Akio Maehara, employé de bureau à la vie morne comme un dimanche avec
Drucker, n'est pas spécialement enclin à se précipiter dans son foyer, après son travail. Il préfère de beaucoup traîner dans les bars ou fricoter avec sa maîtresse, et on peut le comprendre. Il faut dire que, chez lui, rien de très motivant ne l'attend. Entre Masae, sa mère atteinte de démence sénile, Yaeko, sa femme autoritaire psycho-rigide et Naomi, son ado tête à claques, ça ne respire pas la joie de vivre. Un ado insolent, petit roi accro aux jeux vidéo et à son smartphone, qui passe ses journées enfermé dans sa chambre et qui consent parfois à répondre à ses parents en soupirant… Rien que de très classique. Que celui qui n'en connaît pas une bonne poignée rien que dans son entourage lève la main. Personne ? Ok, on peut continuer.
Le Naomi en question, quatorze ans et toutes ses dents, est quand même un petit peu moins classique que la moyenne. Lui, ce ne sont pas ses chaussettes sales qu'il laisse traîner, mais le cadavre d'une petite fille de sept ans, qu'il avait attirée chez lui en lui montrant... ses jouets (ouf, la morale est sauve !). Avant de l'étrangler, de déplacer le corps dans le jardin (pour ne pas, délicate attention, que la maison sente trop la pisse) et de retourner jouer dans sa chambre, comme si de rien n'était. Ah, ces ados...
Akio et Yaeko, du coup, sont un peu désemparés (on le serait à moins), surtout qu'ils ne sont d'accord sur rien. Un couple dysfonctionnel au possible, véritable modèle du genre.
Après bien des tergiversations, ils prennent la lourde décision de sauvegarder la vie future de leur raclure de fils en transbahutant le petit cadavre dans des toilettes publiques. C'est bien sûr Akio qui se charge du sale boulot, mais de manière tellement improvisée qu'il sème quantité d'indices derrière lui.
Logiquement, les soupçons de la police, en la personne de Matsumiya et Kaga, un duo d'enquêteurs formé de deux cousins, ne tarde pas à se porter sur les Maehara, obligeant ces derniers à échafauder dans l'urgence un nouveau plan. Et le fait que ce plan de substitution soit grandement prévisible ne gâche pas le plaisir, bien au contraire !
La description des différents personnages et, surtout, les relations entre les membres des deux familles sont délectables. Parallèlement à ce jeu du chat et de la souris entre les deux parties, certains aspects de la société japonaise sont abordés, principalement la notion de honte et de réputation, mais aussi le rapport aux personnes âgées qui bien souvent sont pris en charge par leurs enfants.
Roman psychologique très sombre et très prenant, à l'écriture fluide et facile, alternant entre le point de vue des Maehara, de plus en plus acculés par leurs mensonges, et celui des deux cousins. Avec deux chutes inattendues (contrairement au plan foireux des époux Maehara), ce qui ne gâche rien !
Un vrai petit bijou d'humour noir.