Théodore Disparaît le troisième roman de
Jean-Baptiste Harang sonne comme un poème à un amour qui s'en va comme va la vie, parfois, à petits pas, les reproches exprimés, sont ils les vrais raisons de cette rupture qui ne dit pas son nom.
Chez
Jean-Baptiste Harang même la mélancolie est une affaire de dérision, parler à celle qui s'est éloignée, avec humour sans froisser son amour propre, jusqu'à inventer une histoire d'otages sans queues ni tètes, pour finir par avouer qu'elle est descendue de l'avion à Abidjan.
Ce livre la, s'adresse à Théodore à cet amour perdu, lui dire qu'une fois encore elle s'est éclipsée par erreur, laissant Corentin seul comme d'autres fois, mais comme les autres fois il l'attend et plus encore, car il l'aime.
Alors il imagine qu'elle est avec les otages du Tamalou, avec ces Islandais. Alors pour la reconquérir il remue ciel et terre, pour elle, rien que pour elle. Il imagine qu'elle lui a fait cette farce, par provocation, et dans une séquence télévisée sur la prise d'otage n'ont-ils pas perçu un fou rire !
Cette fantaisie se passe au Tamalou, tout petit pays collé au Mozambique, dont le chef suprême est Bagard. T'a mal où ? Faut il répondre "au coeur", ce serait trop simple et la magie de cette prise d'otage, s'estomperait, car elle constitue le fil conducteur du roman, 27 jours et 27 petits chapitres avant leur libération.
Chaque jour, le seul ami connu de Théodore, Corentin déroule un long monologue tissé à la toile des regrets, et d'un fol amour construit autour le l'Art. Ses oeuvres trônent dans un hangar à Ste Livrade (47), celles de Théodore dans les rues, « des bittes d'entrave au stationnement. »
Corentin n'expose pas, il anime une revue, il fut marié comme elle, mais une cicatrice , grise, étoilée marque le front de Théodore et suggère une souffrance ancienne.
On lit
Jean-Baptiste Harang, pour le style et son sens de l'absurde, « L'imbécile qui ne sait pas lire, dans le sourire, le mépris », pour les passagers sans issus de la vie, pour une poésie née des voyelles, « Théodore toute noire de peau, un noir si noir qu'il moirait de reflets bleus sous l'incidence d'un ciel ébloui »,p67.
Une prose travaillée par l'artisan devenu journaliste, » cambrée le ventre en avant vers sa solitude ».p133
Faut-il le prendre aux mots , pas sûr, se laisser guider par leur magie quand « La route bute contre un grillage frêle que l'esprit saint respecte. » p171
Jean-Baptiste Harang est comme ce vin de Cocumont (47), un produit de terroir, il faut prendre son temps, pour le goûter, puis le déguster comme Théodore et ses plus belles jambes de Paris.