Nora a maintenant un compagnon, un fils qui entre à l'école , un psy qu'elle essaie de quitter et bien sûr quelques névroses qu'Instagram ne cesse d'exacerber.
Il est toujours agréable de voir comment évolue celle qui se livre avec autant de franchise, avoue ses obsessions, le décalage qu'il y a entre la façon dont les autres nous envisage et dont nous-mêmes nous nous voyons.
Elle passe à la moulinette cette époque (que nous ignorions encore précovid ), sans pour autant se poser en donneuse de leçons, car elle est la première à craquer pour essayer de ressembler à ces femmes qui lui servent de références au fil des années , mais on la sent plus apaisée néanmoins.
En la lisant, j'avais parfois l'impression de découvrir par dessus son épaule l'univers de ma fille dont elle n'est l'aînée que de quelques années. Réjouissant et tendre.
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J'ai toujours été fascinée par le fait qu'on ne se voit pas vraiment comme on est, qu'on renvoie une image différente à chacun, et que nos complexes n'appartiennent qu'à nous et à notre petite histoire.
J'aime bien aussi l'idée que, selon comment on bouge, comment on se sape, comment on s'exprime, un imaginaire se crée autour de nous, qui peut être complètement différent de la réalité.
Il était là, mon problème. Cette obsession avec la vérité tout le temps. Comme si quelqu'un la détenait, comme si les autres savaient mieux que moi, comme si je ne pouvais pas me faire mon propre avis sur moi-même et que les autres avaient forcément raison, surtout si leurs pensées me blessaient.
J'ai bu ma camomille en pensant à toutes ces clopes que je n'allais pas regretter demain. Je me suis sentie saine. Un peu vieille et chiante aussi, mais surtout saine.
Il faut bien admettre que, désormais, notre propre temporalité, notre propre notion du temps et donc notre rapport à l'attente sont intimement liés à la technologie. C'est cette technologie-là qui a changé notre façon de vivre nos relations et aussi notre rythme cardiaque. C'est cette technologie-là qui fait qu'on ne vibre plus comme avant à l'idée de se retrouver, parce que c'est le portable qui le fait à notre place, en vibrant toutes les secondes pour nous dire : "À toute de suite. T'es où ? J'arrive. Je suis là dans une minute", rendant les battements de notre cœur plus calmes et nos relations moins passionnelles.
S'il y a bien un truc que j'ai hérité d'elle, c'est cette aptitude à la mélancolie, et cette capacité aussi à ne pas vouloir en sortir. À l'époque, elle faisait un truc que je trouvais super lourd et que je me suis mise à faire aussi : quand elle aimait bien une chanson, elle la remettait sans même attendre la fin, comme pour entendre cent fois de suite son moment préféré. Maintenant je sais pourquoi - en fait, c'est que son émotion monte systématiquement au même endroit, et elle veut toujours vivre la même. Entretenir cette mélancolie, précisément de une minute vingt-neuf à deux minutes cinq, et tout recommencer.
La peur d'être quittée est plus forte encore que le sentiment amoureux. Cette relation qui fait croire qu'on vibre, alors qu'on tremble juste à l'idée de se faire larguer.
Typiquement, en amitié, mes amis restent les miens et autant j'aime bien qu'ils s'entendent entre eux, un peu, autant je préfère l'idée qu'ils soient à moi !!
C'est comme le "Ils ont décidé de se séparer, c'était d'un commun accord", mais enfin ça n'existe pas !! C'est encore un truc social pour qu'il n'y ait pas de victime, mais il y en a toujours un qui largue. Et je sais de quoi je parle. La coïncidence ou le bon timing dans la rupture n'existe pas ! Ils ne se disent pas "J'ai un truc à te dire", "Oh, c'est marrant, moi aussi", "OK on se le dit à 3 : 1, 2, 3, je te quitte !!, "Trop bien, moi aussi !! J'avais la même idée !! Du coup, on reste amis ?" Non : il y en a un qui largue, et l'autre qui subit.
En sortant, j'ai retrouvé mon amie Sofia. Sofia, c'est mon amie photographe que je vois une ou deux fois par an, mais que j'adore. Ce genre d'amitié sans aucune pression, où tu peux ne pas te voir pendant des mois et te retrouver comme si de rien n'était.
Après le dîner, on s'est posés et on a discuté avenir. Oui, parce que avec les couples qui vont bien, c'est presque obligatoire de parler avenir, il faut se projeter, parler futur. De toute façon, on ne va pas parler souvenirs, et passé, puisqu'en tout cas, le passé, on oublie, ils n'en on pas. Non, leur vie a commencé à leur rencontre. Avant, il n'y avait rien.
Je me suis souvenue de cette période tellement chargée en émotions, cette envie qu'on avait de vivre des choses le plus vite possible juste parce qu'on les avait rêvées et pas encore connues. Une sorte d'optimiste qui n'appartient qu'à l'adolescence, un espoir que le futur ressemblera peut-être un peu à ce qu'on lisait dans les livres et à ce qu'on voyait à la télé.
Il y a une odeur particulière au printemps, d'ailleurs chaque saison à son odeur. Celle du printemps est pour moi la meilleure, mais aussi la plus angoissante. Tout à coup on se découvre, on arrête de se cacher derrière son bonnet et son écharpe et on sort de la classe pour aller jouer et courir avec les autres élèves. Et courir, c'est aussi prendre le risque de tomber. Il y a comme une odeur d'aventures et de liberté, mais qu'on avait pas forcément demandé.
J'ai fêté mes 35 ans sur toutes les musiques de mon adolescence et j'ai repensé à ma mère, qui écoutait toujours en boucle Adamo : je me suis demandé si, pendant qu'on prenait des années, notre cœur, lui, n'avait pas toujours le même âge.
Du coup, je passe de phases où je me définirais comme une meuf qui mange hyper sainement à une espèce de goinfre.
En fait, je crois que ce qui se passe là représente absolument tout ce que je déteste de notre époque dans la démonstration permanente de sentiment, dans l'émotion à chaud, dans l'ego trip, et le fait de se réinventer un soi. Cette façon de penser que, pour que les choses existent, il faut qu'elles se voient et que nos sentiments se résument en clics.
Pendant tout ce temps, j'imaginais qu'être adulte correspondait à un moment où on quittait une forme de légèreté, comme si un moment donné j'avais oublié que l'adolescence n'avait été que lourdeur. Alors je me suis dit que c'était peut-être ça aussi grandir : la possibilité d'attendre son premier cheveu blanc dans un tee-shirt Mickey. Et s'en foutre.
J'ai fêté mes 35 ans sur toutes les musiques de mon adolescence et j'ai repensé à ma mère, qui écoutait toujours en boucle Adamo : je me suis demandé si, pendant qu'on prenait des années, notre cœur, lui, n'avait pas toujours le même âge.
De toute façon, quand on porte des Buffalos aux pieds et des macarons sur la tête, on est forcément un peu le super héros de sa propre instabilité mentale.
Je me souviens de mon premier journal intime, une amie de ma mère me l’avait rapporté du Japon, il avait des dessins super mignons sur la couverture, des petits crocodiles qui se baignaient et qui mangeaient des glaces, je me souviens même de sa matière, une sorte de plastique matelassé qu’on a immédiatement envie de sentir. Ça sentait d’ailleurs hyper bon. Une odeur de plastique chimique que les moins de 30 ans ne peuvent pas aimer […].
J’ai croisé par hasard une femme qui promenait son teckel et qui sentait super fort Angel, de Thierry Mugler. Chaque fois que je sens à nouveau cette odeur, j’éprouve le même trouble, le même minivoyage qui me renvoie à mes émotions de l’époque, le cœur qui palpite un peu, parce que, finalement, si je devais résumer mon adolescence, c’est juste un cœur qui palpite en permanence, pour tout et n’importe quoi. Surtout pour n’importe quoi. Je ne pourrais plus porter ce parfum, mais qu’est-ce que j’aime le croiser de temps en temps. En fait, c’est ça, c’est une affaire de temps. On grandit, on avance, et plus on avance, plus on oublie des bouts du passé. Pourtant, ils sont toujours là, clairement, gravés au fond de nous, à un parfum ou à une alerte de smartphone près.
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