Alors que
Françoise Sagan nous demandait si on aimait Brahms (
Aimez-vous Brahms ?), je vous demande si vous aimez Beethoven, parce qu'il va en être drôlement question, par ici. le compositeur classique allemand, dont le portrait est reconnaissable entre quarante-treize portraits, est l'un des favoris du grand public. du haut de mon statut de pianiste amateur et d'ancien fan de musique classique – j'en écoutais en masse quand j'étais à la fac, et aujourd'hui ça m'est complètement passé -, je peux vous assurer que Beethoven est mon compositeur préféré, au point que j'ai plusieurs biographies de lui, l'intégrale de sa correspondance, etc. Et, évidemment, je joue plusieurs de ses morceaux au piano, le thème du premier mouvement de son Quatorzième quatuor pour cordes me hante encore, j'adore sa Septième symphonie, le mouvement lent de sa Huitième symphonie, etc. Bref, Beethoven est mon chouchou, avec tout un tas d'autres compositeurs et compositrices du XVIIIème et XIXème siècle. L'une de ses biographies a été écrite par
Michel Honaker, un auteur pour la jeunesse qui a également signé quelques polars et autres romans de science-fiction, dont celui du jour.
Le critique musical Larry Nelson entend trop, c'est un réel handicap pour lui qui entend le pet des mouches la nuit. Un soir de concert, il est dépêché pour enquêter sur la mort de l'un des plus prestigieux chefs d'orchestre de son temps : Klikovitch. Ce dernier est notamment célèbre pour avoir prétendument trouvé l'autographe, soit la version manuscrite, de la Dixième Symphonie de Beethoven, et a commencé à la jouer en concert. Est-ce pour ça qu'il a été assassiné ? Sans doute.
Michel Honaker se base sur un postulat assez simple : celui qui dit que la Dixième symphonie a été réellement et entièrement rédigée par celui qu'on surnomme le Maître de Bonn, rien que ça. En tout cas c'est ce que prétend l'un des chefs d'orchestre les plus en vue dans cette société futuriste. Je ne sais même pas si on savait que le compositeur planchait sur une dixième symphonie, restée à l'état d'ébauche parce que madame la mort est passée lui claquer la bise, au moment où l'auteur a réfléchi au scénario du roman. Sans doute que oui,
Michel Honaker étant assez calé en musique, vu les bonnes biographies romancées de compositeurs qu'il a publiées chez Rageot, un éditeur jeunesse.
Le son a une place prépondérante dans ce roman où l'écriture, plus qu'ailleurs, est musicale, bruyante, de part les descriptions de la ville qui y sont faites, les bruits du quotidien qui deviennent agressifs. Et mettre en avant deux personnages qui, respectivement, entendent trop ou pas du tout, est très efficace, surtout qu'ils mènent chacun leurs enquêtes, que celles-ci finissent plus ou moins par se télescoper. « Capitaine Café, t'es en train de nous dire que dans ce roman Beethoven mène une enquête ? » Oui. Je ne vous dirai pas la nature ni le pourquoi de cette enquête, mais toutes les parties où il occupe le premier plan sont très plaisantes à lire, car écrites d'une manière différente du reste du roman – on dirait des monologues intérieurs, quoique la narration soit extérieure.
Toute l'atmosphère du roman est bizarre, baroque, torturée, les personnages, maigres, solitaires, ne sont jamais vraiment ce qu'ils paraissent être – même Larry Nelson, que l'on devine pourtant très fort, a des parts d'ombre qui se dispersent au fur et à mesure que l'on avance dans le récit. L'ambiance est pesante, angoissante, poisseuse, et ajoutez à cela ce que j'ai dit sur le son, qui est aussi bienvenu que malvenu, et vous obtenez un monde cauchemardesque. Je donne la mention « Respect » à
Honaker qui nous livre une première scène des plus marquantes pour son côté totalement barré.
Si vous ne savez pas quoi lire un soir, que vous voulez quelque chose qui ne prend pas trop la tête parce que vous sortez juste du Problème à trois corps de
Liu Cixin, lisez
l'Oreille absolue : polar sympathique sur fond de musique beethovénienne. Vous n'apprendrez rien sur le compositeur allemand, ce n'est pas une biographie, mais l'idée que Beethoven puisse être un personnage de SF peut faire sourire, intriguer, et finalement vous faire passer un bon moment.