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Citations sur Juliet naked (36)

Ils étaient venus d'Angleterre jusqu'à Minneapolis pour visiter des toilettes. La vérité pure de ce fait ne frappa Annie qu'une fois sur place : excepté les graffitis sur les murs, dont certains faisaient allusion à l'importance de ces toilettes dans l'histoire de la musique, l'endroit était froid et humide, chichement éclairé, malodorant et parfaitement banal. Les Américains avaient le don pour tirer le meilleur parti de leur héritage, mais là, il n'y avait pas grand-chose à en tirer.
«Annie, tu as l'appareil photo ? demanda Duncan.
- Oui. Mais tu veux faire une photo de quoi ?
- Eh bien, tu sais...
- Non.
- Eh bien... les toilettes.
- Quoi, les... Comment on appelle ça ?
- Les urinoirs. Ouais.
- Tu veux être sur la photo ?
- Je devrai faire semblant de pisser ?
- Si tu veux.»
Duncan se posta donc devant l'un des trois urinoirs, celui du milieu, plaça les mains de façon convaincante devant lui, et sourit à Annie par-dessus son épaule.
«C'est bon ?
- Je ne sais pas si le flash a marché.
- Prends-en une autre. Ce serait idiot d'avoir fait tout ce chemin et de ne pas en avoir une bonne.»
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Annie ne regrettait pas le voyage. Elle était déjà venue deux fois aux États-Unis, à San Francisco et à New York, mais elle aimait bien la façon dont Tucker les amenait dans des lieux qu'elle n'aurait jamais visités sans ça.
Bozeman, par exemple, se révéla être une jolie petite ville, entourée de chaînes de montagnes aux noms exotiques dont elle n'avait jamais entendu parler : la Big Belt, la Tobacco Root, les Spanish Peaks. Après avoir contemplé la petite maison qui n'avait rien de spécial, ils gagnèrent le centre-ville à pied et sirotèrent un thé glacé au soleil, à la terrasse d'un café bio, tandis qu'au loin un Spanish Peak, ou peut-être le sommet d'une Tobacco Root, menaçait de temps en temps de piquer le ciel bleu et froid. Annie avait connu des matinées pires que celle-là, lors de vacances bien plus prometteuses. À ses yeux, c'était une sorte de tour d'Amérique aléatoire, des épingles plantées dans une carte géographique. Elle en avait marre d'entendre parler de Tucker, certes, et de parler de lui, de l'écouter et d'essayer de démêler les motivations de chacune de ses décisions, tant d'ordre créatif que personnel. Mais elle en avait marre d'entendre parler de lui à la maison aussi, et elle préférait en avoir marre de lui dans le Montana ou dans le Tennessee qu'à Gooleness, la petite station balnéaire anglaise où elle vivait avec Duncan.
Le seul endroit qui ne figurait pas sur leur itinéraire, c'était Tyrone, en Pennsylvanie, où Tucker vivait prétendument, encore que, comme toute orthodoxie, celle-ci avait son lot d'hérétiques : deux ou trois membres de la communauté dédiée à Crowe souscrivaient à la théorie - intéressante mais grotesque, selon Duncan - qu'il vivait en Nouvelle-Zélande depuis le début des années 90. Tyrone n'avait même pas été évoqué comme une destination possible lorsqu'ils avaient planifié leur voyage, et Annie pensait savoir pourquoi. Deux ou trois ans plus tôt, un fan était allé jusqu'à Tyrone, il avait traîné dans le coin et fini par localiser ce qu'il avait cru être la ferme de Tucker Crowe ; il en était revenu avec une photo d'un type épouvantablement grisonnant et qui le menaçait d'une arme. Annie avait vu cette photo, à plusieurs reprises et la trouvait pitoyable.
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Duncan et Annie ne s'étaient jamais fait d'amis en vacances : Duncan était toujours terrifié par la perspective d'engager la conversation, par peur de "se retrouver coincé". Une fois où il était assis au bord de la piscine de l'hôtel sur la côte amalfitaine, il avait aperçu quelqu'un qui lisait le même livre que lui, une biographie relativement peu connue d'un musicien de soul ou de blues. Certaines personnes - la plupart peut-être - auraient vu là une coincidence heureuse et inattendue justifiant un sourire ou un salut, peut-être même un verre, et éventuellement un échange d'adresses e-mail ; Duncan avait aussi sec regagné leur chambre pour poser le livre et en prendre un autre, juste au cas où l'autre lecteur se piquerait de vouloir bavarder.
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A sa décharge, il n'était pas un de ces oisifs bienheureux. Il n'avait jamais pu faire le deuil de son talent, faute d'un meilleur mot pour décrire le truc, quel qu'il soit, qu'il avait autrefois possédé.
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Le problème, avec un concert, si on n'était pas emporté par une vague d'enthousiasme viscéral ou intellectuel, c'est qu'il n'y avait pas grand chose à faire, sinon penser ; et Tucker sentait bien que The Chris Jones Band, en dépit de leurs efforts transpirants, ne seraient jamais capables de faire oublier aux gens qui ils étaient, et comment ils l'étaient devenus. La musique médiocre et assourdissante vous parquait en vous-même, elle vous incitait à arpenter votre esprit, jusqu'à vous donner une vision assez précise de la façon dont tout ça pourrait finalement se terminer pour vous. Dans les soixante-quinze minutes qu'il passa en sa propre compagnie, Tucker se débrouilla pour revisiter à peu près tous les lieux qu'il aurait été heureux de ne jamais revoir.
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Les adultes, cependant, et particulièrement ceux qui ont plusieurs enfants, se retrouvent parfois dans une situation ou ils ont besoin de disposer de fonds plus abondants que le bocal de petite monnaie généreusement abandonné dans la chambre par l' ex-épouse .
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- Qu'est-ce que tu vas faire? demanda Jerry.
- Je suis pas sûr de pouvoir faire grand chose, tu crois pas? La plupart des Etats interdisent l'avortement après la naissance de l'enfant.
- Sympa, dit Jerry. Et classe. Tu vas aller la voir?
- C'était cool de te croiser, Jerry. p.207
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La capacité à se satisfaire de sa vie comptait elle plus que la vie elle même ?
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Elle avait besoin de penser. Ou, plus exactement, elle avait besoin d'arrêter de penser au truc auquel elle pensait, si elle voulait avoir une chance de penser à quelque chose d'autre ce jour-là ; et ce à quoi elle pensait, plus encore qu'à Tucker Crowe et à sa vie compliquée, c'était comment "Naked" avait empoisonné l'air qu'elle respirait dans sa maison.
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La capacité à se satisfaire de sa vie comptait-elle plus que la vie elle-même ?
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