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Ce roman s'ouvre sur l'arrivée au Royaume-Uni d'un demandeur d'asile. On ne saura pas tout de suite qu'il vient de Zanzibar*, comme Abdulrazak Gurnah, d'ailleurs l'île et la ville ne sont même pas nommées, si je me souviens bien. On ne comprendra qu'à la fin les raisons de son exil, à un âge avancé. Dans la première partie, ce narrateur nous fait découvrir le début de son histoire familiale et professionnelle. Un narrateur différent raconte dans la deuxième partie son départ de la même île pour des études en RDA et son arrivée en Angleterre. La dernière partie, on s'en doute, fait se croiser les histoires de ces deux émigrés.

Ce qui m'a frappé dès le début est le ton des récits: les narrateurs sont passés par des épreuves douloureuses, mais ne s'en plaignent jamais vraiment, gardent du recul par rapport à leur histoire, souvent racontée avec humour. Rassurez-vous, futurs lecteurs : la lecture n'est jamais ni difficile ni douloureuse (faites juste bien attention aux noms et prénoms des personnages, une fausse identité est importante dans le récit). le plus admirable peut-être dans ce magnifique roman est la façon de faire découvrir au lecteur petit à petit le détail et les motivations d'événements anciens. Les personnages principaux ne connaissent pas toutes les informations nécessaires et, surtout, doivent reconnaître peu à peu que leur mémoire imparfaite et nourrie de points de vue extérieurs ne leur donne pas une compréhension correcte de certaines étapes décisives de leur vie. Cette révélation progressive avec des rebondissements inattendus m'a tenu en haleine pendant toute la lecture

La toile de fond est très intéressante aussi : dès le début, les officiers d'immigration se demandent, et le lecteur avec eux, ce qui a poussé un homme de plus de 60 ans à tout quitter pour demander l'asile dans un pays dont il ne semble même pas parler la langue. Cette question soutient toute la narration, qui est alimentée par une vision de la colonisation puis de la décolonisation extrêmement prenante, même si elle comprend distance, tolérance et parfois humour. Outre ce point de vue politique, le livre revient régulièrement, mais toujours discrètement, sur le rôle de la religion (ici islamique) dans la vie privée et publique.

J'ai été un peu surpris au début par le choix de la traductrice Sylvette Gleize de garder de nombreux mots sans même les traduire par une note ni les grouper dans un glossaire. Mais cela ne nuit pas du tout à la compréhension, peu importe qu'un lecteur ignorant du kiswahili ne sache pas exactement ce qu'est telle ou telle pièce d'habillement, par exemple. Et je viens de réaliser que le lecteur du texte anglais original se trouve dans la même situation que moi.

Pour finir, il faut mentionner la référence fréquente à Bartleby (une bonne occasion de lire ou relire cette nouvelle de Melville, qui me fascine autant que le narrateur principal?) Puis-je conclure qu'il est toujours intéressant de découvrir un auteur récemment lauréat du prix Nobel (surtout avec le challenge de Meps) ? Peut-être pas, mais Gurnah est déjà pour moi un grand auteur.

*profitez-en pour réviser votre géographie et votre histoire ; je ne savais même pas ou plus (honte sur moi) que ça se situait en Tanzanie.
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J'ai été captivé par « Près de la mer »  d'Abdulrazak Gurnah, prix Nobel de littérature en 2021. le livre date de 2001 et il est de nouveau disponible dans la traduction française de Sylvette Gleize.

C'est l'histoire de deux hommes, tous deux originaires de Zanzibar en Tanzanie et tous deux réfugiés politiques en Grande-Bretagne. le livre débute avec le récit de l'arrivée , de la procédure d'immigration et d'asile puis de l'installation en Angleterre du plus âgé des deux hommes : c'est la première partie du livre. Dans la deuxième partie on fait la connaissance de l'autre homme, il est beaucoup plus jeune que le premier mais est arrivé au Royaume-Uni une vingtaine d'années auparavant et l'on apprend dans ces pages comment l'on passe de Zanzibar à Londres via Dresde. Ces deux hommes sont fortuitement mis en contact l'un avec l'autre parce que le faux passeport du premier est établi au nom du père du second. Lorsqu'ils se rencontrent près de la mer, dans la troisième partie du livre, ils découvrent à quel point leurs histoires personnelles et familiales sont entremêlées.

L'auteur, dans chacune des trois parties, juxtapose habilement le récit des moments vécus par les protagonistes et le récit tout en nostalgie de leurs souvenirs du temps passé sur leur île de l'Océan indien, à quelques milles de la côte africaine mais rythmé par les moussons qui amènent et remportent les navires des marchands arabes, perses ou indiens (et l'un d'entre eux joue un rôle central dans l'histoire commune aux deux hommes). Et les évènements de la vie politique de l'île sont évoqués avec une pointe d'humour ou d'ironie malgré les répercussions qu'ils ont parfois y compris brutalement sur la vie des personnages du roman.

L'écriture est mélancolique, presque langoureuse, allusive. Les récits des trois parties successives sont lents, presque indolents, parce qu'il faut fouiller dans sa mémoire pour les restituer avec méticulosité. Il ne s'agit pas d'un affrontement entre deux hommes que leur passé, et celui de leur famille, sépare et réunit à la fois. Il s'agit pour ces deux hommes de se raconter mutuellement comment ils sont devenus ce qu'ils sont et par là de se retrouver. Près de la mer.
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Près de la mer : au sud, au nord. Dans ce livre magistral et magique, la vérité des uns est confrontée au vécu des autres. La réalité est parfois plus complexe que prévu. En alternant les points de vue, dans l'espace, dans le temps, l'auteur, sans jamais tomber dans le pathos, donne des leçons de vie et se rapproche de la quintessence de l'humanité : survivre à bien des épreuves et rouvrir son magasin après des années. Puis fuir, finalement, parce que la vie vaut la peine d'être vécue même très loin de chez soi.
Parfois Rachel dit qu'elle va venir et elle ne vient pas. Comme le personnage principal, le lecteur préfère quand elle vient.
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Dans le sillage revendiqué des mille et une nuits, « By the sea », traduit chez Denoël, fait voyager le lecteur en Europe comme en Afrique, via les aventures racontées par les deux principaux protagonistes , Saleh Omar et Rajah Mahmud qui se retrouvent inopinément en Angleterre. L'un aspirant au statut de « réfugié », l'autre, professeur interprète.
Il s'étaient connus au pays d'origine dans des circonstances conflictuelles qu'ils seront amenés, à grande précaution, à aborder, sinon à éclaircir.
Chaque personnage rencontré (ami d'infortune, compagnon de logis etc.) est un conteur qui interroge ou écoute un autre conteur, dans des récits enchâssés qui ont des points de contact, car le maître de récit a plus d'un tour dans son sac. Récits gigognes.
le ton est d'apparence naïf, mais malicieux ou ironique, il séduit le lecteur à qui il laisse le soin de juger les situations, ou les acteurs. A la manière des commerçants qui sous la courtoisie apparente des conversations, méditent des coups tordus qui peuvent entraîner la ruine, le déshonneur, et la mise à la rue d'une famille.
Corruptions diverses, rapports plus qu'ambigus, conduites suspectes, maintiennent l'intérêt du lecteur dans un univers instable crée par les aléas politiques locaux et la présence des colonisateurs.
On veut savoir la suite des aventures, on remonte les époques tandis que les conteurs s'expliquent, nourrissant avec l'éloignement dans le temps et l'espace, le souvenir du pays d'origine tel le parfum Ud-al-qamari ou la table d'acajou, bien présents dans le contexte. On sera aussi sensible à l'amour de déracinés pour les cartes géographiques.
le lecteur y trouvera son plaisir, immergé dans des récits qui traitent à la fois la situation historique des pays colonisés, et l'accueil à rebrousse poil de ces mêmes colonisés dans les pays prédateurs ;
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Une histoire de famille ! les deux protagonistes de ce roman originaires de Zanzibar vont se retrouver au Royaume Uni et se conter leur vie , un temps partagée , un peu à la manière de Shéhérazade .Car il pourrait s'agir d'un conte oriental ,tellement les événements, les personnages, s'enchevêtrent avant d'arriver au dénouement final.
C'est un roman sur la mémoire ,il dévoile à la façon d'un miroir ,comment chacun a sa propre version des mêmes faits ,sa propre vérité .
C'est également un roman sur l'exil ,l'immigration .Un des personnages va traverser des pays différents comme la RDA ,certains pays d'Afrique de l'Est avant d'arriver au Royaume Uni où il devient écrivain ,le second ,maltraité dans son propre pays , y demandera l'asile .
Le livre permet de mieux connaître cette partie de l'Afrique de l'Est ,anglophone, mais également la région de l'Océan Indien ,du golfe Arabique ,voire de l'Asie du Sud Est où les peuples commerçaient depuis des siècles .
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Le héros se trouve par deux fois Près de la mer , au Zanzibar , pays natal de l'auteur mais dont le nom est juste suggéré , et en Angleterre où le héros Salrh Omar a obtenu ,difficement , un statut d'émigré.
En Angleterre , alors que le héros a environ 65 ans , aura lieu unea rencontre improbable et romanesque avec une ancienne connaissance du pays .
Alors , et les récits sont passionnants , les deux hommes nous racontent leur vie comme on nous raconte une histoire : c'est exotique ,émouvant impressionnant....
L'écriture est magnifique et nous emporte vars ces destins terribles
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Le roman semble traiter du thème de l'exil, de l'immigration ; ce n'est pas cependant le coeur du livre. le sujet de la colonisation est également abordé, mais l'auteur décrit plus longuement les atrocités qui ont suivi l'indépendance.
C'est avant tout une histoire de famille et de propriété de maison, et l'intrigue tient en fait en peu de mots ; sur les 372 pages du roman, les répétitions sont donc nombreuses et ce ressassement donne envie d'en précipiter la lecture.
Peut-être est-ce le thème de l'identité qui est le centre de ce roman - c'est du moins l'impression que j'ai eue - : l'un des deux protagoniste emprunte le nom du père de l'autre, et j'ai eu souvent du mal à les différencier dans les dialogues, sans savoir s'il y avait là volonté de confusion de la part de l'auteur.
La langue (l'ouvrage est originellement écrit en anglais) est souple, agréable, proche de l'oral.
Au bilan, un jugement mitigé ; pas sûr d'avoir envie de lire "Paradis" du même auteur.
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Livre assez paradoxal. Tout l'intérêt réside dans le style de l'auteur, dans sa manière de mener la narration à travers le prisme des personnalités de ses deux protagonistes.
Alors que leur histoire est épique en elle-même, ce n'est pas sur ce plan factuel que mise l'auteur pour faire pénétrer dans son univers africain. Il choisit deux regards, deux façons d'être, deux manières d'appréhender la vie qui vont nous narrer une seule histoire.
Quelque part, notre histoire tellement on peut se sentir concerné par les soubresauts de l'humanité partout où des intérêts s'affrontent, des sentiments s'exacerbent.
On y trouve un humour léger, presque acerbe.
S'il fallait retenir une raison de lire ce livre, ce serait le regard posé par l'auteur sur ces trajectoires individuelles prises dans le mouvement global des civilisations.
Je préférerais ne pas le faire.
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Ma dernière lecture de l'année n'aura pas moins été que le prix nobel tout récent.
Je m'attendais donc à une certaine qualité dès le début.
Je ne vais pas le cacher, j'ai eu du mal à rentrer dedans. Car dans le premier tiers, je ne lui trouvais pas d'originalité. Récit d'un réfugié classique, avec ses souvenirs décousus, parfois une écriture un peu ampoulée...Je le trouvais brouillon.
Puis il y a eu le changement de point de vue. le lien entre les deux personnages m'est apparu très interessant, et c'est là que j'ai plongé. Je l'ai trouvé très subtil dans sa manière de distiller les liens, le mystère qui prenait forme, je suis arrivée dans tout ce que j'aime. Des drames familiaux dont on essaye de trouver les tenants et aboutissants, et ces 2 personnages qui se cherchent....Les quelques défauts d'écriture ne me dérangeaient plus du tout.
La résolution de fin est très belle. Si il n y avait pas tout le reste, elle aurait paru classique, mais là elle a pris une tournure tragique.
Je ne veux pas en dire plus pour ne pas gâcher la surprise.
Au final, j'ai adoré l'histoire. Il y avait tout ce qu'il faut là ou il faut, et je comprends son attrait.
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Derrière chaque migrant qui se noie, il y a une histoire. Aussi longtemps que cette histoire est tue, le migrant reste un cadavre, un inconnu privé du respect qu'on réserve à notre soldat national inhumé, lui, sous les Champs-Élysées - aussi anonyme et mystérieux soit-il. Voilà pourquoi le prix Nobel de littérature Abdulrazak Gurnah s'évertue à raconter l'histoire de ces hommes aux destins moins funestes que les malheureux qui font la une des actualités mais dont les épreuves sont innombrables et cruelles (ex : les interrogatoires p26, l'emprisonnement, la vie dans les camps p351).
Tout autant que la fuite, c'est l'arrivée dans le pays dit « d'accueil » qui intéresse l'auteur. Dans le cas de Saleh Omar, c'est le Royaume-Uni et ses sujets arrogants : « Conscients de leur importance et bouffis d'orgueil dans chacun de leurs mouvements, ils étaient capables à tout instant de montrer mépris et dureté ».
Saleh prend conscience que son esprit a été colonisé tout autant que les terres de ses ancêtres. Pourquoi devrait-il mieux connaître Kipling que Schiller ou Hugo ? Les nations européennes se sont disputées la géographie des pays africains avant de leur imposer leurs références culturelles.
Au coeur de ce roman, il y a une dette, une querelle de famille qui tourne mal. D'ailleurs l'auteur, avec malice, rappelle que les querelles de famille sont à l'origine des maux de l'Islam (p298).
Si le roman de ces réfugiés m'a touchée, sa forme m'a moins convaincue. J'ai trouvé que les explications et les digressions étaient trop nombreuses et qu'elles nuisaient à la fluidité du récit.
Je ne connais pas les autres livres de cet auteur. Et vous, l'avez-vous lu ? Qu'en avez-vous pensé ?
Bilan : 🌹🌹
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