Je craignais un peu que cet essai de
Pascal Herlem, dont la rédaction a débuté en 2006, en pleine année du chien, puisse être trop sérieux ou imprégné de jargon psychanalytique. Ce n'est pas le cas et il pourrait effectivement «constituer une distraction pour quelques chinois moroses».
L'auteur va nous faire suivre différentes pistes en commençant par la rencontre des chiens de lettres appartenant à
Alphonse Allais, Buffon,
Stevenson,
Marcel Aymé, Tchekov,
Boulgakov etc..
Tout en nous montrant que
Jean Echenoz n'est pas le seul à avoir introduit des chiens dans son univers littéraire il nous dit aussi qu'il a une manière bien à lui de l'avoir fait, de telle sorte que les chiens qui traversent ses livres lui appartiennent et sont bien devenus, façonnés au gré et selon les besoins de l'art romanesque propre à l'auteur, «Les chiens d'
Echenoz».
C'est avec beaucoup d'humour qu'il permet d'apprécier et découvrir les caractéristiques des romans de
Jean Echenoz et les particularismes de son style fait d'ironie distante à travers de multiples utilisations des chiens comme dans «Un
lac» cette suite de variations autour des odeurs où le chien est à la fois présent et absent :
il «flottait une puissante odeur de chien bien qu'il n'y eût pas de chien» (p. 64); «Régnaient de suffocantes odeurs d'essence et de chien, mais cette fois avec un chien» (p. 66); «flottait une odeur de grésil et de cendre mais pas de chien bien qu'il y en eût un» (p. 68).
Mais comme nous le fait remarquer
Pascal Herlem «Le réseau routier de l'oeuvre d'
Echenoz est très dense et son maillage serré assure une couverture du territoire romanesque telle que le sens peut circuler aisément dans toutes les directions possibles» Dans son essai il suit une progression dans la façon qu'a
Echenoz d'accommoder le chien à sa sauce, du «chien de langue» utilisé dans des locutions comme temps de chien, malade comme un chien, puis les caractères du chien comme son odeur, ses aboiements, les différentes races pour aboutir au dixième et dernier chapitre à un chien personnalisé d'une race et d'un nom défini et appartenant à un «être humain dont l'identité nous est révélée». A travers les chiens c'est en fait l'homme et le monde dans lequel il vit qui prend forme.
J'ai apprécié aussi que
Pascal Herlem nous dise que, suivant «notre nez», l'on puisse suivre d'autres pistes que la sienne. S'il nous dresse le panorama de l'«Echenozographie» canine, on pourrait tout aussi bien choisir celui de l'Echenozographie chevaline, bovine, aviaire, botanique... Ce livre à mes yeux joue le rôle des cailloux blancs du petit Poucet en posant quelques repères dans une oeuvre où l'auteur n'aime rien tant que se perdre, jouer et se jouer de son lecteur. A chacun d'y faire son chemin.
Bien qu'ayant lu quelques romans de
Jean Echenoz je ne me souvenais pas que les chiens y soient particulièrement présents. J'ai eu envie de lire ce livre qui a éveillé ma curiosité dans la liste de la masse critique proposée par Babelio et je ne regrette pas ma lecture. Merci à Babelio et aux éditions Calliopées pour m'avoir permis de lire ce livre que j'aurais peut-être hésité à acheter.