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EAN : 9782212330168
180 pages
Eyrolles (07/05/2015)
4.5/5   2 notes
Résumé :
On parle de chamane et de chamanisme aussi bien à propos de phénomènes préhistoriques que de réalités contemporaines rencontrées quasiment partout dans le monde. Ces termes sont utilisés dans des sens très variés, bien éloignés de ce qu'ils signifient pour les peuples traditionnels. Précis, synthétique et vivant, cet ouvrage retrace l'histoire de ces usages, puis décrit les croyances et les pratiques chamaniques des peuples de Sibérie d'où vient le terme de chamane,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Cet ouvrage, modeste dans son volume, est un précis remarquable sur le sujet ; le premier emploi de ce terme “schaman”, date de la fin du XVIIe ...
— “S'il arrive que cinq ou six Tungules* habitent l'un auprès de l'autre [...] ils entretiennent tous ensemble un schaman, ce qui parmi eux signifie un prêtre, ou un magicien.” (p. 20) « Relation du voyage de Monsieur Evert Isbrand »**.

Ainsi donc, l'humanité qui a commencé par vivre de chasse***, dans une conception animiste du monde naturel, a développé un caractère structurel du lien entre la chasse et une vue globale de l'être humain inspirée par son entrée en « contact direct » avec les “esprits” de la Nature, ce qui rend plausible l'idée de l'universalité originelle du “chamanisme”, où les humains sont une espèce parmi d'autres.
« L'évidence de la chaîne alimentaire est le fondement empirique de la démarche qui conduit les humains à établir des relations avec les espèces gibier pour pouvoir vivre de chasse.
Ce qui rend possible d'établir de telles relations est la conception animiste inhérente au chamanisme. » p. 74/75
Dans ce rapport au monde qui détermine l'ensemble des représentations et des pratiques dans une relation aux biens vitaux non “réductible” à l'activité humaine et ce qu'elle peut produire ; c'est le soubassement de la démarche “chamanique”, un modèle applicable à d'autres biens tels que la pluie, le vent, et bien d'autres … le gibier en faisant partie (grands cervidés, gallinacés, etc.)
Dans une immensité d'espace très peu peuplé l'organisation sociale est dans un vécu égalitaire avec une absence marquée d'un pouvoir centralisé. C'est dans ce type de société que le chamanisme constitue un système religieux à part entière qui opère dans l'ensemble de la communauté, la vie quotidienne de ses membres en étant imprégnée.
« Vivre directement des ressources offertes par l'environnement naturel revient à prélever dans un “donné”, ce que l'on ne saurait faire sans prendre des précautions dans l'instant ni sans se préoccuper de la réapparition de ce donné naturel dans l'avenir. C'est pourquoi la chasse ne peut être une activité purement technique ; elle est aussi, de façon nécessaire et indissociable, une activité religieuse. Celle-ci doit rendre légitime le fait de prélever dans le donné naturel tout en en garantissant la perpétuation ; c'est la raison d'être du chamanisme en tant que système religieux “central” dans une société vivant majoritairement de chasse. » (p. 72)
« Tout dans la conduite du chasseur vise à souligner qu'il ne prend du gibier que la chair. Il ne dit jamais qu'il “tue” sa proie et dispose ses restes osseux en forêt avec le plus grand soin pour que son âme s'échappe de son corps, se recycle et revienne ensuite dans un nouvel animal de son espèce. » (p.77)
Dans cette étude nous est donc donnée la “mémoire ancestrale” de notre espèce proprement humaine, et peut-être la démarche de se demander si nous ne nous en sommes pas beaucoup trop éloignés, voire même si nous ne sommes pas dans une forme de rupture qui au demeurant pourrait bien nous être extrêmement préjudiciable !
Ici il est question d'une expérience religieuse en soi, dans sa forme à l'état brut qui offre à toute personne une voie particulière, autonome, dans l'accès à l'extase mystique.
Roberte Hamayon clarifie le propos dans ce livre, faisant un sérieux toilettage du sujet n'hésitant pas à préciser les choses :
« Non seulement des pratiques chamaniques se rencontrent dans les franges des religions universalistes, mais celles-ci semblent, du moins sous leurs formes populaires, comporter des éléments de type chamanique. Assurément, il y a eu adaptation mutuelle, et celle-ci n'a cessé d'être mouvante. Mais peut-être faut-il aussi tenter un parallèle entre ce qui fait le “caractère élémentaire” du chamanisme et ce qui fonde les démarches religieuses élaborées des religions universalistes. » (p. 126/27)
En outre elle souligne le contraste fondamental et très fort entre les systèmes chamaniques qui, d'une manière générale, privilégient les cadres naturels pour les grands rituels collectifs (habitations pour les rituels privés) et les lieux de culte bien identifiés des religions universalistes — églises, temples, monastères, mosquées, et autres sanctuaires —, dont l'histoire montre que ces lieux de cultes ont été des éléments décisifs dans les processus d'urbanisation et de contrôle social et politique.
Cette fusion du religieux et du politique accordant l'autorité absolue aux “instances spirituelles supérieures” se répercute sur tout pouvoir politique qui se réclame d'elles pour établir sa légitimité : « D'une manière générale, le politique et le religieux fusionnent dans les cultes publics qui leur sont rendus. Ce sont des cultes périodiques de caractère liturgique, perçus comme essentiels au maintien de l'ordre. »(p. 136)
« Cela explique pourquoi le christianisme orthodoxe et le bouddhisme ont pénétré chez les peuples pasteurs de Sibérie, alors qu'ils n'ont pu le faire chez leurs voisins chasseurs. Partout, la présence d'un mode de vie reposant sur la transmission de biens matériels au fil des générations et par conséquent l'importance des âmes de morts dont on hérite constitue un terrain favorable à l'intégration d'entités spirituelles supérieures à celles issues de défunts humains.
Intégration parmi les ancêtres ou au-dessus d'eux
Les ancêtres sont par définition considérés comme des instances spirituelles situées au-dessus de leurs descendants vivants. Ils concrétisent une vision hiérarchique qui permet de concevoir d'autres instances spirituelles situées au-dessus des ancêtres. Et si les ancêtres d'un clan, fondus dans une collectivité anonyme, ont autorité sur leurs descendants membres vivants de ce clan, les instances spirituelles posées comme supérieures à eux auront autorité sur un ensemble de clans, voire sur toute la société. » (p. 140)
Nous voyons donc cette vision complètement différente d'un monde à l'autre qui aurait sans doute tout à gagner dans une perspective cohérente d'une écologie éveillée, ouverte, inspirée, pour le bien de l'ensemble des êtres, animés et non animés.
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*Sibérie occidentale
Samoyèdes ; plusieurs groupes ethniques (Tungules, Nenets, Enets, Tuvas, Evenks, Nganassan, Selkoup etc ...)
** édition française de 1699, Evert Ysbrants Ides et Adam Brand
*** Ce que démontre de façon irréfutable le documentaire scientifique : « KROMDRAAI » “à la découverte du premier humain” (Et alors Production - Altus & Fortis © EX Nihilo - 2021), en Afrique du Sud il y a -2 500 000 d'années, alors que la branche « paranthropus » elle exclusivement végétarienne à disparue.
Lien : http://camisard.hautetfort.c..
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Un ouvrage passionnant qui permet de faire le point sur le chamanisme, sur ce qu'il n'est pas, son histoire et l'histoire de sa réception dans les sociétés occidentales, qui n'en sont pas le berceau. Dans un deuxième temps, l'auteur qui en est la grande experte en France, explique avec une grande clarté ce que peut être le chamanisme, comment il fonctionne et dans quelles sociétés il agit.
Un ouvrage absolument nécessaire pour tous ceux que les autres horizons intéressent
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
Le lien souple de l'âme à sa lignée
Selon cette conception, l'âme individuelle ne peut, à l'issue de son recyclage posthume, passer d'une espèce à l'autre pour en “animer” un membre : ce serait contredire la notion même d'espèce et contrevenir à l'établissement de relations stables entre espèces. Cependant, lors de cette phase de recyclage où elle est libre d'attache corporelle, l'âme est censée pouvoir emprunter d'autres corps que ceux de son espèce pour y loger ou pour se déplacer. Ainsi les Mongols imaginent les âmes des morts voyageant accrochées aux poils ou aux plumes d'animaux sauvages. Il n'y a pas pour autant “transformation” ou “métamorphose”.
La force vitale logée dans la chair nourrit l'âme du vivant
Être en vie implique de se nourrir. La chair du gibier qui nourrit le corps des humains est le support concret de la « force vitale » qui nourrit leur âme. Il y a interdépendance entre chair et force vitale comme entre corps et âme durant le temps de la vie. Les peuples samoyèdes de Sibérie occidentale nomment le renne sauvage « ce dont on vit ». En français, “viande” vient du verbe latin vivere, « vivre ». La notion de force vitale est souvent confondue, mais à tort, avec celle d'âme individuelle, parce que de nombreuses langues emploient le terme “d'âme” dans les deux cas (ainsi le français parle aussi bien « d' âme sœur » que de « force d'âme » ou de « manque d'âme »). À la différence de l'âme, la force vitale n'est pas une entité fixe et autonome ; elle peut varier en qualité et en quantité chez un même individu selon les circonstances.
p. 75/76
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Les relations verticales
Cela explique pourquoi le christianisme orthodoxe et le bouddhisme ont pénétré chez les peuples pasteurs de Sibérie, alors qu'ils n'ont pu le faire chez leurs voisins chasseurs. Partout, la présence d'un mode de vie reposant sur la transmission de biens matériels au fil des générations et par conséquent l'importance des âmes de morts dont on hérite constitue un terrain favorable à l'intégration d'entités spirituelles supérieures à celles issues de défunts humains.
Intégration parmi les ancêtres ou au-dessus d'eux
Les ancêtres sont par définition considérés comme des instances spirituelles situées au-dessus de leurs descendants vivants. Ils concrétisent une vision hiérarchique qui permet de concevoir d'autres instances spirituelles situées au-dessus des ancêtres. Et si les ancêtres d'un clan, fondus dans une collectivité anonyme, ont autorité sur leurs descendants membres vivants de ce clan, les instances spirituelles posées comme supérieures à eux auront autorité sur un ensemble de clans, voire sur toute la société.
Intégration d'individus délaissés, tels les saints
Quant aux âmes de morts qui n'ont pu recevoir le statut d'ancêtre, elles se voient adresser individuellement un culte qui vise à leur donner une place et un rôle dans le monde des instances spirituelles, comme certains saints, sanctifiés en raison de leur vie tragique ou de leur mort précoce. Elles sont donc, à la différence des ancêtres, identifiées par un nom qui leur est personnel, comme le sont les saints. Elles sont censées être transformées par le culte qu'elles reçoivent en protectrices des humains qui le leur rendent, comme certains saints.
p. 140
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Une conception animiste du monde naturel
L'évidence de la chaîne alimentaire est le fondement empirique de la démarche qui conduit les humains à établir des relations avec les espèces gibier pour pouvoir vivre de chasse.
Ce qui rend possible d'établir de telles relations est la conception animiste inhérente au chamanisme. Selon cette conception, le corps animal est “animé” par une composante spirituelle individuelle ou “âme” semblable à celle qui anime le corps humain. Les âmes animales sont pensées homologues des âmes humaines en nature et en fonction, et spécifiques de chaque espèce. La notion d'être animé couvre à la fois celle « d'avoir une âme » et celle « d'être en vie ». Mais l'âme est conçue à la fois comme nécessaire à la vie du corps et survivant à sa mort.
L'âme logée dans les os est recyclée après la mort Chez les animaux comme chez les humains, l'âme individuelle est censée résider dans les os et survivre à la mort du corps pour revenir, plus tard, vivre une nouvelle vie sur terre. Aussi en prend-on grand soin à la mort : on dépose les corps humains et les crânes animaux sur des « tombes aériennes » pour ne pas enfermer les âmes. À son retour sur terre après une sorte de recyclage posthume, chaque âme revient “animer” un nouveau corps de la même lignée humaine ou de la même espèce animale ; ainsi les ossements qui sont le réceptacle de l'âme pendant son recyclage posthume représentent-ils la continuité de son espèce d'appartenance.
p. 74/75
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La vie de chasse dans la taïga sibérienne
Au fil des sources s'installe l'idée que la vie de chasse dans la taïga « uniformise » la culture des peuples qui y vivent, marqués par une faible démographie, une organisation sociale égalitaire et l'absence de pouvoir central. C'est seulement dans ce type de société que le chamanisme constitue un système religieux à part entière, opérant au niveau global de la communauté tout en imprégnant la vie quotidienne de ses membres.
Représentative de la vie de chasse en général, la vie dans la taïga se caractérise en outre par l'immensité de l'espace, très peu peuplé, et par la nature du gibier comestible. Le « gibier par excellence » est constitué des grands cervidés (élan et renne) et des gallinacés (tétras).
Une activité à la fois technique et religieuse
Vivre directement des ressources offertes par l'environnement naturel revient à prélever dans un “donné”, ce que l'on ne saurait faire sans prendre des précautions dans l'instant ni sans se préoccuper de la réapparition de ce donné naturel dans l'avenir. C'est pourquoi la chasse ne peut être une activité purement technique ; elle est aussi, de façon nécessaire et indissociable, une activité religieuse. Celle-ci doit rendre légitime le fait de prélever dans le donné naturel tout en en garantissant la perpétuation ; c'est la raison d'être du chamanisme en tant que système religieux « central » dans une société vivant majoritairement de chasse.
p. 72
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Un échange de nourriture avec les espèces gibier
Entrer dans une relation d'échange avec les espèces gibier constitue la fonction chamanique essentielle. Les peuples sibériens résument la conception de cet échange ainsi : de même que les humains se nourrissent de gibier, de même les esprits des espèces sauvages se nourrissent de la force vitale portée par la chair et le sang des humains. Ainsi, l'échange est proclamé symétrique et réciproque. La consommation mutuelle préserve l'intégrité de chaque espèce tout en garantissant un temps de vie à chacun de ses membres.
L'objet des grands rituels chamaniques est d'instaurer cet échange et d'en gérer le déroulement en sorte d'allonger au maximum le temps de vie des humains.
Une simple prise de viande
Tout dans la conduite du chasseur vise à souligner qu'il ne prend du gibier que la chair. Il ne dit jamais qu'il “tue” sa proie et dispose ses restes osseux en forêt avec le plus grand soin pour que son âme s'échappe de son corps, se recycle et revienne ensuite dans un nouvel animal de son espèce. Il se défend de supprimer un animal et revendique d'agir pour préserver l'espèce. Ainsi l'échange est-il loin d'être perçu comme illustrant l'adage « la vie des uns se paie de la mort des autres » ; bien au contraire, il est conçu comme assurant le renouvellement de la vie de part et d'autre grâce à la consommation mutuelle.
p. 77
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