Arhur Fearon, 12 ans, vit dans l'Irlande des années 30. Son père , 60 ans, travail encore dans les docks, sa mère...allez savoir son âge et ce qu'elle fait. Deux enfants sont morts déjà..et la vie est dure. le père maltraite régulièrement son fils, et la mère réagit à peine.Arthur sera donc retiré de l'école pour travailler, mais il préfère y rester , pour devenir chimiste, avoir de l'argent et s'offrir des chaussures marrons aussi chouettes que celle de son maître d'école. Il finira par fuguer, et fuir clandestinement sur un navire en route vers Alexandrie.Ce sera l'enfer à bord bien entendu. Une fois que l'on a dit ça, on se demande tout de suite en quoi ce roman est spécial, avec son scénario décrivant la misère sociale et économique de l'Irlande dans les années 30, la difficulté de la vie des marins? du déjà vu, ou lu en somme. L'histoire "personnelle" du roman d'abord.C'est un de ces titres qui ont subi la censure des autorités,pour obscénité et tout le tintouin, interdit de publication bien sûr, passé de main en main clandestinement, et qui a été défendu dans les tribunaux par des sommités du genre
HG Wells. L'auteur, bien que prolifique et encensé par ses collègues est peu connu, car il a toujours refusé de se soumettre aux pratiques socio-culturo-intellectuelles de ses contemporains. le livre maintenant. Comme prévu , c'est un récit "banal", déjà vu, avec cet enfant qui subit mille vexations et violences physiques et morales, les adultes dont les attitudes et les discours relèvent presque du cliché. La description de la vie à bord du navire marchand reflète l'expérience personnelle de l'auteur, avec moult détails. le roman est court, à peine 250 pages, et se lit rapidement (deux jours pour ma part). Et malgré ce faux départ apparent, on ne manque de lui trouver plus que ces banalités ressassées. Bien que court, on y trouve des détails qui furtivement renseignent de façon plus complexe sur les mécanismes sociaux de l'époque, par exemple le fait que avant de mettre un enfant au travail, il faut l'autorisation de la police, que pour faire quitter l'école à un autre avant l'âge de 14 ans, il doit passer un examen d'intelligence au niveau de la municipalité, pour décider si l'enfant, bien que n'ayant pas terminé sa scolarité, a acquis assez "de capacités" pour se permettre de quitter l'école. Les réactions et attitudes des différents personnages face au destin d'Arthur ne sont pas manichéennes. En un paragraphe, l'auteur dépeint toute la vie des adultes depuis son innocence primaire et l'envie de changer les choses et d'aider ( l'enseignant, le directeur, le prêtre), jusqu'à la fatigue et l'abandon devant la difficulté de la tâche, et les tentatives de calmer les exclamations scandalisées de leurs consciences. Les marins, bien que bourrus et rêches, ont une psyché plus complexe qu'il n'y parait, et bien qu'ils soient odieux envers l'enfant ( parfois franchement criminels), il n'empêche que c'est la vie qui a fait d'eux ce qu'ils sont maintenant. Et ça va dans les deux sens: ceux qui offrent un visage de bonté cachent au fond une noirceur qui s'exprime tôt ou tard. Arthur aussi est intéressant. Il est chétif, vous fait fondre le coeur quand il subit toutes ces horreurs, mais il est courageux, intelligent, espiègle comme tous les enfants, il "mystifie" parfois, et c'est hilarant. Il n'en fait qu'à sa tête souvent. Ce n'est qu'un enfant. La force de ce roman tient donc dans sa richesse et sa complexité qui s'offrent graduellement, donnant le temps de digérer et d'apprécier lentement, mais aussi dans son final, poignant et un peu inattendu. Ravie d'avoir insister pour avoir ce livre.