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EAN : 9782843048111
160 pages
Zulma (04/01/2018)
3.51/5   176 notes
Résumé :
C’est l’histoire d’un vieil homme, au matin de Pessah, la Pâque juive, qui se remémore cette nuit si particulière qui a ponctué sa vie. Mais cette nuit-là est vraiment différente, car pour la première fois, la fête se fera sans son épouse, décédée il y a peu. Les souvenirs s’enchaînent, entremêlant ces nuits… nous emportant dans cette famille haute en couleur qui chaque année rejoue à huis clos et à guichet fermé une comédie drolatique dont elle a le secret – avec s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (61) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 176 notes
Petit livre bijou poignant sur le thème ô combien douloureux du deuil et de la transmission, « Cette nuit » de Joachim Schnerf, se lit lentement pour en déguster toute la beauté.

Ce soir, cette nuit, Salomon reçoit comme chaque année sa famille, repas de fête pour le premier soir de Pessa'h, célébrant la sortie d'Egypte, événement fondateur de l'identité et de la culture juive. Sauf que sa femme, celle qui a été à ses côtés durant un demi-siècle n'est plus là. Décédée depuis peu, laissant le vieil homme hagard, hébété, perdu. Dans cette attente de l'arrivée de la famille, dans cet entre-deux, les pensées de Salomon pour son épouse, germent, poussent, se ramifient, apportant des touches de couleurs en clair-obscur à cette tristesse et cette solitude sans nom, encombrantes fleurs du souvenir serties de feuilles douces et d'épines comme autant de bons et mauvais moments passés ensemble, souvenirs de vie commune douce et d'horreurs que seule elle connaissait…

« Je me demande où Sarah se trouverait en ce moment. Sans doute en train de marcher discrètement dans la pièce, essayant de se préparer sans me réveiller. Ses pieds effleuraient les lattes du parquet, ils caressaient le sol sans fausse note. Je me demande mais je sais que Sarah est partout. Sarah. J'aime murmurer son nom, j'aime la murer dans mes pensées pour empêcher l'oubli d'effectuer ses rondes. J'enroule ma femme dans nos tapis, dans nos rideaux, je démembre son image pour qu'aucun nazi ne puisse la rafler tout entière. Je remplace les abat-jour par ses prunelles bleutées, les oreillers par ses mains accueillantes ».

Cette nuit sans elle sera-t-elle différente des autres Pessa'h ? En quoi sera-t-elle différente ? Salomon imagine les questions du petit-fils lors de ce repas, petit bonhomme qui ressemble tant à cette grand-mère disparue.

« Samuel sera assis à ma gauche, j'entends déjà retentir la voix hésitante de mon petit-fils -Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? – Ses yeux me fixent, il me supplie de répondre en entamant un imperceptible basculement d'avant en arrière. Et les yeux de sa grand-mère entre les cils de l'enfant – Pourquoi cette nuit sans mamie ? – Sarah que j'ai aimée chaque jour davantage depuis notre rencontre, un amour façonné au rythme des rides se creusant, gravé dans nos chairs comme un sillon qui prolonge le regard. Ses yeux bleus et ses longs cils dont Samuel a hérité ».

Incroyable livre sur le deuil de la personne aimée, avec laquelle un long chemin de vie a été parcouru, plongeant chacune des cellules dans la mort, accélérant parfois le déclin de la personne restée seule, pense-t-elle cette personne dans un premier temps tant la douleur est insupportable. Ce deuil tellement difficile à partager, les gestes d'émotion que Salomon n'aura pas su faire envers ses proches, pas même à l'enterrement, figé dans son émotion, la retenue, les remords, ces sentiments qui dans cette attente crépusculaire sont revisités. Comment se comporter pour faire bonne figure ? « Il faudra que je mime une sérénité de père de famille, je ne veux pas paraitre terrassé par la tristesse »… Comment composer avec ce corps dont chaque membre est devenu froid même à la base du cou…

« La base du cou. C'est là que Sarah déposait l'extrémité de son nez quand elle se couchait. le bout de son nez glacé en toute saison qu'elle aimait frotter contre mon torse, remontant ensuite vers le haut du cou où elle se lovait pour s'endormir ».

Le repas se passera permettant à Joachim Schnerf de dresser le portrait touchant et grinçant d'une famille ashkénaze. Salomon aura réussi malgré tout, aura été soutenu par sa famille. Une fois seul de nouveau, comme chaque nuit depuis la mort de son épouse, il attendra un instant avec « le secret espoir qu'on vienne me border ».

Dans cette cérémonie solitaire du coucher si difficile pour la personne restée seule, j'aurais eu envie de rester avec ce vieil homme qui m'a émue aux larmes, lui tenir la main, lui dire à quel point j'ai aimé ce moment de lecture passé en sa compagnie et comme j'aurais aimé rester plus longtemps avec lui. Un petit bijou d'humanité.
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Une très belle découverte.
Lu cette nuit, une nuit sans sommeil.
J'ai rejoint l'appartement de Salomon et de Sarah, j'ai ri, j'ai partagé l'intimité de leur famille et me suis allègrement assise à leur table, les nuits de Pessah, la Pâque juive.
Je me suis laissée emportée par Salomon, narrateur drôle et bouleversant qui, endeuillé, prépare la prochaine nuit de Pessah. Pour la première fois depuis cinquante ans, cette nuit se passera sans sans son épouse, la belle et douce Sarah. Il imagine la tournure que va prendre cette soirée, et nous régale de ses souvenirs, des souvenirs des précédentes fêtes de Pessah avec ses beaux-parents, avec Sarah, avec ses filles puis ses petits-enfants. Les souvenirs des camps ne sont jamais bien loin, conviés dans les blagues de Salomon. En rire. Un humour féroce, un humour vêtu de noir, décalé peu apprécié autour de lui, pour parler de l'horreur, pour ne jamais oublier. Pour en découdre avec l'oubli.

« Et je l'entends grogner, « Pourquoi les Nazis, encore ? » Elle en avait assez de cette Shoah permanente, mais est-il seulement possible de faire le deuil d'une plaie mémorielle ? Infiniment elle s'infecte, elle pullule de sarcasmes. Alors , le dimanche après-midi, je m'éloignais jusqu'au café d'en bas où la guerre des camps faisait rage entre amis rescapés, notre Café-Shoah où je pouvais rire librement : « ... ton Struhof, une cure vosgienne financée par cette foutue sécu...et les douches de Bergen-Belsen, du luxe comparées aux thermes de Baden-Baden... » Nos peurs les plus profondes se mélangeaient à nos larmes railleuses, nécessaires. »

J'ai été émue, parfois aux larmes, par ce roman empreint de tendresse, de pureté, de justesse.
Un roman sur le deuil, sur les relations parents-enfants, sur la famille, sur les traditions, les relations humaines, sur la Shoah et sur l'amour.
L'écriture est belle, sensible, poétique, fluide, addictive.
Magnifique ! Bouleversant, attachant et drôle !

Merci aux bibliothécaires des médiathèques de la ville dans laquelle je vis, pour et leur talent à mettre en avant des pépites et partager leur passion.

« Comme à Shabbat, comme à chaque fête, la prière qui clôt le repas débute par ce psaume que toute la famille récite par coeur, l'histoire des rêveurs aux bouches remplies de joie, aux langues pleines d'allégresse. « D'ieu a ramené les exilés comme des ruisseaux, et nous a ainsi faits rêveurs. Celui qui marche en pleurant revient en chantant, il plante ses semences en larmes et récole dans la joie. de ces deux moments naît le songe, d'une larme, puis d'un rire. » »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Traditionnellement le repas de fête consommé le premier soir de Pessah commence par cette formule rituelle: " Ma nichtana halaïla hazé mikol haleïlot " ( En quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits )

Cette nuit Salomon reçoit comme d'habitude sa famille pour célébrer le seder de Pessa'h qui célèbre la sortie d'Egypte, repas fondateur de l'identité juive et modèle même de la transmission. Mais ce matin il se réveille hagard et angoissé. Celle qui l'a accompagné et aimé pendant un demi siècle n'est plus près de lui. Sarah n'a pas été embarquée par les nazis, non, elle est morte depuis peu, le laissant affligé et totalement déboussolé.
En attendant l'arrivée de sa fille qui va l'aider à préparer la fête, Salomon pense à son épouse et tout en se souvenant du seder de l'année précédente, imagine celui de ce soir.
En quoi cette nuit sera-t-elle différente des autres ?

A travers le portrait légèrement grinçant d'une famille ashkénaze de Strasbourg , Joachim Schnerf aborde de façon sensible et tout à fait originale - au rythme de la Haggadah - les thèmes du deuil et de la transmission.
Salomon ne peut pas parler à sa famille des horreurs qu'il a vécues et de sa souffrance, si immense que seul celui qui l'a connue peut la comprendre. Il ne peut l'évoquer que sous la forme de blagues avec ses amis du "café-Shoah", probablement pour protéger les siens d'une réalité trop effroyable pour être dite. A l'heure où les rescapés de la Shoah sont en train de disparaître, où une mémoire s'éteint, le silence gagne et la question de la transmission se pose parfois cruellement.
J'ai terminé ce roman avec le regret de quitter trop vite ce vieil homme si attachant et profondément émouvant qui m'a offert un très beau moment de lecture !
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Jolie histoire, fort bien écrite, touchante, justement dosée entre humour, amour et mélancolie.
Malheureusement, j'ai lu ce livre dans des circonstances (salles d'attente, transports...) où la concentration qu'il méritait a souvent été détournée et j'avoue avoir laissé mon attention décrocher à certains passages.
Mais ce n'est aucunement le livre qui est en cause.
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Salomon sera seul cette année pour fêter Pessah, la Pâque juive. Enfin seul… avec toute sa famille : ses deux filles, Michelle et Denise, ses deux gendres, Patrick et Pinhas, ses deux petits-enfants, Samuel et Tania. Seul ? Oui, sa femme, Sarah, est morte depuis deux mois. Des images de l'enterrement hantent l'esprit du vieil homme, encore étonné, le matin, au réveil, de ne pas la sentir auprès de lui.
Il va devoir se ressaisir car ce soir, il se doit d'assumer son rôle de patriarche, ne serait-ce que pour que ses filles ne gâchent pas la fête en s'étripant, comme elles ont coutume de le faire si souvent !
Il sera là pour diriger ces deux soirées de Seder (l'anniversaire de la Sortie des Juifs d'Égypte) et raconter, étape par étape, dans un cérémonial bien ordonné et parfaitement réglé comme il est écrit dans la Haggada - respect des rites oblige - l'histoire du peuple juif, autour de plats qui se succèdent un à un : verres de vin, légumes trempés dans de l'eau salée, pain plat (la Matsa), herbes amères, raifort, salade...
(Merci au passage pour cette magnifique initiation aux rites judaïques que je ne connaissais pas et qu'on a le sentiment de partager à la lecture de ce texte !)
Mais sans Sarah, ce soir, ce ne sera pas la même chose.
Et pourtant, il ne pourra certainement pas s'empêcher de lancer quelques « blagues concentrationnaires» bien déplacées, sa spécialité, qui faisait crier Sarah ; ses filles se disputeront, l'une pleurera ; les enfants poseront des questions et observeront avec intérêt et un brin d'ennui, maintenant qu'ils ont grandi, ces rites qu'ils vivent chaque année.
En attendant, à l'aube de ce grand jour, seul dans son lit, Salomon revisite son passé : sa rencontre avec Sarah, la naissance de ses filles, ses angoisses de père… de souvenirs lointains en impressions encore très vives, de rêveries éveillées en errances de la pensée, Salomon raconte ce que fut sa vie, de sa déportation à Auschwitz à ses dernières années auprès de la femme qu'il aimait.
On sourit, on rit parfois de scènes qui frôlent la comédie mais le plus souvent, c'est l'émotion qui nous gagne car on sent entre les lignes tout l'amour de cet homme pour sa femme, sa famille, la vie qu'il va bientôt quitter.
Ce soir, pense le vieil homme, ils devront aussi parler de cet héritage qu'a laissé Sarah : achèteront-ils une maison où se retrouver tous ? Arriveront-ils à se mettre d'accord ?
Michelle arrivera bientôt pour l'aider à préparer le repas… Il va devoir se lever… Son souffle est court, sa respiration difficile… Aura-t-il la force, le courage d'assumer ce rôle qu'il a toujours tenu ?
Un très beau texte, d'une extrême sensibilité : le récit poétique et plein d'émotion d'une magnifique histoire d'amour, celle d'un vieil homme qui sait, au fond, qu'il est bien difficile de survivre à ceux qu'on aime...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
je n’ai plus de mère… quelle phrase atroce, je ne verrai plus ma mère que j’aimais, tu le sais, papa ? je l’aimais, j’aimais sa douceur et son courage, mais elle n’est plus là, et je déjeune seule avec mon père, en tête à tête, car me voici à moitié orpheline, infirme, papa ne me quitte pas, si tu pars je n’ai plus de pieds… »
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Mon père me racontait cette célèbre histoire, l'arrivée d'un capitaine sur une île déserte où avait échoué un Juif quelques années plus tôt. Il avait eu le temps et la force de se construire une maison et deux synagogues. "Pourquoi ?" l'interrogea le marin. L'une pour prier, l'autre pour ne surtout pas y mettre les pieds."
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Je me demande où Sarah se trouverait en ce moment. Sans doute en train de marcher discrètement dans la pièce, essayant de se préparer sans me réveiller. Ses pieds effleuraient les lattes du parquet, ils caressaient le sol sans fausse note. Je me demande, mais je sais que Sarah est partout. Sarah. J'aime murmurer son nom, j'aime la murer dans mes pensées pour empêcher l'oubli d'effectuer ses rondes. J'enroule ma femme dans nos tapis, dans nos rideaux, je démembre son image pour qu'aucun nazi ne puisse la rafler tout entière. Je remplace les abat-jour par ses prunelles bleutées, les oreillers par ses mains accueillantes.
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Comme à Shabbat, comme à chaque fête, la prière qui clôt le repas débute par ce psaume que toute la famille récite par coeur, l'histoire des rêveurs aux bouches remplies de joie, aux langues pleines d'allégresse. « D'ieu a ramené les exilés comme des ruisseaux, et nous a ainsi faits rêveurs. Celui qui marche en pleurant revient en chantant, il plante ses semences en larmes et récole dans la joie. De ces deux moments naît le songe, d'une larme, puis d'un rire. »
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Des soupirs et des corps exténués. Un crématoire. De la fumée humaine. Des cendres qui s’accumulent dans mes narines et m’empêchent de respirer. Suis-je seulement éveillé ? Sinon comment expliquer cette sensation d’essoufflement. Pourquoi cette impression de faiblesse, comme si mes poumons étaient envahis d’images impossibles à dissiper ? La fumée se concentre, je ne parviens plus à tousser, à cracher ces visions qui ont le goût de mort. Ma poitrine s’affaisse et je déglutis. Mon organisme est trop vieux pour supporter les souvenirs. Et puis comment imaginer, m’imaginer sans Sarah ?
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Vidéo de Joachim Schnerf
Cloé Korman, qui publie "Les Presque soeurs", et Joachim Schnerf, auteur du livre "Le Cabaret des mémoires" sont nos deux invités.
"Les Presque soeurs" (Seuil, août 2022) raconte l'enquête de la narratrice qui cherche à retrouver les traces des cousines de son père. Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la-Rolande à Paris. L'autrice cherche à savoir qui étaient ces enfants.
"Le cabaret des mémoires" raconte une évasion romanesque et imaginaire, celle de Samuel, à la recherche de Rosa, sa grand-tante désignée comme l'ultime survivante d'Auschwitz, partie après-guerre au Texas. Une fuite pour monter un cabaret au milieu du désert.
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Le cabaret des mémoires (Joachim Schnerf)

Quel lien de parenté relie Rosa et Samuel ?

Rosa est la grand-mère de Samuel.
Rosa est la grand-tante de Samuel.

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