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EAN : 9791022601528
300 pages
Editions Métailié (01/09/2016)
3.2/5   20 notes
Résumé :

Rüdiger Stolzenburg a presque la soixantaine. Chargé de cours à l’université de Leipzig, il n’a aucune chance de voir sa carrière universitaire progresser – son champ de recherches, le librettiste et topographe Weiskern, n’intéresse personne, et de toute façon c’est le département tout entier qui est menacé. Sa vie privée n’est guère plus enthousiasmante, bien qu’il collectionne les femmes, jeunes, voire même très jeunes, et piétine allègrement l’amour de la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Rüdiger Stolzenburg est une sorte de collectionneur. Un collectionneur unique en son genre, puisque cet obscur chargé de cours au département de lettres de l'université de Leipzig est pratiquement le seul au monde à s'intéresser à l'oeuvre de Friedrich Wilhem Weiskern, topographe et librettiste de quelques opéras de Mozart dans l'Autriche du 18ème siècle. Aussi, lorsqu'il est contacté par e-mail par un non moins obscur personnage qui lui propose de lui vendre (au prix fort) des manuscrits inédits et inconnus de Weiskern, Stolzenburg se voit déjà en haut de l'affiche, publiant dans une édition de prestige dorée sur tranche l'intégrale des oeuvres de celui-ci. La Gloire académique (à défaut de la Fortune, vu le peu d'enthousiasme des éditeurs du cru pour un tel projet) est à portée de main de notre professeur à mi-temps et proche de la retraite, dont la carrière universitaire est totalement dénuée de perspectives en raison de son âge, de son passé, et du manque de crédit (tant financier que scientifique) accordé par les pouvoirs subsidiants à la filière des sciences humaines.

En plus de cette passion, Rüdiger Stlozenburg a une (fâcheuse) tendance à collectionner les amours (si l'on peut parler d'amour...) et les emmerdes. Les amis, par contre, il les compte sur les doigts d'une (lointaine) main.

Dans la première catégorie, ce Don Juan égocentrique peut se vanter d'un tableau de chasse bien fourni, principalement en étudiantes à la recherche d'une mention favorable sur leur diplôme. Quant à la seule femme qui l'aime vraiment (mais qui le colle un peu trop à son goût), il est un vrai mufle à son égard, tandis qu' il risque bien de faire fuir en courant la seule à laquelle il tient réellement.

Dans la deuxième catégorie, Rüdiger est un vrai champion. Lui qui tire le diable par la queue et est en permanence à la limite de la banqueroute, il est soumis à un redressement fiscal exorbitant. Harcelé ensuite par un gang d'adolescentes décérébrées, il s'aperçoit par ailleurs que les manuscrits de Weiskern qu'on lui fait miroiter sont probablement des faux, et finit par être soupçonné de complicité avec le faussaire. Financièrement acculé, il pourrait peut-être se laisser corrompre par un étudiant qui aurait à tout prix besoin d'un diplôme...

Dit comme ça, cette histoire peut sembler burlesque, pourtant le ton du roman n'est pas précisément désopilant. Quoique...

Toujours est-il qu'en déroulant des épisodes quasi kafkaïens, l'auteur arrive à rendre captivante la vie globalement insignifiante d'un (anti) héros évoluant à la marge du système. Souci du détail, précision dans l'analyse, sobriété et limpidité du style se conjuguent pour composer le portrait remarquable et parfaitement maîtrisé d'un homme peu reluisant aux prises avec un monde désenchanté.
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Ultra-Moderne-Solitude...

C'est au titre évocateur de cette chanson du populaire Souchon que l'on songe en découvrant la petite vie étriquée de ce petit universitaire obscur et sans grand relief qu'est Rüdiger Stolzenburg. A 59 ans, sa carrière est, pour l'essentiel, derrière lui, malgré les promesses chaque année renouvelées par son chef de département d'une titularisation pour un plein temps à son poste de simple chargé de cours -une chaire de professeur est juste seulement inenvisageable- et ce gagne-petit, sans envergure ni réelle passion ou ambition, n'ose à aucun moment songer à autre chose qu'une modeste amélioration de son train de vie. Pourvu seulement que sa pitance lui soit assurée sans remise en cause.

Ses histoires d'amour sont à l'encan : sans engagement, sans grâce ni charme, sans avenir. Elles se résument, pour l'essentiel, à l'étreinte sexuelle et à quelques soirées bien choisies devant un film ou devant un repas. Les rapports sentimentaux, humains et intellectuels avec le sexe opposé sont tout aussi froids, précis et distanciés que le style rigoureux, pesé et sobre (sans pourtant jamais tomber dans la simplicité crue) de l'auteur germanique. Notre enseignant passe ainsi, sans vergogne ni état d'âme -quoique sans grand excès-s de jeunes femmes, dont il pourrait être le père, à une femme de son âge, bien plus engagé que lui dans leur relation déséquilibrée, mais à laquelle il ne laisse d'ailleurs rien espérer que ces quelques échanges physiques réguliers. Il finira toutefois par la désavouer et rompre, avec une facilité aussi déconcertante qu'évidente, qu'une fois engagé par une promesse faite à une autre. Dont on peine, lecteur, à comprendre ce qu'il peut lui trouver de si différent des précédentes, si ce n'est qu'elle lui échappe sans fin.

De vraie passion -de celle qui prend aux tripes, de celle qui vous fait renverser les montagnes-, point. Tout juste une marotte aimable -un "hobby" lui rétorquera Marion, le seul personnage lumineux de ce froid et cynique roman, une belle bibliothécaire dont on entrevoit incidemment qu'elle aurait pu être LA femme, et qui est devenue L'Amie-, un violon d'Ingres parfaitement inintéressant aux yeux du monde qui l'entoure : sans qu'on sache bien comment ni pourquoi, ses recherches lui ont fait croiser les pas et l'oeuvre de librettiste-topographe d'un dénommé -et presque totalement oublié- Friedrich Wilhelm Weiskern, par ailleurs metteur en scène viennois ayant (réellement!) croisé les pas d'un certain Wolfgang Amadeus Mozart...

Tout va pourtant basculer -sans grand éclat apparent- dans cette insignifiante vie d'universitaire plan-plan lorsque, dans les mêmes moments, le fisc le met en demeure de lui rembourser une créance absolument démesurée pour ses très faibles moyens, et qu'un mystérieux internaute le contacte pour lui proposer douze textes autographes et parfaitement inédits de son fameux Weiskern (pour une somme aussi rondelette que parfaitement inaccessible à notre pauvre chercheur). Hélas! Trois fois hélas ! Les lettres sont des faux assez grossiers (ce qui lui vaudra quelques échanges avec un policier rabougri et décalé malgré lui), l'idée d'en faire le centre des deux volumes d'étude et de réédition pour lesquels aucun éditeur ne souhaite s'engager (on les comprend) disparaît aussi sec, et, malgré l'aide inattendue d'un jeune financier aux dents longues (cousin de la généreuse Marion) dans sa lutte face au fisc allemand et aux méandres administratifs, la somme due lui semble toujours presque aussi inaccessible, quoi que diminuée de moitié et largement échelonnée. Au moins aurons-nous gagné à leurs échanges parfaitement désynchronisés, non dans le temps ni l'espace, mais dans les intentions de vivre, à mieux comprendre le fonctionnement de cet homme dépassé par le monde où il se meut à grand peine, ainsi que certaines des intentions du romancier de l'ex-RDA.

Le titre allemand de l'oeuvre de Christoph Hein est "Weiskerns Nachlass", que l'on pourrait assez aisément traduire par "l'héritage de Weiskern". Sauf que Hein joue, littéralement, sur le double sens du mot "nachlass" que l'on peut aussi bien traduire par héritage que par réduction, rabais. Car, sous ce travestissement du sarcasme, de la fable contemporaine hautaine et distanciée, c'est ce monde en rupture -double rupture : celle liée à la simple modernité du monde face aux habitudes d'un homme s'approchant sans relief de l'âge retraite. Celle aussi de cette autre Allemagne où les "valeurs" n'ont sans doute pas évolué au même rythme ni de la même manière qu'à l'Ouest, mais où le rattrapage, parfois douloureux et fulgurant, laisse un grand nombre de gens sur le carreau.
Car il s'agit bien d'héritage et de rabais. L'héritage social, culturel, littéraire d'un homme totalement dépassé par son époque où l'argent et ce qu'il peut représenter compte éminemment plus que la manière que l'on a à le gagner. Ou intégrité et culture n'ont guère de poids, ne se monnayant en rien lorsque seules les espèces numéraires, l'importance du compte bancaire sont la règle, la loi, le moyen tout autant que la finalité des finalités.
Ne nous égarons pas : Hein n'est pas du genre à regretter l'ex-RDA (il a trop souffert de la période communiste, de la censure, de l'absence de liberté pour cela). Mais son regard est plus que sombre et sceptique sur ce qui est en train d'advenir, chez lui, mais ce pourrait sans doute aussi être chez nous, depuis la chute du mur. Qu'il regrette, c'est fort possible, que des naïfs (mais pas Candide) tels que notre Rüdiger soient en cours d'extinction, car c'est souvent parmi ces destins de seconde main et en apparence sans relief, que l'on voit parfois émerger des losers magnifiques à l'image d'un Pessoa en littérature ou d'un Woody Allen au cinéma.

A travers ces chroniques de son époque, l'auteur rendu célèbre par l'Ami retrouvé passe en revue, sans concession et avec concision, les rapports entre humains, sans amour ni tendresse ni affects ; cette culture millénaire totalement mise au placard de l'efficacité libérale ; la pauvreté crasse d'une partie importante de la société, y compris chez ceux paraissant pourtant mieux armés intellectuellement ; enfin, le pouvoir exacerbé de l'argent.

Laissons, pour terminer, la parole à l'écrivain saxon : "Je ne fais qu'écrire ce que je vois et ce que j'entends. Je n'invente pas d'histoires, je les trouve."
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Leipzig, ex-RDA. Rüdiger Stolzenburg est assistant à mi-temps à l'université. Arrivé à l'âge de la retraite, il n'a jamais réussi ni à être nommé sur une chaire d'enseignement, ni même à avoir un contrat à plein temps. Nous entrons dans le monde difficile et décevant de l'enseignement universitaire le plus mal reconnu, celui des sciences humaines. Rüdiger enseigne la linguistique critique, se nourrit de penseurs et de chercheurs, contribue lui-même à l'organisation de colloques et de séminaires. Tout cela pour un salaire médiocre, dans une ambiance délétère . Car malgré les efforts de Schlösser, son directeur, le département court à sa perte. Il serait tellement plus lucratif et reconnu de travailler dans le domaine des sciences exactes !

A côté de ses horaires d'enseignant, RS se livre à des recherches qui le passionnent sur Weiskern, librettiste et topographe qui a écrit pour Mozart. Comme on sait, tout passionné est une proie potentielle pour les arnaqueurs en tous genres. En l'occurrence, un certain Aberte prend RS pour cible en lui proposant des manuscrits « authentiques » de Weiskern, dûment expertisés et cotés selon lui par une salle des ventes connue. Arnaque, plainte de l'expert ainsi utilisé malgré lui, police, traquenard pour confondre l'escroc : on se dit que tout va rentrer dans l'ordre.

Par ailleurs, notre distingué universitaire se trouve sacrément emberlificoté dans des histoires de coeur qui vont lui faire manquer la seule vraie histoire d'amour de sa vie avec Henriette. Il est également bouleversé par un imbroglio avec le fisc qui lui réclame une fortune pour retards de paiement, par un étudiant culotté mais nul en linguistique qui vient le harceler et par des minettes de treize - quatorze ans qui l'agressent, le ridiculisent et le blessent : on a rarement vu paisible enseignant à la fac autant enquiquiné par le contexte alors qu'il n'aspire qu'à faire, inlassablement, ses recherches sur certain librettiste du XVIIIème siècle !

Je dois être particulièrement sensible au sujet et en apprécier toute l'ironie, mais aussi l'approche douce-amère du monde de la recherche. Il faut dire que, partageant depuis plusieurs décennies la vie d'un distingué linguiste, je perçois bien tout ce que peut analyser et ressentir notre personnage. Tout de même, je rassure qui s'inquiéterait à mon sujet : je n'ai jamais ressenti de tels tracas dans la vie de mon chercheur préféré !

L'auteur porte un regard plein d'humour mais incisif aussi sur cette société où on gagne facilement beaucoup d'argent en tapotant sur un ordinateur dans le monde de la bourse, alors que des intellectuels érudits et passionnés travaillent pour trois francs six sous. Il dénonce aussi une société où des ados à peine pubères peuvent se montrer de vrais gangsters en herbe tandis qu'un respectable universitaire s'égare auprès de toutes jeunes conquêtes. Tentative de corruption, escroquerie, floueur floué : il semble que Christoph Hein renvoie dos à dos les protagonistes de son roman. Aucune morale n'est à tirer d'une telle démonstration. Un certain désenchantement peut-être...

Ce faisant, il fait sienne cette théorie de l'Aufklärung défendue, entre autres, par Emmanuel Kant en 1784 :

« L'Aufklärung, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de minorité dont il est lui-même responsable. L'état de minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de minorité quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude ! [Ose savoir !] Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise de l'Aufklärung.. »

C'est un livre que j'ai eu plaisir à découvrir, bien que l'ayant lu par trop petits morceaux - ambiance actuelle oblige- ce qui en a sans doute un peu altéré l'intérêt.

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Je ne suis pas une spécialiste de la littérature allemande.
Christoph Hein était un inconnu pour moi avant la sélection masse critique.
Je ne connaissais pas le terme librettiste (un livret est en musique, un texte littéraire, presque toujours en vers, complétant une oeuvre musicale. Un librettiste est l'auteur d'un livret)... erreur réparée.
Je ne connaissais pas Friedrich Wilhelm Weiskern (acteur allemand, dramaturge et topographe, surtout connu comme étant l'auteur du livret de Singspiel Bastien und Bastienne, une oeuvre de jeunesse de Wolfgang Amadeus Mozart) ... information retenue.
Je ne connaissais pas l'écriture Sütterlin (une écriture manuscrite héritée de l'écriture gothique allemande. Introduite en Prusse en 1915, elle s'est répandue en Allemagne dans les années 1920 et y a utilisé jusqu'en 1941, même jusqu'en Alsace pendant la dernière guerre ) .... détail historique rappelé.
Après ces petites précisions culturelles, et les remerciements habituels pour masse critique et les éditions Métailié pour cette découverte j'ai ainsi pu combler certaines de mes lacunes.
Je suis donc partie à la découverte de Rüdiger Stolzenburg, personnage au demeurant plutôt sympathique, enfermé dans sa solitude choisie et voulue.
La lecture du texte s'enchaîne, le style de l'auteur nous accompagne dans des digressions amusantes. Les visions d'hélices du moteur d'un avion s'arrêtant pendant le vol, me réveillent parfois au cours de certains de mes rêves et j'examine moi aussi l'image de ma vie par moment en suspens.
Contrairement aux critiques lues ici et là, je ne suis pas sûre que le héros de Christoph Hein soit l'éternel perdant de notre ordre du monde.
Il ne partage pas ses valeurs, mais il en a d'autres, qu'il revendique et dont il est fier.
Il a du mal avec notre euro sacré et n'y accorde pas tant d'importance même si sa méconnaissance des règles du marché peut lui gâcher la vie, oui mais voilà, la valeur de l'euro lui il s'en fout. Sa vie n'est pas régie par les mêmes règles, par les mêmes valeurs, ni par la même morale.
Le livre ne nous livre pas de conclusion. On ne sait pas de quoi demain sera fait pour Rüdiger et alors !
Il a d'autres passions, d'autres intérêts, et il accepte de vivre avec, dans son monde en parallèle avec le nôtre .... je ne suis pas sûre que ce soit lui le perdant !
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Une nouvelle lecture dans le cadre de la rentrée littéraire ! Je l'avais repéré dans mes envies en juin dernier, sans connaître l'auteur, Christoph Hein. Ce dernier, né en Silésie en 1944 est pourtant très connu outre-Rhin pour ses écrits et ses interventions publiques depuis1989 (la fameuse chute dur Mur). Il est aujourd'hui l'un des intellectuels les plus importants de l'Allemagne contemporaine et vit à Berlin.

Le héros de son roman s'appelle Rüdiger Stolzenburg (étrangement son nom m'a vraiment posé souci pendant ma lecture) et il fête ses 59 ans lorsque l'histoire commence. Chargé de cours à mi-temps à l'université de Leipzig, l'homme comprend qu'il ne sera jamais titularisé. En premier parce que l'université manque cruellement d'argent, et en second parce que son champ de recherches (professeur d'éthique) n'intéresse personne. Mais ce dernier pense surtout que les postes sont attribués en priorité à des collègues originaires de l'Ouest. En effet, depuis la chute du Mur, ces derniers sont arrivés avec une réforme en profondeur du système universitaire qui a suivi a bouleversé ses plans de carrière. Rüdiger Stolzenburg est un homme peu aimable. Il collectionne les femmes, souvent jeunes, et accorde peu de cas à la seule femme qui l'aime réellement. L'homme est plutôt imbu de sa personne : il ne cesse de juger ses collègues pour leurs comportements parfois fallacieux et estime être un des rares à exercer encore son métier avec sérieux.

Mais les ennuis arrivent bientôt. Ainsi, notre homme, qui est dépensier et n'arrive pas à économiser le moindre sou n'arrive pas à joindre les deux bouts car tout a augmenté depuis la réunification. Lorsqu'il reçoit un courrier du fisc lui notifiant un redressement d'impôts (plus de 13 000€), notre héros est effondré. Il ne comprend pas et demande l'aide à une collègue qui lui conseille un ami expert financier afin de négocier avec le fisc.

En attendant, Rüdiger Stolzenburg continue de fantasmer sur des manuscrits inédits signés du librettiste et compositeur Weiskern dont il aimerait tant publier les écrits, mais aucun éditeur ne trouve le projet sérieux et toutes ces tentatives échouent. Aujourd'hui, dans la société de consommation, il faut vendre or Weiskern est tombé dans les oubliettes. Lorsqu'un collectionneur l'informe être en possession de lettres inédites de Weiskern, notre héros croit avoir trouvé la solution. le collectionneur lui affirme qu'elles ont été identifiées par les autorités autrichiennes et il lui propose de les racheter à un prix avantageux avant de les proposer à un musée. Mais Rüdiger Stolzenburg n'a pas l'argent – le voilà à remuer ciel et terre pour trouver les fonds, quitte à remettre en cause tous ses principes.
Que dire ? Christoph Hein montre ici comment la vie simple d'un chargé de cours peut se transformer en un véritable cauchemar. Rüdiger Stolzenburg se souvient avec plaisir de ses premières années d'enseignement, le temps où il ne présentait jamais deux années de suite les mêmes cours, le temps où ses étudiants le vénéraient. Mais les temps ont changé : les étudiants ont quitté ses cours, l'éthique n'a plus bonne presse. Il ne peut s'empêcher de dire à voix haute de ce qu'il pense de la réunification, en tant qu'Allemand de l'Est : il vilipende la course à l'argent et le dit ouvertement à cet expert financier qui vient l'aider à résoudre son problème avec le fisc. Ce dernier, qui aime gagner de l'argent facilement en boursicotant ne comprend pas le choix de vie de notre professeur. Les deux mondes s'entrechoquent.
Mal à l'aise dans cette société de consommation, Rüdiger Stolzenburg est amené à faire des choix cruciaux : doit-il céder à la tentation ou au contraire rester fidèle à ses principes ? Il semble totalement perdu dans cette nouvelle Allemagne. Comme le manuscrit égaré de son héros, Rüdiger Stolzenburg semble faire partie du passé.
Le dramaturge offre au lecture une vision plutôt lucide et amère du monde réel. Mon seul bémol c'est que l'action est supposée se dérouler aujourd'hui, or la chute du Mur date de 1989…Sinon, le héros est parfois trop naïf et son comportement envers les autres est parfois déroutant. Il est égocentrique et orgueilleux mais ses ennuis le rendent soudainement vulnérable et donc plus humain.
Un regard intéressant sur l'Allemagne et ses habitants, je comprends mieux pourquoi l'homme est un intellectuel respecté. Si, lors de ma lecture, je n'ai pas pensé à la réunification en elle-même, il s'attaque surtout à la société de consommation, il m'apparait clair à présent qu'elle est un des sujets de fond de ce roman. L'autre, portant, à mon avis, sur la différenciation entre l'image que l'on a de soi et sur celle que nous renvoient les autres.
Lien : http://www.tombeeduciel.com/..
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Quelque chose avait changé. Il avait changé. Son ambition avait disparu, elle l’avait lâché, s’était doucement, imperceptiblement, éloignée de lui. Il se surprenait, pendant qu’il préparait ses séminaires, à feuilleter rapidement les textes, à parcourir avec lassitude la littérature critique, à prendre des notes avec ennui, à n’être plus intéressé par le sujet, et à se contenter de noter quelques points de repères pour être suffisamment armé pour le séminaire. Suivait-il maintenant ses étudiants dans leur manque d’intérêt généralisé, dans leur apathie ? S’était-il laissé contaminer par eux, par leur époustouflante absence de participation à l’ensemble de ses cours et à leurs études en général ? Ou était-ce ainsi que commençait la vieillesse, sa vieillesse ? Une gestion absurde de ses propres forces, une attention à soi ? Il ne lui manquait plus que de prendre l’habitude de faire la sieste, de se retirer, comme Rotheimer, dans son bureau après le déjeuner, de signaler à sa secrétaire qu’il ne serait pas joignable pendant une demi-heure et de piquer un roupillon.
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Le linguiste Rüdiger Stolzenburg à son étudiant:
Visiblement nous nous sommes fixés tous les deux des priorités différentes, ou on nous les a fixées. Suivre les fluctuations des cours de la Bourse, observer des panneaux remplis de chiffres, spéculer sur des matières premières ou des valeurs virtuelles, cela me plongerait dans la dépression. Je serais au bord du suicide si je devais jour après jour contrôler des colonnes de chiffres.[...] Vous achetez et vendez des chiffres. Votre vie n'est qu'un zigzag conditionné par les hauts et les bas des cotations.
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Dans son vocabulaire, un nouveau concept était apparu, un terme qui lui aurait fait horreur quelques années auparavant, un terme qui avait été jusque-là incompatible avec sa culture, son éducation, sa conception de l'université et de l'enseignement, sa conception de l'homme et de la vie. J'en apprends tous les jours, se disait-il, lorsqu'il employa pour la première fois le terme "tirer", lorsqu'il dit à une collègue qu'il avait encore un semestre à tirer. Ce jour-là il avait sursauté, mais comme sa collègue n'avait pas réagi face à cette étrange expression, et comme le choix de ce mot ne la dérangeait apparemment pas, il se moqua de lui-même.
(p29)
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- Peut-être devrais-tu laisser tomber ton Weiskern et travailler sur un phare. J'aime les phares. Tu sais bien que je vais chaque année avec mon professeur sur une île. Et chaque année je monte sur le vieux phare jusqu'à la plateforme. Il y a deux-cent cinquante-cinq ou deux cent cinquante-trois marches, je les compte chaque fois, et j'obtiens chaque fois un résultat différent. J'aime ce vieux phare sur Nordeney et je suis incroyablement heureuse quand j'arrive et revois enfin ce vieux monstre. Les phares sont beaux, Rüdiger, tu peux peut-être en découvrir un pour toi.
(p 90)
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Dans son vocabulaire un nouveau concept était apparu, un terme qui lui aurait fait horreur quelques années auparavant, un terme qui avait été jusque-là incompatible avec sa culture, son éducation, sa conception de l’université et de l’enseignement, sa conception de l’homme et de la vie. J’en apprends tous les jours, se disait-il, lorsqu’il employa pour la première fois le terme de “tirer”, lorsqu’il dit à une collègue qu’il avait encore un semestre à tirer. Ce jour-là il avait sursauté, mais comme sa collègue n’avait pas réagi face à cette étrange expression, et comme le choix de ce mot ne la dérangeait apparemment pas, il se moqua de lui-même. En réalité il y a longtemps qu’il en était arrivé à “tirer” ses heures de cours et de séminaire, bien avant d’avoir prononcé ce mot pour la première fois.
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