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Citations sur Léviathan (116)

Quelle atroce ordonnance régissait le monde ! Sûrement, il y avait sur cette terre des prés verdoyants, des forêts où l'on pouvait se cacher et se perdre, des femmes jeunes et belles qui l'auraient aimé peut être, mais une nécessité haineuse isolait les êtres, fermait les portes, s'amusait à pousser dans une rue ceux qui dans la rue voisine eussent trouvé le bonheur, à faire naître les uns des années trop tôt, les autres trop tard. La pensée que le bonheur, son bonheur, était quelque part en ce monde et qu'il n'en savait rien le mettait hors de lui.
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Un plaisir singulier le retenait là, le plaisir de contempler cette femme et de mesurer la distance, d'année en année plus grande, qui le séparait d'elle. Rien en elle ne lui plaisait, ni son visage, ni son corps, ni son amour. Elle était humble devant lui, mais il préférait à cette soumission le dédain et la cruauté d'Angèle; elle l'aimait sans rien soupçonner de ses trahisons, pourtant cette ignorance et cette simplicité n'excitaient que son mépris. Et il se demandait, avec la même surprise chaque fois, comment il avait pu l'épouser. Là encore, la vie s'était jouée de lui; Sans doute cette femme avait été jolie; il se rappelait encore ce visage pur que les soucis avaient ravagé, ce corps frais et blanc brisé par le travail. Quelque chose aurait dû l'avertir qu'elle perdrait vite ses attraits, que six ans à peine suffiraient à la rendre laide et ennuyeuse. (...)
Alors une telle horreur de son existence le prit, un tel dégoût de lui-même et du monde, qu'il se retira dans sa chambre et cacha son visage dans ses mains. En ce moment, il lui sembla qu'il touchait souffrir encore, mais souffrir plus lui paraissait impossible.

Première partie
Chapitre XI
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Sur ses joues rosies par le vent, et, sans doute, par une émotion mal contenue, les cils de ses paupières baissées dessinaient de longs arcs noirs et ajoutaient à son jeune visage le charme d'une expression réfléchie et mélancolique. jamais elle n'avait paru plus belle que dans la lumière atténuée de cet après-midi d'automne. L'attache du cou avait encore la fragilité de l'enfance; dans tous ses gestes, une certaine gaucherie donnait l'impression étrange d'un être que la vie aurait mûri trop tôt et qui conserve au fond de soi, comme un trésor secret dont il ignore la présence, la brume et les incertitudes des premières années.

Première partie
Chapitre VIII
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Quelle atroce ordonnance régissait le monde ! Sûrement il y avait sur cette terre des près verdoyants, des forêts où l'on pouvait se cacher et se perdre, des femmes jeunes et belles qui l'auraient aimé peut-être, mais une nécessité haineuse isolait les êtres, fermait les portes, s'amusait à pousser dans une rue ceux qui dans la rue voisine eussent trouvé le bonheur, à faire naître les uns des années trop tôt, les autres trop tard. La pensée que le bonheur, son bonheur, était quelque part en ce monde et qu'il n'en savait rien le mettait hors de lui.

Première partie
Chapitre V
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Le firmament apparut tout d'un coup comme s'il pénétrait dans la pièce et la remplissait de ses étoiles, de sa nuit. L'homme tourna la tête malgré sa tristesse et regarda; brusquement quelque chose lui fit battre le coeur, un élan confus vers cette immensité silencieuse qui semblait l'appeler à elle. Après le bruit des paroles humaines, quelle paix dans la profondeur de ce ciel noir !
"Oh ! être heureux ! " pensa-t-il comme s'il n'eût, jusque-là, jamais ressenti la force de ces mots.

Première partie
Chapitre IV
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(...), son âme insatisfaite retrouvait le néant au sein même de sa victoire. Elle avait en effet ce qui prend la place de l'intelligence chez les êtres d'instinct : une divination profonde des gens et des choses qui empoisonnaient son bonheur sans lui donner la force d'y renoncer, et elle tombait dans des accès de mélancolie où sa vie entière se consumait lentement.

Première partie
Chapitre III
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Pourtant, elle irait se poster à l'endroit qu'elle avait choisi ; sa raison avait beau lui dire qu'elle perdrait son temps : de quel secours la raison était-elle jamais dans les grands moments de la vie ?
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La veille, elle était sortie sans savoir où aller, marchant, courant dans la campagne, tantôt abattue et près des larmes, tantôt transportée à la pensée d'un bonheur possible, de quelque merveille que le lendemain lui réservait peut-être. Avec la naïveté d'une enfant, elle mettait toute sa confiance dans un avenir immédiat, bien que journellement l'avenir démentît ses promesses d'hier ; au destin responsable d'un passé sans joie, d'un présent abominable, elle pardonnait tout - il le fallait bien - pourvu qu'il lui laissât cette foi rageuse que léguait dimanche à lundi, lundi à mardi, et ainsi de suite jusqu'au jour où on la visserait dans une boîte noire, elle et les extravagances de son pauvre coeur.
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Etrange parcimonie du temps qui répartit nos maux sur les heures et ne nous en donne qu'un peu à la fois comme pour ne pas nous tuer trop vite. "
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Comme Guéret refermait derrière lui la porte du restaurant, une pensée lui vint à l'esprit, une pensée familière qui le visitait depuis des années, dans des moments de grand trouble : "C'est le destin, c'est mon destin". Et cette constatation le rassurait, comme tout être faible est rassuré lorsque son sort est mis entre les mains d'une puissance supérieure, même s'il doit en souffrir, même s'il doit perdre la vie. Désormais, il n'aurait plus rien à décider de lui-même ; les événements, bons et mauvais, se produiraient tout seuls. Puisque cette femme insistait pour qu'il revînt chez elle, il reviendrait, et il voyait là un signe, la marque d'une volonté mystérieuse qui présidait à son existence.
Le matin même, en serrant dans sa poche la bague qu'il destinait à Angèle, une joie stupide l'avait saisi tout d'un coup. S'il réussissait après tout ? Jusque là il n'avait pas cru que cela fût possible ; quand il désirait trop vivement quelque chose, en effet, il était sûr de ne jamais l'obtenir ; la vie lui avait appris cela, mais, pendant une brève minute, sans raison, il avait cru au succès, il s'était dit : "Même si elle ne m'aime pas, elle comprendra que je souffre trop." Et les longues heures d'anxiété lui avaient paru n'être plus rien au prix de cet instant où le bonheur semblait se rapprocher de lui.
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