu'un avec son tambour. Cette musique rythmée, il m'a semblé l'entendre dans l'écriture scandée de l'auteur, dans ses longues phrases enchaînées par juxtaposition. le tambour semble un prolongement de son corps, c'est sa voix, l'instrument qui lui permet de communiquer.

*
C'est un livre dense, très riche, qui se lit lentement pour sonder le passé d'Oscar, pour en apprécier la langue (ou la traduction), le style verbeux presque suranné, l'écriture distante presque désincarnée, les situations tragicomiques illustrées par des images envahissantes, les odeurs prégnantes, les couleurs qui s'imposent au regard, les sensations fluctuantes.

*
Assez éloigné de mes goûts livresques, moi qui aime les romans plus courts et surtout qui ne me laissent pas avec une impression d'inachevé et de questions laissées en suspens, je dois tout de même avouer que j'ai vécu une incroyable expérience littéraire avec cette lecture commune.
« le Tambour » a été un roman difficile à lire : certains passages m'ont impressionnée par leur puissance visuelle et sensorielle, en particulier dans la première moitié du livre. Son réalisme magique et sa valeur historique auraient pu me séduire, mais mon intérêt a eu du mal à se fixer sur l'ensemble des chapitres.
Un roman singulier, étrange, dérangeant, qui fait réfléchir et ne laisse pas indifférent, mais qui amène de trop nombreuses questions sans réponse.

*
Encore un grand merci à tous mes compagnons de lecture sur cette formidable LC : Anna (@AnnaCan), Sonia (@indimoon), Chrystèle (@HordeDuContrevent), Isabelle (@Isacom), Marie-Caroline (@mcd30), Anne-So (@dannso), Delphine (@Mouche307), Bernard (@berni_29), Jonathan (@JonathanLecuyer), et Patrick (@Patlancien). Rien que pour tous nos échanges, cette lecture valait vraiment le coup.
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Il est des objets, bien qu'inanimés et parfaitement immobiles, dégagent un pouvoir à la fois attractif et repoussant ; d'autant plus que dans le cas présent, le premier contact en fut alléchant et instaura un climat de confiance, qui bien que surfant sur mon enthousiaste naïveté, m'accrocha en me promettant de belles choses.
Il a donc pris place sur le piédestal des objets de confiance, ceux qui t'exfiltrent de l'obscure, parfois fade, nasse qui constitue notre quotidien. Il trônait fièrement sur son trône entouré de coussins et de plaids, lui cette brique d'un blanc polaire. Il aimait attirer les regards, arrogamment, il s'exposait dans son habit éburnéen comme par esprit de contradiction avec son support d'ébène.
Un détail aurait dû éveiller mes soupçons, car vous le pressentez, ce ne fut pas la parfaite histoire d'amour. Sur le plus grand de ses côtés exposés, sa virginité colorimétrique était entachée d'une balafre, une balafre faite de triangles blancs imbriqués dans d'autres triangles, eux rouges : comme un sourire carnassier criant qu'il allait me dévorer, moi l'outrecuidant lecteur qui pensait comprendre les mystères de ce pavé.

Car oui, c'est de ce pavé édité chez Points dont je vais vous parler, le Tambour de Monsieur Grass.
Que cette lecture fut ardue, elle a éveillée en moi des sentiments que je n'avais jamais rencontré en lisant. Je fais partie de ceux qui aiment, quand le support est adapté, chercher le sens des images et des messages cachés par l'auteur et souvent travesti par sa plume, comme un jeu de piste en filigrane de l'intrigue. Et avec le tambour, j'ai douté de moi, de mes facultés à comprendre ce que je lisais. Faisant naître par endroit un désintérêt pour le livre, comme vexé. J'ai mis trente jours pour le lire, attention, je ne suis pas le lecteur le plus vorace, mais je pense que cela constitue un record. Je suis également monomaniaque, je lis un livre à la fois et bien pour la première fois, j'ai entrecoupé ma lecture à deux reprises… Je ne concevais pas l'abandon, je n'y suis pas coutumier et surtout que j'avais été invité par Chrystèle @HordeDuContrevent à participé à une lecture commune. Chrystèle, envoyé comme une apôtre de Patrick @Patlancien, à l'origine de cette machiavélique LC. Je crois bien que cette LC fut une planche de salut, comme un exutoire où tous pouvions échanger nos questions. Car ce livre laisse plus de questions qu'il n'amène de réponse.

Le tambour, c'est l'histoire d'Oscar jusqu'à ses trente ans, raconté par Oscar lui-même depuis son lit d'hôpital dont on ne sait pas réellement la nature ; s'agit-il dans un hôpital classique ou bien d'un établissement psychiatrique ? Après avoir lu le livre, je pencherais pour la seconde option.

Oscar est un narrateur auquel il est difficile de s'attacher, tout d'abord à cause d'un point particulier que je n'ai pas réussi à clarifier, il utilise en alternance la première et la troisième personne du singulier pour parler de lui. Cela m'a perturbé, je ne comprenais pas pourquoi cette alternance, et je n'ai pas compris au final. Pourtant, tout débutait bien, Oscar racontait son histoire non pas depuis sa naissance, mais depuis la rencontre entre ses grands-parents le jour de la conception de sa mère. Ce premier chapitre était comme une première dose qui était faite pour me rendre accro, une histoire burlesque racontée comme un conte. Je me souviens même au début avoir trouvé une ressemblance avec « cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez, dans le ton et le style. Une quantité de détails parfois inutiles, mais qui confine au grotesque et assoit ce côté conte.

Puis le sentiment s'est estompé, au fil des chapitres, ou toujours en quête de trouver un sens, je me perdais dans mes réflexions. Au moment où je pensais avoir trouvé un sens à ma lecture, aussitôt le chapitre d'après, toutes mes certitudes s'effilochaient, retour au point de départ : où veut me mener l'auteur ? Puis vint le temps de la reddition, je m'avouais vaincu, je me contentais de lire ce que j'avais sous les yeux, des fois perdus dans mes pensées. Par moments, un chapitre me choppait, pour des raisons variées, le thème, les personnages, la péripétie.
Car au final, j'ai eu presque le sentiment de lire chaque chapitre comme une nouvelle inscrite sur une ligne temporelle chronologique.
Et dans le Tambour, vous allez en croiser des personnages, une foultitude, bigarré, comique, caricaturaux, loufoque, excentrique, mais jamais lisse. Même dans la mort, il y a toujours quelque chose de grotesque.
Je m'égare un peu, je vous disais qu'il était difficile de s'attacher à Oscar, pas seulement pour ce que j'ai évoqué plus haut, également pour le personnage en lui-même, une sorte d'anti-héros. Il n'a pas une moralité des plus saines notre tambourin, loin de là. Au cours de son histoire, il rencontrera un personnage nommé Bebra, tout comme Oscar un nain, il le considérera comme son maître. Ils se croiseront à plusieurs reprises et à la dernière ce fameux Bebra adressera à Oscar une diatribe, que j'ai trouvé particulièrement acerbe récapitulant ces méfaits majeurs. Ça faisait presque plaisir de le voir se faire tancer, lui qui n'a jamais voulu grandir, se réfugiant dans une sorte de jeunesse éternelle pour ne pas faire face à ce qui le dérangeait.

Bien évidemment, vous ne l'ignorez pas, c'est inscrit sur la quatrième de couverture, Oscar à refusé de grandir pour ne pas devenir adulte et se confronter aux problèmes ; il est resté physiquement un enfant de 3 ans. Mais il grandira à un moment donné, comme s'il avait enfin décidé qu'il était temps de vivre sa vie d'adulte. Cependant, il gardera des séquelles sous forme d'une bosse, comme un fardeau.

Il aura une vie riche en événement, des échecs, des réussites. Il ne faut pas oublier que le roman se déroule à l'époque de la Seconde Guerre mondiale et son après. Gardons à l'esprit que l'auteur est allemand et contemporain de l'époque, sans doute donc une vision bien différente de la nôtre français.
D'ailleurs, la transformation physique d'Oscar, sa croissance éclair interviens après la fin de la guerre, comme un symbole du nouveau départ de l'Allemagne, mais qui garderas des traces : la bosse. Il y a certaines images fortes et des thèmes qui sont chers à l'auteur, notamment la religion qui en prend pour son grade, c'est de ce côté où j'ai trouvé certains angles intéressants.

Puis le chapitre qui m'a aidé à considérer que notre Oscar était un poil fabulateur sur les bords et le chapitre écrit pas Bruno. L'ensemble du livre est écrit depuis le pdv d'Oscar sauf un unique chapitre ou parce qu'il a les doigts gonflés ce jour-là, c'est Bruno qui couche sur papier les souvenirs d'Oscar. Son infirmier amène ses propres commentaires au récit et on comprend qu'Oscar, enjolive, ment, omet et parfois par méconnaissance se trompe dans ses souvenirs. Un coup de pied dans le château de cartes en somme, ou tu comprends qu'au final que ton narrateur te mène en bateau.

Au final, beaucoup de frustration avec cette lecture, mes camarades ont produit des critiques beaucoup plus éloquentes que la mienne et je vous invite à aller les lires. Je suis ressorti lessivé, ou comme je le disais ce matin au groupe de la LC, desséché ! Cependant, je tiens à souligner la qualité du travail de l'auteur, car écrire un tel pavé aussi riche d'informations est prodigieux, le tout souligné par une plume fantasque.

Cette chronique vient clore une lecture que je ne suis pas prêt d'oublier, pas pour les mêmes raisons qu'un coup de coeur, mais c'est une lecture qui laisse des séquelles, tout comme la bosse d'Oscar, j'aurais désormais cette bosse dans ma bibliothèque. Puis cette lecture fut ma toute première lecture commune ce qui fera de ce livre un événement dans ma vie de lecteur.

Je remercie donc mes camarades, en plus de Chrystèle et Pat nommés plus haut, Anna (@AnnaCan), Anne-So (@dannso), Bernard (@berni_29), Delphine (@Mouche307), Isa (@Isacom), Marie-Caro (@mcd30), Sandrine (@HundredDreams), Sonia (@indimoon).
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Gunter Grass écrit ceci : « Ce serait trop simple si l'on pouvait ramasser dans un chapeau toute blancheur, la mettre dans une armoire. On pourrait dire la même chose du noir ». Je suis entièrement d'accord avec lui. Dans la vie tout n'est pas tout noir, ni tout blanc (ou rose si vous préférez …). Pourtant, ici, dans « le tambour », je dois avouer avoir eu beaucoup de difficultés à trouver un peu de couleur, un peu de lumière, un peu d'air, un peu d'espoir.

Il y a d'abord, bien sûr, l'époque, celle particulièrement nauséabonde d'avant la deuxième guerre jusqu'aux lendemains misérables de celle-ci. Puis l'endroit, cette terre kachoube, coincée entre l'Allemagne protestante et la Pologne catholique, à la frontière entre peuples slaves et peuples baltes. Cette terre grise et plate, sous le ciel gris et lourd, avec à l'horizon cette mer grise et froide.

Et enfin il y a le microcosme où Oscar, le narrateur, grandit, un monde de travail, de peine je devrais dire, avec si peu de joie et si peu d'amour, … Un monde étriqué, coincé entre paysannerie et petite bourgeoisie provinciale.

Voilà pour le décor. Passons aux personnages. D'abord les seconds rôles: la mère qui entretient une relation adultère avec le cousin sous la table (au sens propre), le dit cousin Jan, exemple de lâcheté et d'hypocrisie qui mourra avec le sept de pique dans sa main (qui signifie au tarot « un manque d'opportunisme et prévient des dangers liés à l'attentisme et à l'immobilisme »), le père officiel Matzerath, nazi du dimanche matin qui ne se montre différent, voire sensible, que par son occupation favorite, la cuisine …. Et puis, Greff, l'ami de la famille, le marchand de légumes roublard à la petite semaine et chef scout grand amateur de grand air, de jeunesse et de chair fraîche. Sa femme, la mère Greff qui git dans sa couche fétide. Et aussi, Bruno, l'infirmier, qui épie Oscar avec son regard de poulpe éteint. Et les amis d'Oscar qui le visitent dans son hôpital psychiatrique, « ceux qui veulent le sauver, ceux que ça amuse de l'aimer, qui ont besoin de lui pour s'estimer, s'honorer, se connaître eux-mêmes ». Aucun de ceux-ci ne m'est sympathique. Tout au plus peut-on saluer le courage de Matzerath qui ne livra jamais son prétendu fils aux autorités sanitaires nazies. Mais bon quel père aurait livré son enfant ?

Et puis il y a le héros, mais peut-on vraiment parler de héros dans ce roman-ci ? Disons plutôt le personnage principal, le premier rôle. Oscar … Eh bien il m'a donné beaucoup de mal, l'Oscar … Il est le narrateur de ce roman particulier, mais, de temps en temps, il parle de lui à la troisième personne sans qu'on s'y attende (en tout cas moi je n'ai pas compris le mécanisme, la raison qui le fait tout à coup parler de lui à la troisième personne).

Oscar a décidé (ou croit avoir décidé ? pour moi ce n'est pas clair … accident ou pas ? Notre narrateur est tellement fantasque, imprévisible, peu fiable) à trois ans de ne plus grandir. Déjà j'ai eu du mal avec ça, car je me souviens que lorsque j'étais enfant, je n'avais qu'une envie : devenir grande, adulte quoi. C'est vrai qu'à l'adolescence ma motivation s'est estompée, mais j'avais dépassé l'âge de trois ans depuis belle lurette.

Vous me direz que c'est une fable, ok… Mais ce refus de grandir à trois ans me trouble malgré tout. J'y ai décelé une revendication à l'attention, pour ne pas dire un appel à la douceur, à la compassion, voire à la tendresse, qu'Oscar recherchera chez les infirmières toute sa vie.

J'y ai lu aussi une certaine lâcheté, une volonté de ne pas quitter l'abri chaud et réconfortant des jupes de la grand-mère, ou plus tard l'hôpital psychiatrique loin du monde extérieur froid et inhospitalier.

Le propos est très égocentré, très nombriliste. Les scènes sont très détaillées, souvent trop (en tout cas à mon goût), avec un style lourd et embrouillé. Certaines scènes sont complétement fantastiques, comme ce jeune homme tué par une femme de bois, le dialogue d'Oscar avec Jésus, sans parler d'une fascination pour les cadavres. Oscar prétendra aussi être responsable de la mort de ses pères. Et sur la fin, il sera obsédé par une énigmatique sorcière noire (symbolisant la culpabilité, la solitude, la mort, la folie ????). Difficile donc de suivre ce personnage hors du commun, difficile de l'appréhender, de le comprendre, de l'aimer, même juste un peu.

Et pourtant le roman en lui-même réserve de bonnes surprises, des scènes sublimes (j'ai envie de dire géniales) comme celle de la pêche à l'anguille dans la Baltique (âmes sensibles s'abstenir), ou la mise en scène du suicide du commerçant véreux, ou la dégustation originale de la poudre effervescente à la framboise. Ou encore le tambour d'Oscar qui fausse la cadence des fanfares nazies, la fabrication d'un château de cartes en plein bombardement, la destruction d'une chambre d'enfant sous le feu des obus …

Et puis aussi c'est un merveilleux monde olfactif, un voyage au pays des odeurs (on ne parle pas assez des odeurs dans les romans je trouve et c'est fort dommage). En vrac : odeur de beurre rance qu'Oscar respire sous les jupes de la grand-mère, odeur de l'huile à sardines de sa mère d'Oscar, odeur de cannelle, clous de girofle et muscade de Roswitha, la maitresse d'Oscar … sans oublier l'odeur de désinfectant qui colle à la peau de Fajnol, le Juif rescapé employé à la désinfection des camps de la mort …

Comme Graff, j'aimerais parfois que les choses soient plus simples. J'aimerais dire simplement « j'ai adoré » ou « non, je n'ai pas du tout aimé », après une lecture. Mais ici, je suis incapable de prendre position. Je peux juste dire que ce roman m'a troublée, peut-être même qu'il m'a dérangée … Et c'est peut-être beaucoup plus intéressant comme ça, tout en nuance, non ?

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Faire une critique de ce livre n'est pas chose aisée tant cette lecture aura été longue, mitigée au début puis de plus en plus prenante.

J'ai mis du temps au début à "entrer" dans ce roman à l'atmosphère très burlesque par certains aspects. L'histoire dans les grandes lignes : dans l'Allemagne des années 20 aux années 50, un enfant décide d'arrêter de grandir physiquement à l'âge de 3 ans et ne se sépare jamais de son tambour.

Il s'agit d'un sacré pavé de plus de 600 pages dont il est pratiquement impossible de sauter ne serait-ce qu'une ligne sous peine d'être perdu ! Les phrases sont très longues et alambiquées. Ce qui explique en partie le temps qu'il m'a fallu pour lire ce livre : j'ai souvent du revenir sur certaines phrases. Cette lecture nécessite une concentration assez forte (ce n'est pas un Marc Lévy ...).
Au début j'ai eu beaucoup de mal à accrocher, le style m'a un peu déroutée. de plus Oscar, le narrateur est un personnage complexe, qui par ses actes n'est pas particulièrement attachant. Son cynisme m'a néanmoins beaucoup plu !
Et... au fur et à mesure de ma lecture j'ai su apprécier le livre à sa juste valeur. C'est un livre très original qu'il faut replacer dans son contexte (écrit en 1958) et qui mêle les genres, ce qui peut dérouter je l'admet. Mais une fois qu'on est plongé dans cet univers on en revient pas facilement !

Ce roman mérite amplement ce statut de livre incontournable de la littérature allemande. Certaines scènes valent le détour : la chute de la Poste polonaise, la "performance musicale" d'Oscar lors d'un meeting du parti Nazi ...
Des passages frôlant le surréalisme m'ont malgré tout laissé dubitative, je crois que c'est les seuls moments du livres où je me suis un peu ennuyée.

C'est une lecture qui me faisait peur par son statut de livre "incontournable" et donc que je repoussais depuis pas mal de temps mais je suis contente d'avoir franchi le cap !

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C'est un roman difficile. C'est un roman majoritairement narratif. Il y a peu de dialogues. C'est un roman introspectif et fictionnel. C'est un roman adapté au cinéma par Volker Schlöndorff en 1979.
Oscar est un garçon de 94 centimètres depuis l'âge de 3 ans. Il refuse de grandir et joue du tambour. Il raconte sa vie de sa naissance jusqu'au verdict de sa culpabilité dans une affaire de doigt sans corps trouvé par un chien qu'il avait loué. Il peint sa famille - de ses grands-parents à son fils présumé sans omettre ses deux pères - avec un humour parfois poignant. Il décrit la société de Dantzig, ses mutations après les événements rattachés à la seconde guerre mondiale, ses amis. Il y a Bebra, son maître pas plus grand que lui et sa compagne Roswitha issus du monde du cirque. Auparavant, il y a eu le révérend Wiehnke, confesseur de la mère d'Oscar. Et d'autres tirés d'une galerie de personnages étonnants.
Original et curieux.
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Quand on a un gros truc qui pèse sur la conscience, habituellement on va voir un prêtre. Ou on fait une psychanalyse. Ou on se réfugie dans l'alcool ou la came. Gunter Grass, lui, écrit un bouquin. Son problème, c'est qu'il s'est engagé dans la Waffen-SS, ces troupes paramilitaires qui « nettoyaient » les terres nouvellement conquises par les armées du Reich. Avec un tel fardeau, le résultat ne pouvait qu'être curieux. Faute de pouvoir avouer publiquement son traumatisme, il fait le clown, sous les traits d'Oscar, son double romanesque. A tel point qu'il s'auto-flagellera sous le masque de Jésus. Voilà ma tentative personnelle d'explication rationnelle d'un roman qui ne l'est pas.
Le peuple allemand d'après-guerre se reconnaitra dans cette tentative de rédemption. Plus surprenante sera la réaction de la critique littéraire, qui a encensé cet ensemble de farces et bouffonneries. Il faut dire que dans les années 50, l'intelligentsia européenne s'ennuie ferme (cf les débats « passionnants » entre Sartre et Camus). Pourquoi pas un retour libérateur dans la fange populaire ? Quel bain de jouvence de retrouver Rabelais et Cervantes sous la plume d'un écrivain allemand ! Quelle audace littéraire que de décrire les pantalonnades de ce nain ! Quelle merveilleuse façon de suggérer l'horreur de ce conflit !
Personnellement, au-delà de son indéniable originalité, je trouve le récit inégal. Certaines scènes sont très réussies (l'entrée des troupes russes dans Danzig est par exemple à la fois hilarante et dramatique) ou émouvantes (la mort de la mère d'Oscar). D'autres plutôt ridicules (Jésus qui joue des baguettes sur le tambour d'Oscar ?). Reste que son roman a inspiré – c'est eux qui le disent - des écrivains tels que Garcia Marquez, Irving ou Vargas Llosa. Ou d'autres qui ne l'ont pas dit comme Tournier ou Murakami. La seule escroquerie de GG aura été finalement de s'être fait ensuite le héraut d'un humanisme moderne alors qu'il n'était pas le mieux placé pour donner des leçons de morale et de bonne conduite.
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Ce livre est le premier tome de : « La trilogie de Dantzig ».
Oscar, un homme, est dans un « institut » (nous finirons par savoir de quel type d'établissement il s'agit et pourquoi il se trouve là) et va de chapitres en chapitres égrener ses souvenirs, comme une autobiographie.
Nous allons découvrir son histoire mais aussi celles de ses grands-parents, de ses parents ainsi que celle de l'Allemagne aux alentours de la seconde guerre mondiale mais attention, ce n'est pas une fresque historique, nous ne voyons que le point de vue, le ressenti d'Oscar.
Oscar a refusé de grandir (il a imposé sa volonté à son corps) et a gardé la taille d'un enfant de trois ans, son esprit est lui, vif, alerte, observateur et son tambour, fil conducteur, est le seul élément de sa vie qu'il conserve jalousement et qui va, en quelque sorte, par ses roulements, cadencé le récit.
Trois choses m'ont parfois un peu gênée :
L'utilisation de l'imparfait du subjonctif et de beaucoup de passé-simple :
« Nous souffrions que les répétitions ne durassent que deux heures… »
Le fait qu'Oscar (le narrateur) parle de lui-même parfois en disant « je, me, moi», parfois en disant
« Oscar », et cela peut arriver dans une même phrase… (Exemple : « Si désagréable que fût pour Oscar l'odeur du vinaigre, le fait que Soeur Dorothée perdait ses cheveux ne m'inspira qu'une floraison … »)
Certaines phrases longues, longues … alambiquées qui, à mon sens, alourdissaient ma lecture, ralentissaient le rythme et entraînaient une certaine lassitude chez moi.
En revanche, j'ai beaucoup apprécié :
La découverte de l'Allemagne, des événements de la vie d'Oscar, à cette époque, à travers le regard du narrateur, parce que cette approche a un côté un peu « loufoque »,
Les « rencontres » d'Oscar avec divers personnages, cocasses, apportant un peu d'ironie dans l'expression de l'auteur.
Globalement une lecture que je ne regrette pas, malgré quelques longueurs et qui me donne envie de visionner le film éponyme.
PS : J'ai découvert qu'une nouvelle traduction avait été faite. Il me semble, malgré le court extrait que j'ai pu en lire que la lecture est considérablement allégée.
Aussi, je conseille aux jeunes qui voudraient se lancer dans la découverte de ce roman, de choisir cette nouvelle version (traducteurs (en 2009): Jean Amsler et Claude Porcell au lieu de Jean Amsler seul)

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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Histoire d'un enfant et d'un homme et d'un nain,
Né en Pologne à Dantzig dans les années vingt,
Le Tambour est tourné en autobiographie.
Oscar Matzerath est l'auteur de ce récit,
Personnage étonnant qui ne veut pas grandir,
Diablotin étonnant qui surjoue la satire.

Surréaliste, absurde, décrivant tour à tour,
Les horreurs de la guerre, les erreurs de l'amour,
En trente ans environ Günter Grass nous relate
La conception d'Oscar, ses deux pères, ses deux mères,
La montée du nazisme et l'ambiance au cimetière,
Le combat de la Poste et le cirque à la hâte.

Oscar le musicien, au fil de l'aventure,
Garde la passion d'un seul être, d'un seul objet :
Le tambour, qu'il remplace au gré de ses brisures.
Jouant pour oublier ou pour faire exister,
Capable par sa voix de briser les fenêtres,
Page après page il est son unique et seul maître.

Les autres personnages ? Figurants dans sa vie :
Sa mère alanguie, son père, cuisinier, nazi,
Ses amantes toujours éphémères et bizarres,
Ses amis qui l'acceptent en Jésus combinard,
Mais tout l'indiffère, sa présence écrase tout,
Et pendant 800 pages Oscar est à la proue.

Vous l'aurez deviné, amis lecteurs du jour,
Je n'ai pas aimé ce grand roman, le Tambour.
Trop étrange, décousu et gratuit, c'est un long
Défilé de faits qui se suivent sans raison,
Ne laissant derrière eux que le sillon d'un fil
Qui conduit peu à peu Oscar jusqu'à l'asile.

Peut-être aurais-je dû lire d'une autre humeur,
Pour goûter ce cocktail de joie et de malheur,
De vie et de mort, de logique et d'imprévu,
De bien et de mal, de très su et d'inconnu,
Que Günter Grass présente avec certain génie
Comme étant le reflet du hasard de nos vies.

Émilie – Apprentie Bibliothécaire
Lien : http://www.paulinedeysson.co..
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