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L'évocation des souvenirs de ses deux protagonistes permet à l'auteur de revenir sur l'histoire aussi riche que mouvementée de Zanzibar, depuis la période de la colonisation britannique jusqu'à la dictature qui a très vite suivi l'indépendance, sans oublier les influences du sultanat d'Oman ou du bloc soviétique. On découvre ainsi une île et un pays aux multiples facettes, livrés à la convoitise des uns et des autres.
En multipliant les temporalités et les perspectives sur de mêmes événements, en usant d'habiles suspenses et de savoureuses digressions, l'auteur capte notre attention tel une Shéhérazade moderne. J'ai cependant eu un peu de mal à entrer dans l'histoire avant que le style de l'auteur et les vies tragiques de ses personnages ne réussissent à éveiller et retenir mon intérêt. J'ai pu achever ma lecture sans difficulté, mais sans véritable engouement, sans doute parce que je ne me suis pas attachée aux deux personnages principaux. Je les ai plaints pour les drames qu'ils ont connus mais ils ont aussi leurs défauts, et surtout ils semblent englués dans le passé et emmurés dans leur solitude et leurs regrets. Si je peux comprendre leurs raisons, j'ai quand même eu parfois envie de les secouer un peu.
Même s'il ne manque pas de qualités, ce roman ne m'a donc pas totalement convaincue. Il dévoile néanmoins une très intéressante « vision de l'intérieur » de Zanzibar, de son histoire et de ses habitants. Et j'ai été sensible à la plume pleine de charme de l'auteur-conteur qu'est Abdulrazak Gurnah.
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Grâce à Abdulrazak Gurnah, nous partons à la fois vers la Tanzanie, et plus précisément Zanzibar… mais également vers le Royaume-Uni, où sont arrivés, il y a plus ou moins longtemps, Rahjab Shaaban Mahmud, autrefois appelé Saleh Omar, et Latif Mahmud. le premier a soixante-cinq ans, et a demandé asile à son arrivée sur le territoire britannique. le second, plus jeune, y vit et y travaille depuis la fin de ses études. Leur point commun ? Ils viennent tous les deux du même endroit, y ont connu les mêmes personnes et partagent un passé partiellement commun.

La première partie du roman se centre sur l'arrivée de Saleh Omar à Gatwick et sa demande d'asile. Aborder cela sous son point de vue, de manière très vivante et concrète, était une belle entrée en matière. Nous faisons ensuite la connaissance de Latif, et de ce qui l'a amené en Grande-Bretagne, en passant par Dresde, à l'époque en Allemagne de l'Est. La suite du roman, je vous la laisse découvrir…

L'écriture d'Abdulrazak Gurnah est vivante et modulée, et les pages se tournent sans que l'on s'en rende compte. Cet auteur, prix Nobel de littérature en 2021, nous conte ici d'une écriture riche et crédible, le parcours de deux hommes nés à Zanzibar, l'un marchand de meubles, l'autre alors enfant. Il nous raconte en même temps l'histoire de cette île, et son évolution avec tout d'abord son indépendance (Zanzibar était alors un protectorat britannique) puis son rattachement à la Tanzanie.

Il nous raconte également la place de la famille, son poids, parfois, et la place qu'elle prend dans l'identité personnelle. Il nous montre que selon le point de vue, une situation peut être interprétée très différemment, et que parler, échanger, confronter, reste encore la meilleure manière d'ouvrir son jugement à la perception de l'autre et de faire la part des choses. Les personnages de Saleh et Latif sont très bien développés, et leur confrontation face au passé se vit intensément ; le tout est rédigé sans fioritures, mais avec un ton juste. Abdulrazak Gurnah est un vrai un conteur, et j'espère avoir l'occasion de continuer à découvrir son oeuvre.   

En résumé, un roman intense, très bien écrit, des parcours de vie et une histoire d'exil qui valent la peine d'être découverts…
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C'est le soir, un homme souhaite ne pas être dérangé. Les heures d'obscurité lui sont devenues précieuses. Son passé est douloureux comme ceux de tant de femmes et d'hommes qui ont été obligés de fuir leur pays.

Cet homme s'appelle Saleh. C'est un réfugié, un demandeur d'asile, arrivé en usant d'un faux passeport et d'une identité d'emprunt. Sur son faux passeport est noté Rajad Shaaban Mahmud. Il a dans ses bagages, une précieuse boîte en bois, renfermant un trésor unique : de l'ud-al-qamari, un encens rare provenant de l'aloès, un arbre qui produit une résine au parfum délicieux, lorsque son écorce héberge un parasite.

Cet encens incarne l'essence même de l'Orient, sa véritable âme, bien loin des clichés qui lui collent à la peau : une civilisation millénaire, riche et diverse, qui va bien au-delà des stéréotypes de pauvreté, d'islamisme et d'émigration. Cette boite d'encens incarne aussi la tragédie dont est être victime Saleh.

Rajad Shaaban Mahmud n'est pas un nom choisi au hasard. Il représente un homme du passé de Saleh, deux individus qui ne se connaissaient pas, mais leur destin s'est entrelaçé lors d'une mauvaise rencontre avec un certain Hussein, un homme manipulateur et sans scrupule.

Saleh a reçu en signe d'amitié cette précieuse boîte d'encens des mains de Hussein. Cependant, en échange, il lui a demandé de lui prêter une somme d'argent, pour laquelle Saleh a exigé une garantie. Ce prêt devait servir à Rajad Shaaban Mahmud, pour qu'il investisse dans une affaire avec Hussein. Malheureusement, ce placement s'est avéré être mauvais, et Hussein a mystérieusement disparu. Rajad Shaaban Mahmud et Saleh ne se connaissaient pas, mais leur destin s'est trouvé lié à tout jamais. Hussein a manipulé Rajad Shaaban Mahmud et lui a menti pour que sa maison serve de garantie pour le prêt de Saleh. La maison de Rajad Shaaban Mahmud appartient dorénavant à Saleh. C'est ainsi que les deux hommes ont réalisé qu'ils avaient pactisé avec le diable.

C'est avec beaucoup de subtilité dans son style et le choix de ses personnages qui vont se débattre avec l'imprévisible, que l'auteur met en lumière la vulnérabilité de l'existence humaine. Des évènements inattendus, des rencontres fortuites vont changer radicalement le cours de leur vie et déséquilibrer leur famille. Parfois les choix les mieux réfléchis peuvent avoir des résultats inattendus en raison de circonstances extérieures à notre contrôle. le personnage de Saleh arrêté dans cet aéroport avec de faux papiers symbolise à lui seul le destin que n'importe quel être humain peut subir quand il est entrainé dans les couloirs sans fin de l'injustice et de la déshumanisation, en rencontrant par exemple des d'individus malveillants ou bien être piégé dans un contexte politique dictatorial.
Lien : http://ecriberte.over-blog.c..
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« J'ai du temps sur les mains, je suis entre les mains du temps, alors autant que je m'explique. Tôt ou tard, il faut en venir là. »
Et du temps, il en mettra le narrateur, de son vrai nom Saleh Omar, pour nous raconter à sa façon tortueuse et obsédante, ce qui lui vaut, dans sa soixantième année, le statut de réfugié en Grande-Bretagne. Une affaire de jeunes, qu'on lui répète à son arrivée, cette envie de quitter son pays pour recommencer ailleurs. Lentement et inexorablement, le lecteur se voit entraîner dans les filets de la mémoire de ce vieil homme originaire de Zanzibar, entortillé dans les affres d'une sombre histoire de famille dans laquelle s'entremêlent honneur et vengeance.
Un roman des mille et un jour retraçant le destin croisé de deux hommes aux prises avec un passé commun troublé et qui, dans leur nouvelle patrie d'adoption, cherchent enfin la paix et le pardon.
Une narration envoûtante, relevant de l'art du conte, contribue au charme de ce roman évoluant hors du temps. Je me suis perdue avec bonheur dans les méandres de ce récit aux accents douloureux, planté dans un décor exotique, nullement épargné des turpitudes de l'existence.
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Quelle découverte ! Trouvé en tête de gondole de ma librairie avec le bandeau "prix Nobel", cet ouvrage m'a comme happé.

Dès les premières pages j'ai été conquise. L'auteur m'a plongé dans l'ambiance de Zanzibar, j'ai particulièrement apprécié de pouvoir ressentir de façon vraie la personnalité de chacun des protagonistes. le style d'écriture de l'auteur est quelque peu surprenant et particulier au premier abord, et s'avère finalement immersif au fil des pages.

L'histoire est un véritable puzzle dans laquelle il faut s'accrocher pour ne pas perdre le fil. Je suis passée d'une alternance de "mais pourquoi raconte-t-il tout ça ?" à "Ah tout s'explique".

En bref, j'ai adoré. Honte à moi qui ignorait tout de cet auteur, je m'en vais découvrir ses autres oeuvres.
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C'est l'histoire de Rayab. Il arrive aux Royaume-Uni en tant que réfugié...
L'histoire d'une vie...

Je crois que c'est la première fois que je lis un prix Nobel de littérature (honte à moi) et j'avoue avoir été transportée par ce roman.
En lisant ce livre, je me suis posée la question de savoir ce que pouvait être un prix Nobel de la littérature et je pense qu'en parler comme d'une oeuvre "ayant apporté le plus grand bénéfice à l'humanité" est la définition parfaite de PRÈS DE LA MER.
Même si son auteur a reçu ce prix pour l'ensemble de ses écrits, je me plais à croire que ce roman est une pièce maîtresse de cette idée de plus grand bénéfice de l'humanité.
Avec une écriture posée et tout en majesté, une écriture qui prend son temps, l'auteur nous laisse la possibilité d'assimiler et d'apprécier les aventures de nos deux compagnons et les liens qui les unissent.
Se retrouver des années plus tard au Royaume-Uni avec un point de départ similaire et un parcours totalement différent offre aux lecteurs des retrouvailles abîmées qui soulagent et pansent les plaies. C'est douloureux et merveilleux.
Faire la paix avec le passé pour mieux appréhender l'avenir aussi court soit-il.
Ce sont des réfugiés bousculés par le choc des cultures et des religions, leurs vies bouleversées par le colonialisme ... C'est simplement beau et puissant.
Un voyage extraordinaire qui m'a fait touché du bout des doigts l'autre côté du miroir.
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Je suis heureuse d'avoir découvert l'auteur qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 2021. Abdulrazak Gurnah est originaire de Zanzibar, il a longtemps enseigné à l'université du Kent, c'est donc en anglais qu'il a écrit ses romans.
Le héros de « Près de la mer » arrive à Londres pour demander l'asile, je m'attendais donc à un roman traitant de cette problématique migratoire. C'est bien le cas, mais j'ai découvert tellement plus ! Au fil des pages, c'est le passé du migrant qui se déroule, qui s'emmêle à celui d'un compatriote sensé lui venir en aide, et qui s'avère être un de ses proches. Leur confrontation fera ressurgir du passé les blessures et les rancunes enfouies. C'est à ce prix qu'elles pourront être dépassées.
Ce roman magnifique et haletant parle de notre humanité, de nos bassesses et de nos lâchetés, de nos rêves, de nos vies.
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Je conclus par cet article un parcours entamé en Zambie avec Namwali Serpell et poursuivi à travers la Tanzanie jusqu'à Zanzibar, sur les traces de la dépouille mortelle du Dr. Livingstone, avec Petina Gappah. J'ai choisi comme point d'orgue de ce périple dans l'Afrique de l'Est trois romans d'Abdulrazak Gurnah, écrivain né à Zanzibar et lauréat du Prix Nobel de littérature en 2021. Je dois confesser avoir ressenti une petite fierté lorsque son prix fut annoncé : peu de gens, surtout dans le milieu littéraire francophone, semblaient connaître cet auteur qui vit maintenant en Angleterre. Mais, pour ma part, j'avais déjà, dès 2015, épinglé un de ses romans « The Last Gift » dans un de mes premiers articles de blog sur la Tanzanie.
« Paradis » est un des romans les plus connus de Gurnah. D'une plume riche et précise, il raconte l'histoire de Yusuf, un jeune garçon de douze ans qui vit sur la côte de Tanzanie au début du vingtième siècle. Son père est endetté et envoie son fils au service d'un riche marchand arabe, Aziz. Celui-ci organise des caravanes vers l'intérieur des terres, jusqu'au lac Tanganyika. Yusuf est du voyage et découvre un monde pour lui inconnu. La vie des villages au coeur de l'Afrique n'a presque pas encore été touchée par les incursions des colons anglais ou allemands et ne ressemble en rien à ce qu'il connaissait sur la côte. Comme la découverte d'un paradis, sur le point d'être perdu quand il sera livré au rail et aux exactions des administrations coloniales. Yusuf revient sur la côte chez celui qu'il appelle Oncle Aziz. Dans les jardins de la demeure du riche marchand, il s'éprend de la jeune Amina. Encore un parfum de jardin d'Eden, mais la tendre Amina est le fruit défendu, puisqu'elle est une des épouses d'Aziz, son maître.
« Près de la mer (By the Sea) » commence à l'aéroport de Gatwick. Saleh Omar vient y demander asile. Il est porteur de faux papiers au nom de Rajab Shaaban. Pour éviter de dire quelque chose qui pourrait le compromettre, il prétend ne pas parler anglais. le fonctionnaire en charge dans son cas à l'aéroport s'étonne du profil de ce réfugié de soixante-cinq ans en provenance de Zanzibar. On lui trouve une chambre dans une petite ville côtière anglaise. Comme il se refuse toujours de parler anglais, les services sociaux auxquels l'administration des réfugiés l'a confié, lui trouve un interprète, Latif Mahmoud, un professeur de littérature vivant à Londres. Latif, qui a quitté Zanzibar il y a trente ans, pour étudier en Allemagne de l'Est avant d'arriver au Royaume-Uni, pense avoir coupé tous les ponts avec son île natale. Mais il est intrigué par cet homme qui semble avoir usurpé le nom de son père. Les deux hommes se rencontrent et se reconnaissent. Latif replonge dans les souvenirs et les secrets enfouis de sa jeunesse à Zanzibar : Saleh Omar est en fait l'homme qu'il tient comme responsable de la ruine financière et morale de sa famille, son père devenu alcoolique, sa mère collectionnant les amants.
Avec « Adieu Zanzibar (Desertion) », Gurnak raconte deux histoires qui semblent d'abord distinctes et ne joignent leurs fils qu'au bout du roman. En 1899, dans une petite ville de la côte kenyane, Hassanali, alors qu'il se rendait à la mosquée au lever du jour pour appeler à la prière, tombe sur un homme gisant dans la rue. C'est un Mzungu, un homme blanc, assoiffé et qui semble sur le point de mourir. Il l'amène chez lui pour que les premiers soins lui soient prodigués. Bientôt, l'administrateur colonial, Turner, averti de l'incident, débarque chez lui, pour prendre en charge son compatriote. Dans la foulée, il accuse Hassanali d'avoir dépouillé ce voyageur en perdition. Une fois rétabli, ce dernier, Martin Pearce, un orientaliste anglais, retourne chez Hassanali pour remercier la famille qui l'a sauvé et demander pardon pour les accusations injustes auxquelles ils ont été exposé. Lors de cette visite, Pearce tombe amoureux de Rehana, la soeur d'Hassanali, dont le mari est parti en Inde sans jamais revenir.
Dans le deuxième récit, Amin, Rashid et Farida, deux frères et une soeur commencent leurs vies d'adultes à Zanzibar à la fin des années 50, alors que l'ère coloniale touche à sa fin. Tous les espoirs semblent permis. Rashid, brillant élève, obtient une bourse pour étudier en Angleterre. Tout à ses ambitions académiques, il ne prête pas trop attention à Amin, l'aîné, qui parait se contenter de suivre les traces de son père comme enseignant. Farida, elle, est couturière pour des riches clientes. L'une de celles-ci, Jamila, attire l'attention d'Amin, malgré leur différence d'âge. Dans les labyrinthes de la vieille ville, ils parviennent à déjouer les regards indiscrets pour se voir et s'aimer. Mais les parents d'Amin mettent une fin abrupte à cet amour. Jamila est divorcée, on susurre qu'elle fut ou est encore la maîtresse d'un ministre et surtout sa famille a mauvaise réputation : sa grand-mère avait vécu plusieurs années avec un homme blanc avec qui elle n'était pas mariée, qui l'avait ensuite abandonnée.
Ces trois romans sont splendides et m'ont rappelé mes promenades la nuit tombante dans Stone Town, la vieille ville de Zanzibar. le soleil couchant donne un dernier reflet ocre aux pierres un peu décaties des anciennes maisons, tandis que les femmes à la démarche altière dans leurs boubous et voiles aux couleurs vives, rentrent chez elles. On se demande qui se cache derrière les massives portes de bois qui se referment et si quelqu'un nous observe à travers les moucharabiehs des fenêtres.

Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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Style écrit plutôt dense, littéraire assez lointain de l'oralité que l'on aurait attendu d' un migrant d'Afrique noire, même si Gurnah prend soin périodiquement d'insérer quelques interjections, vocables ou prières musulmanes pour rappeler le contexte d'origine.

Deux personnages principaux:
Un vieil homme s'exprimant avec pondération, un langage recherché mais fatigué. Il fait preuve de réserve pour ce qu'il voit. Son raisonnement et comportement sont empreints d'africanité et de dévotion. Tout dénote chez ce migrant une certaine position sociale dans son pays d'origine.
le plus jeune, actif socialement parlant, est déjà phagocyté par la société occidentale Il en comprend toutes les convenances car il les pratique comme un occidental mais reste africain dans l'âme. le ton employé est plus léger et vif. Il fait partie de l'intelligentsia de son pays.
Tous deux se replongent dans leurs souvenirs qui vont se croiser car ils sont natifs de Zanzibar. Ils vont aborder le contentieux qui les lie.
C'est le thème essentiel du livre qui traite de conflits d'intérêts purement et typiquement africains ici en l'occurrence une spoliation de biens entre familles qui aura de terribles conséquences .
Gurnah montre que la vie africaine entre autochtones n'est pas un long fleuve tranquille. Il amoindrit, blanchit (hum hum pas très judicieux mais c'est le mot qui va le mieux) partiellement l'action pernicieuse de occident colonial.
Ici tout tourne autour de liens toxiques créés entre une famille et un marchand. Il est surtout question au départ de liens commerciaux entre Hussein le perse et un fonctionnaire, d' hypothèque et de prêt qui va envenimer les rapports des uns et des autres, de séduction pédophilie et de chantage sexuel.

C'est le coeur du récit qui se découvre par petites touches par les questionnement des antagonistes. Ils se perd dans des liens de familles très compliqués, un peu ardu à suivre pour un occidental. Des rapports très musulmans de filiation, d'héritages, de malveillance entre famille, de rancunes tenaces qui se transmettent aux descendants, s'enveniment interminablement et sur lesquels viennent se greffer la religion et la politique.
Gurnah parle de nostalgie du pays malgré des conditions de vie très difficiles. En souvenir le pays y est magnifié au premier abord. Pourtant le quotidien africain décrit n'est pas paradisiaque mais l'éloignement impose au migrant des souvenirs émouvants: une manière simple d'accepter l'exil.
Gurnah n'est pas tendre sur les conditions de vie au pays après l'indépendance sous des régimes totalitaires. L'emprisonnement arbitraire fait loi et les individus sont spoliés et broyés par les puissants.

L' immigration est un thème très secondaire. Ces deux migrants ne font pas partie des déshérités qui parcourent l'Afrique en tous sens pour trouver un zodiac et traverser la Méditerranée, ils prennent l'avion. Gurnah a choisi des notables. Leur sort est plutôt enviable. Ils ne subissent ni violence, ni répression et l'occident y apparaît dédiabolisé presque serein.
le colonialisme est abordé en toile de fond presque anecdotique .Ce sont les méfaits de la réglementation commerciale imposée par les anglais qui va entraîner des conflits entre africains

Gurnah laisse comprendre qu'un exil en occident est préférable à un maintien au pays sous une dictature africaine qui applique une violence interafricaine qui n'a rien à envier à celle des coloniaux et qui moralement est pire.

Je n'ai pas trouvé ce livre un style typiquement africain mais plutôt une narration qui m'a rappelé Mahfouz, pour la description du milieu familial, des rapports entre les membres de la famille, des affaires commerçantes, de l'alcool et la religion. Un style Mahfouz en moins lourd, moins raide et pontifiant mais généreux. Une africanité blanche du nord musulman.
Pas d'écrivain noir prix Nobel depuis 35 ans le choix d' Abdulrazak Gurnah au regard des méventes de ses ouvrages (d'après ce qu'il en est dit) et donc une certaine absence de notoriété et de lisibilité, est plus une opportunité politique et élitiste (élection par ses pairs) que basé sur ses écrits ou/et une bibliographie largement partagée par des lecteurs.
Une sorte de rééquilibrage de la vision de l'occident et surtout de l'Afrique par un africain, vision consensuelle qui peut être... lui a valu le Nobel. Enfin un africain modéré a primer, depuis trente ans c'était l'occasion à ne pas manquer le dernier était plutôt vindicatif!
Ce livre est d'une grande qualité, de la bonne littérature internationale.
Un beau récit charmeur comme on aimerait en lire plus
souvent.
Tous à Zanzibar! Un pays formidable d'après John Brunner mais conté superbement par Gurnah.
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Un homme âgé, Saleh Omar, débarque en Angleterre pour demander l'asile politique muni d'un faux passeport et prétendant ne pas parler anglais. Il ne correspond pas au profil du migrant et il est pris en charge par une jeune femme qui va s'occuper de lui trouver un logement et se lier d'amitié avec lui. L'accueil des migrants est traité de manière sarcastique, d'autant plus lorsqu'il apparaît que le vieil homme est à la fois cultivé et bilingue. Installé dans une petite ville du bord de mer, il raconte les raisons de son exil, ses promenades dans les magasins de meubles et comment il s'est approprié la petite phrase de Bartleby " Je préfère ne pas".

Dans la deuxième partie du roman, sous la fausse identité de Rajab Shaaban Mahmud, il est mis en relation avec Latif, un universitaire exilé, fils du véritable Mahmud. C'est alors Latif qui prendra en charge la majeure partie de la narration. Il aborde la situation politique du Tanganyiaka, ancienne colonie allemande qui s'est unie avec l'île de Zanzibar, sous protectorat britannique. La question du colonialisme, de la persécution des communautés musulmanes, des alliances commerciales et des trahisons est mise en parallèle avec l'histoire plus intime d'une famille. Les rivalités, jalousies et mesquineries feront alors le lien entre les deux hommes qui partagent qui à la fois une histoire nationale et une histoire privée. Chacun interprète cette histoire commune à son avantage, apportant des informations complémentaires et des révélations étonnantes.

La plume d'Abdulrazak Gurnah est très littéraire et plutôt classique, avec une pointe d'auto-derision qui accentue l'humanisme de son roman. Quelques longueurs cependant dans l'histoire de la Tanzanie, lorsque l'on ne connaît pas tous les méandres.
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