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EAN : 9782080244451
160 pages
Flammarion (08/09/2021)
5/5   1 notes
Résumé :
Deux siècles après sa naissance, Baudelaire jouit d’une position souveraine. En poésie : c’est la révolution des Fleurs du mal, celle d’une langue plus physique et réceptive au présent. En art : c’est l’impératif de la modernité, qui exige qu’on peigne la vie moderne dans son mouvement et sa vérité profonde. Personne n’a mieux saisi Delacroix, Ingres et Daumier, électrisé Courbet et Manet, dissocié bonne et mauvaise photographies, promu l’égale légitimité des cultur... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Cette traversée iconographique érudite de presque tout un siècle qui questionne le sens de l'art via le vaste monde des représentations plastiques ne pouvait se faire qu'en la puissante et novatrice compagnie d'un façonneur de mots pourvoyeurs d'images tel que Baudelaire, à l'ombre de T. Gautier son vrai mentor ou de quelques autres grands littérateurs. Belle et sombre traversée illustrée par "La Barque de Dante" (Eugène Delacroix, 1822) montrée à l'avant-propos et "L'Hommage à Delacroix" (Fantin-Latour, 1863) qui clôt cette lecture exigeante. Deux oeuvres picturales qui disent l'importance majeure d'Eugène Delacroix dans la conception baudelairienne de la modernité. le panthéon artistique intime de Baudelaire défile au gré des pages, à côté de la création contemporaine accrochée aux cimaises des Salons, en installant un face à face éloquent avec les trois chroniques signées de l'artiste (Salons de 1845, 1846 et 1859). Ce sont aussi les grandes oeuvres plastiques qui ont dominé la scène artistique du siècle, depuis David et le premier romantisme, puis d'Ingres à Courbet et jusqu'à Manet qui sont convoquées, au cours d'une vie chaotique marquée du fer de la syphilis, et parlent d'une période survoltée bruissante de débats esthétiques et de révolutions de tous ordres (politique, mediatique et technologique) auxquels l'artiste prit part ou fut associé de près ou de loin.

C'est une invitation d'un spécialiste du XIXe Stéphane Guégan à se pencher en cinq étapes clé de la vie de Baudelaire sur le rapport étroit qui l'unit sa vie durant aux arts visuels (peinture, sculpture, estampe). Depuis son enfance marquée par les collections paternelles de peintures et d'estampes et son adolescence admirative de Delacroix ou Goya, Baudelaire restera curieux de tous les arts. L'impact qu'ils eurent dans son oeuvre se mesure à la fois dans l'espace critique et poétique investi par son écriture. Baudelaire eut l'idée un temps de réunir l'ensemble de son oeuvre en un triptyque, incluant écrits critiques et poétiques, la censure des six pièces des "Fleurs" contraria ce projet... S'étant annoncé très tôt poète c'est à contre coeur qu'il emprunte les détours du journalisme pour exister dans le monde des Lettres et s'y fait remarquer à vingt-quatre ans, contraint et forcé par la tutelle financière humiliante imposée par sa famille, en rejoignant le club des critiques (Champfleury, Duranty notamment) grâce à son compte-rendu du Salon de 1845. Deux autres Salons (1846-1859) dépassant la forme de l'exercice de chronique littéraire du premier affirmeront le fond de sa vision anticipatrice des arts formalisée dans d'autres études et essais, nettement moins connus, que Stéphane Guégan décortique ici pour nous. Ce qui distingue Baudelaire du reste de la critique c'est sa liberté de ton et d'expression, sa plume mordante qui détrône les gloires du temps, le fait qu'il s'émancipe de la hiérarchie des genres, soit indifférent aux canons officiels, aux écoles et à tous les prêts à penser. Ses critiques dévoilent surtout la passion des arts de leur auteur bien avant la parution de son oeuvre-phare, "Les Fleurs du Mal" (1857), dont les mystères métamorphiques du verbe occupent le chapitre central et passionnant du livre ("L'Imagier des Fleurs du Mal").

Outre les trois comptes rendus de Salons, Stéphane Guégan s'attarde sur celui de l'exposition universelle de 1855, les articles sur le Rire et la Caricature (1855-1856) et encore sur l'essai "Le peintre de la Vie moderne" (1863), pour rendre à l'approche critique baudelairienne l'unité et la cohérence d'une pensée qui infuse aussi toute sa création poétique. L'historien d'art parvient à réunir ici, ce qu'on peut aimer par-dessus tout, le critique d'art et le génie poétique dans une même passion pour l'image et les mots. Il y a bien sûr parfois de la posture esthétique chez Baudelaire, certains regrettent même des errements d'appréciation, toujours discutables, Guégan retient à raison le rapport exceptionnel et quasi prémonitoire de Baudelaire à l'art. Il met en avant celui qui ayant démoli la hiérarchie des genres, voit en Daumier l'égal de Goya et place la caricature au rang qu'occupait la peinture d'Histoire ; celui encore qui décloisonne les arts et renverse les valeurs par la place qu'il accorde à la subjectivité (du créateur et celle du spectateur) et au contexte historico-culturel indissociable de toute création, qui perçoit la beauté de la laideur. Celui qui s'autorise à exécuter Boulanger, Gleyre et Scheffer, à détester les machines de guerre de Vernet est le même qui ignore Chasseriau ou qui, fidèle à sa conception du réalisme se met à distance des méga-compositions de Courbet avec lequel il partagea l'effervescence quarante-huitarde avant de s'en éloigner. Celui, ami de Nadar, qui pressent avant l'heure le narcissisme photographique ou qui, contre toute attente met la focale sur l'estampe de Manet plutôt que sur Olympia et lui préfère in fine Constantin Guys promu par lui "Peintre de la Vie moderne" en 1863. Ainsi va Baudelaire, critique et vibrant poète glorifiant "Le culte des images", libre et sans entraves.
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critiques presse (1)
LaTribuneDeGeneve
13 décembre 2021
«L’art contre l’ennui» enregistre la déflagration d’une époque entrée dans la turbulence de la modernité. Et dans cette optique, rassemble des documents iconographiques rares qui donne à ce choc culturel une dimension savoureuse.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Le Salon de 1859 offre surtout à Baudelaire l'occasion de raconter sa visite de l'atelier de Boudin, effectuée lors de séjours récents, à Honfleur, auprès de sa mère, de janvier à mars et de mai à juin.
C'est peut-être par l'entremise de Courbet, alors en Normandie, qu'il entra en rapport avec l'enfant du pays. Ni ce dernier ni Boudin n'ont raconté cette visite au cour de laquelle le poète découvrit "plusieurs centaines d'études au pastel improvisées en face de la mer et du ciel", autant de preuves que le vrai paysagiste n'abolit jamais la différence qui sépare le tableau des notes hâtivement prises sur le motif. Baudelaire souligne d'abord le dévouement du peintre d'Honfleur à son art.
[...] "Plus tard, sans aucun doute, il nous étalera, dans des peintures achevées, les prodigieuses magies de l'air et de l'eau. Ces étonnantes études, si rapidement et si fidèlement croquées, d'après ce qu'il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d'après des vagues et des nuages, portent toujours, écrites en marge, la date, l'heure et le vent; ainsi, par exemple : 8 octobre, midi, vent de nord-ouest. Si vous avez eu quelquefois le loisir de faire connaissance avec ces beautés météorologiques, vous pourriez vérifier par votre mémoire l'exactitude des observations de M. Boudin. La légende cachée avec la main, vous devineriez la saison, l'heure et le vent. Je n'exagère rien. J'ai vu. À la fin tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, fripé, roulé ou déchiré, ces horizons en deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l'éloquence de l'opium. [...]" (Charles Baudelaire)

Nouvelle vague (p. 118-119)
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Et contre ceux qui accusent Corot de "gaucherie" et d'exécution fautive, Baudelaire retourne l'accusation : "Braves gens ! qui ignorent d'abord qu'une oeuvre de génie - ou si l'on veut - une oeuvre d'âme - où tout est bien vu, bien observé, bien compris, bien imaginé - est toujours très bien exécutée quand elle l'est suffisamment. - Ensuite - qu'il y a une grande différence entre un morceau fait et un morceau fini - qu'en général ce qui est fait n'est pas fini, et qu'une chose très-finie peut n'être pas faite du tout - que la valeur d'une touche spirituelle, importante et bien placée est énorme... etc... etc... d'où il suit que M. Corot peint comme les grands Maîtres." (p. 42)

(Charles Baudelaire, Salon de 1845)
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Car l'important n'est pas de coller à l'époque, encore faut-il en traduire artistiquement la spécificité, à distance de la banale chronique ou du pittoresque lénifiant. Il en résulte la fameuse définition qui appelle à sublimer le présent sans l'idéaliser : "Le beau est fait d'un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l'on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque, la mode, la morale, la passion." (Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, 1863)

Irrésistible Manet, p. 133
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Le beau est fait d'un élément éternel, invariable, dont la quantité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément relatif, circonstanciel, qui sera, si l'on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque, la mode, la morale, la passion.

Charles Baudelaire, Le Peintre de la vie moderne 1863.
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