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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
On se lève le matin, on embrasse sa femme et ses enfants, et on part faire son travail, muni de ses outils de travail, et remplir ses taches quotidiennes. Puis on rentre le soir, on embrasse sa femme et ses enfants, on dîne, on se couche, la vie continue. Et les jours se suivent, tous pareils les uns aux autres. Rien de spécial à signaler, quoi... Une vie banale, somme toute.
Sauf que le travail quotidien et les tâches à accomplir, c'est d'aller massacrer des Tutsis. Et l'outil c'est la machette.
Voilà ce que racontent, sur un ton froid et détaché, comme on raconte une journée de travail la plus ordinaire qui soit, les personnages du livre de Jean Hatzfeld. Au-delà, il n'y a rien. Pas d'humanité, pas de sentiments, pas d'âme. Et en toute logique, pas de regrets.
Il y a quelque chose du livre de Robert Merle "la mort est mon métier" dans cette terrifiante série de témoignages. Ou comment on peut devenir un tueur sans s'en rendre compte, juste parce que c'est normal de faire ce qu'on nous dit de faire.
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Ce livre est le deuxième volet de la trilogie consacrée au génocide rwandais. Des trois, c'est celui qui me déstabilise le plus. de quoi s'agit-il ? de donner la parole aux tueurs de tous grades : penseurs, encadreurs, exécutants. Une démarche fondamentale pour comprendre ce drame universel du 20e siècle.

Mais, en refermant cet opus, et , après avoir relu des déclarations de protagonistes ; histoire de m'assurer que l'auteur ne s'était pas trompé de vocabulaire, je dois dire que je n'ai que peu compris. L'essentiel m'échappe encore. Comment peut-on prendre goût à massacrer ses voisins ?

Oui, un goût. Une gourmandise. J'ai bien saisi que la peur, la haine, la jalousie, ou la vengeance pouvaient pousser à tuer. Mais répéter, sans arrêt les mêmes gestes, avec cette exaltation malsaine questionne sur les limites de l'humanité.

Cependant, Jean Hatzfeld nous révèle des étincelles glanées çà et là. Ce sont ces "Justes" Hutus, qui interdisaient aux leurs de dénoncer des Tutsis ; ce sont ces "Dignes" Hutus qui acceptaient les basses besognes des tueries (entretiens des machettes, cuisine) pour qu'on épargne leurs Tutsis. On se remet à y croire donc…

Ce génocide trouvera sa fin grâce à l'intervention de rebelles rwandais basés à l'extérieur. Cyniquement, cela aura évité que ces tueurs se retournent contre eux-mêmes quand il n'y aurait plus eu de Tutsis à exterminer.

La fin des massacres annonce le temps de la justice. On parle de regrets, de remords, de pardons. Pour ça, il faudrait d'abord "que les personnes éprouvées entendent des vérités valables". Ensuite… C'est le but des procès qui s'activent. C'est à un tout autre niveau, le but de cet ouvrage aux qualités innombrables.
Instructif, édifiant, fondamental.
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Après avoir recueilli les témoignages des rescapés Tutsis dans son livre "Le nu de la vie" en 2000, le journaliste Jean Hatzfeld se tourne cette fois-ci, trois ans plus tard, vers les bourreaux du génocide rwandais, les tueurs Hutus.

Les protagonistes de ce livre, c'est tout d' abord une bande de copains hutus , tous fils de cultivateurs, vivant sur les trois collines de Kibungo, N'tarama et Kanzenze, là où le journaliste avaient interrogé les rescapés. Ils s'appellent Adalbert, Pancrace, Alphonse, Jean-Baptiste, Elie... Après leurs activités journalières, ils avaient pour habitude de partager ensemble au cabaret une Primus, la bière locale, et d'aller chahuter quelques Tutsis. Tous ont grandi en entendant les discours haineux antitutsis de leurs aînés, et paradoxalement, ils en côtoient chaque jour en bonne entente. Cultivateur, enseignant, ancien militaire ou même apprenti vicaire, tous ont saisi la machette et tué à maintes reprises lorsque le génocide a été lancé le 11 avril 1994. Tous ont accepté de parler de cette époque qu' ils qualifient de "surnaturelle" à Jean Hatzfeld.

La démarche du journaliste dans "Une saison de machettes" est sans aucune mesure possible comparable avec ses premiers entretiens où il avait développé des rapports amicaux, voire d' amitié, avec certains rescapés. Face aux tueurs désormais emprisonnés dans le pénitencier de Rilima, c'est la méfiance qui domine chaque échange, mêlée après une aversion bien naturelle, à une sorte de perplexité face à leur discours.

Les entretiens nous font découvrir ce que fut le quotidien de ces Hutus durant le temps du génocide : leurs expéditions quotidiennes partant chaque matin du rassemblement sur le stade de football, se poursuivant en chantant dans les marais où, en s'enfonçant jusqu'aux genoux, ils soulevaient les branchages d'une main et coupaient de l'autre leurs victimes, parfois des voisins, comme ils avaient toujours taillé les bananiers.
Leur récit, outre les faits de tueries et de viols, révèle les pillages, l' appât du gain et l'appropriation de richesses qui étaient bien plus importants à leurs yeux que le sort de leurs victimes. Jean Hatzfeld, dans un ton toujours posé et clairvoyant, ajoute à ces témoignages ses propres réflexions et explications sur un pays qu'il connaît bien. Ainsi, après un rappel historique sur le Rwanda et sur la particularité de ce génocide dit de proximité - commis entre voisins - il n'hésite pas à faire des parallèles avec le génocide juif, quant à sa mise en oeuvre et à la politique de propagande qui l'a précédé.

Ce livre, extrêmement riche en révélations factuelles, philosophiques et psychologiques sur l'univers génocidaire, est une référence incontournable sur ce sujet. Avec l'auteur, nous approchons au plus près de l'esprit de ces hommes devenus des tueurs, mais des questions demeurent. Comment finalement qualifier ces tueurs ? A l'époque des entretiens, ils sont en prison. Aucun ne manifeste de troubles psychiques, aucun n'est resté traumatisé, aucune ne souffre de blessures. Tous sont en possession de leurs moyens intellectuels et physiques. Alors ? Comment expliquent-ils leurs actes ? La réponse reste insatisfaisante et terrifiante. Loin des bêtes sanguinaires que l'on entrevoit dans les récits des rescapés dans "Le nu de la vie", on découvre ici des hommes ordinaires, mués par l'envie et la convoitise, qui entament leur journée de tuerie comme une journée aux champs. Des hommes qui commentaient le nombre de tués en même temps que des bagatelles de "grains". Des hommes surtout déçus que le grand "projet" ait échoué avant de s'être suffisamment enrichis. Des hommes qui pensent qu'ils n'ont vraiment pas eu de chance, souffrant de maladie et de malnutrition dans les camps congolais...

Prudents dans leurs paroles, évitant toujours d' employer le mot génocide et se cachant derrière le "on" collectif de la bande, ces Hutus aspirent au pardon des Tutsis pour retrouver, une fois libre, une vie tranquille ... mais sans remords véritables vis à vis des tués et de leurs proches.

Jean Hatzfeld les qualifie d'un égocentrisme hallucinant et d'une totale insensibilité vis à vis de leurs victimes. Ce que l'on découvre dans "Une saison de machettes ", ce ne sont pas des monstres, juste des hommes.

Un récit édifiant, glaçant et exceptionnel.
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Que reste-t-il de l'homme ? Cette question est longtemps restée vivace en moi après la lecture écrasante d'une Saison de machettes. Et sans doute ma recherche d'un début de réponse aura depuis lors pris un chemin nouveau. Que reste-t-il en effet, après l'effroyable et l'indicible, la mort donnée à la main comme sur la chaîne d'une usine ? Les mots reviennent peu à peu. Et déjà le dire, c'est bien peu mais déjà un pas immense pour un retour à l'humanité. Ce livre est dur, insoutenable parfois, tant il décrit ce qu'aucun ne voudrait entendre ou voir. Mais c'est un livre dont on revient changé.
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Une découverte faite grâce au Challenge Solidaire, que je ne rique pas d'oublier. L'auteur est journaliste et c'est lors de ses reportages au Rwanda qu'il s'est retrouvé fasciné, envouté, éberlué et choqué également, par les personnes qu'il y rencontrait.
C'est après le génocide que se déroule ce récit : il nous fait partager les témoignages des hommes ayant participé au massacre des Tutsis. Sans fard, il essaie d'aborder tous les sujets, même ceux qui fâchent (le pardon, la haine des Tutsis), avec ces hommes, à la base de simples cultivateurs pour la plupart, qui vivaient juste à côté de ceux qu'ils ont massacrés.
Il essaie de leur faire mettre des mots sur leurs actes, se retrouve souvent confronté aux mensonges et aux esquives mais l'ensemble reste un travail mémoriel inestimable.
Une lecture loin d'être évidente, que j'ai stoppée plusieurs fois, tant les récits sont bouleversants.
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Après avoir fait parler les rescapés, Jean Hatzfeld se tourne vers les génocidaires... Ces témoignages n'en sont pas moins bouleversants et nous démontre avec quelle facilité une population peut être endoctriner pour agir selon des volontés qui les dépassent! J'ai ressenti un grand vide en lisant ce livre, je me demande même si je ne me suis pas déconnectée le temps de cette lecture car les explications des bourreaux me semblaient juste irréelles...
Quand la "normalité" est de tuer parce qu'on me le demande... Encore un livre difficile mais nécessaire sur ce qui est un des plus grand massacre du XXème siècle.
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Je commence par vous dire que j'ai pris un retard phénoménal dans la rédaction de mes billets, par manque de temps et, il faut bien le dire, aussi un peu par flemmardise aiguë. Bref, les livres s'entassent (et il y en a déjà trois qui attendent impatiemment !). Je débute mon plan rattrapage par le dernier livre que je finis à l'instant (quelle bonne résolution !).

Et il s'agit d'un essai passionnant, du journaliste Jean Hatzfeld, dont j'avais déjà lu la splendide Stratégie des antilopes ; essai qui fait partie d'une trilogie que je lis complètement à l'envers. Je suis tombée en effet au Bleuet (ma librairie préférée dont je redirai un mot plus tard) sur La stratégie des antilopes qui est en fait le troisième volet de la série ; La saison des machettes est le deuxième ; il me reste donc encore le premier :Dans le nu de la vie.

Un essai passionnant, disais-je, sur le génocide rwandais, sur lequel mes connaissances étaient finalement assez lacunaires avant de lire Hatzfeld. le journaliste, qui a noué des amitiés dans cette région des Grands Lacs, se consacre à analyser le processus génocidaire à l'échelle de la commune de Nyamata (une petite cinquantaine de kilomètres au sud de la capitale Kigali). Après avoir interrogé les rescapés (La stratégie des antilopes), il se consacre ici aux tueurs.

C'est un ouvrage qu'il est impossible de lâcher, ce qui tient au sujet, mais aussi à la démarche de l'auteur.

Le sujet d'abord. Un génocide dont la rapidité stupéfie : d'avril à mai 1994, 800 000 Rwandais (principalement Tutsis) sont assassinés en moins de 100 jours. Un génocide qui soulève nécessairement la lancinante question du « pourquoi ? », et qui surprend sans cesse, en balançant entre traits communs des génocides – Hatzfeld opère de fréquents rapprochements avec le génocide juif, notamment au travers des travaux d'Hilberg ou de Browning – mais aussi une originalité profonde. L'entrée par les coupables, ces bourreaux ordinaires, qui, pendant trois mois, ont totalement délaissé les travaux des champs, pour poursuivre pendant des heures les Tutsis réduits à se cacher dans les marais, est à mon sens encore plus passionnante que l'entrée par les rescapés (« Ce monsieur tué sur la place du marché, je peux vous en raconter un souvenir exact, car il est le premier. Pour d'autres, c'est plus fumeux, je n'en ai plus trace dans ma mémoire. Je les ai considérés sans gravité. Je n'ai même pas repéré, à l'occasion des meurtres, cette petite chose qui allait me changer en tueur », page 31).

On a l'impression d'un décalage hallucinant entre le discours des coupables des tueries et la gravité de leurs actes dont ils ne semblent prendre qu'épisodiquement conscience, en témoigne leur conception du pardon.

On en ressort ahuri et hébété, en comprenant sans la comprendre la mécanique de ces massacres dans la folie desquels ont été emportés les Rwandais (« La règle numéro un, c'était de tuer. La règle numéro deux, il n'y en avait pas. C'était une organisation sans complication », page 14).

La démarche, ensuite. Il ne s'agit pas d'un roman, mais pas exactement d'un reportage non plus. Hatzfeld s'est entretenu, pendant plusieurs semaines, avec un groupe de Hutus emprisonnés, et ces entretiens sont en partie retranscrits, sous forme de matériau assez brut (sans commentaires), dans des chapitres classés thématiquement (« la première fois », « l'apprentissage », « le goût et le dégoût », « le pardon » …). Entre ces chapitres, le journaliste intercale des chapitres écrits (« un huis clos », « la disparition des réseaux », « à la recherche du juste »), qui rassemblent des réflexions à la fois sur le génocide en lui-même, mais aussi sur sa propre démarche d'enquêteur et les biais qu'elle peut induire. Cette architecture originale permet de reconstruire progressivement, comme en plusieurs « couches », le canevas du génocide, dans ses nuances extrêmement complexes, et ses suites : « Les rescapés cherchent la tranquillité dans une partie de la mémoire. Les tueurs la cherchent dans une autre partie. Ils n'échangent ni la tristesse, ni la peur. Ils ne demandent pas la même assistance au mensonge. Je crois qu'ils ne pourront jamais partager une part importante de vérité » (paroles d'une rescapée, pages 182-183).

Bouleversant de bout en bout, et, ce qui ne gâche rien, très bien écrit. Bref, indispensable.

C'est pour qui ? Sans hésiter Cathy et Vincent (mais je le recommande très vivement à tout le monde !)
Lien : http://le-mange-livres.blogs..
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C'est un récit douloureux. Douloureux pour ce qu'il révèle de la violence et barbarie possible de l'être humain. A travers le recueil de témoignages de 10 amis hutus, cultivateurs pour la majorité, tueurs en bande, auxquels Jean Hatzfeld rend visite individuellement en prison, il tente de comprendre l'incompréhensible, que ce soit la préparation des esprits au génocide, ou l'exécution systématique entre avril et juillet 1994 de milliers de Tutsis voisins dans les marais et collines de la commune de Nyamata. Sont évoqués les motifs des tueries entre voisins, la culpabilité, le pardon possible ou impossible, et toujours avec cette langue si imagée et parlante et qui pourtant installe une distance : "D'autres encouragements consorts suivaient qui nous assuraient d'une liberté sans entraves pour parfaire la tâche;"
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Livre indispensable.
Les témoignages des bourreaux (après ceux des survivants dans le remarquable "dans le nu de la vie") sont indescriptibles. Je pense au mal ordinaire d'Arendt. C'est suffocant. Inégalé. A lire.
Merci à l'auteur d'avoir gardé le français de là-bas que j'ai aimé (j'étais parfois gênée de savourer le langage vu ce qui était dit et décrit....)
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Comment juger un tel livre ? le sujet en est terrifiant puisqu'il s'agit du génocide au Rwanda en 1994 qui vit les Hutus massacrer (en grande partie à l'arme blanche) 50 000 Tutsis avec qui il partageaient le territoire. Les personnages ne sont pas moins terribles puisqu'il s'agit des tueurs que Jean Hatzfeld ,avec une patience et une finesse psychologique impressionnantes, amène à parler , à raconter au fil de nombreuses rencontres dans leur lieu de détention. L'auteur essaie d'approfondir la réflexion sur les mécanismes politiques, sociaux et surtout psychologiques qui sous-tendent un phénomène hors de l'entendement et aussi sur les notions de vérité, de mensonge, de culpabilité et de pardon . A noter également la langue tout à fait particulière des intervenants abondant en métaphores et euphémismes . Un livre dur par ce qu'il montre de la nature humaine et qui peut surgir au coeur de tous les peuples (l'Espagne des conquistadors , l'Allemagne d'Hitler entre autres) .
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