Attaquons donc la rentrée littéraire 1994, avec ce premier roman d'un nouvel auteur, paru chez un 'petit' éditeur; roman 'vendu' par le responsable de la bibli, qui me l'a carrément mis en mains, et j'ai d'autant vite cédé que la bestiole comporte moins de 200 pages. Auparavant ledit responsable et moi avions échangé sur l'idée d'Auster dans 4321, avec des vies différentes du même personnage, lui rappelant un roman de
Houellebecq, mais lequel? (
la possibilité d'une île?). Voilà comment je me suis retrouvée à lire mon 'premier Houellebecq'. Tout arrive.
Méfiante, j'ai préféré démarrer hors période de spleen, déprime, quand mon taux d'hormone du bonheur est à son maximum. Quelque chose me disait que ça valait mieux, pour aborder l'ouvrage d'un Droopy de la littérature (ce n'est pas de moi)(de Lançon je crois, qui avait aimé son dernier roman, raconte-t-il dans le lambeau)
Alors, résultat?
Ben, toujours vivante. Pourtant les aventures (si l'on peut dire) de ce cadre technicien en informatique du ministère de l'Agriculture parcourant la France pour initier aux nouveaux logiciels sont peu glamour, et encore moins son collègue Tisserand (pauvre gars!). Dépressifs de tous les pays, unissez-vous, bon je rigole mais c'est finement observé je pense.
Quid du titre? Grâce au petit malin qui a encadré les 'bons passages', ce fut tout de suite trouvé (page 115). "Le libéralisme économique, c'est l'
extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. de même, le libéralisme sexuel, c'est l'
extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société."
"Vous avez eu une vie. Il y a eu des moments où vous aviez eu une vie. Certes, vous ne vous en souvenez plus très bien; mais des photographie l'attestent. Ceci se passait probablement à l'époque de votre adolescence, ou un peu après. Comme votre appétit de vivre était grand, alors! L'existence vous paraissait riche de possibilités inédites. Vous pouviez devenir chanteur de variétés; partir au Venezuela."
"La forme romanesque n'est pas conçue pour peindre l'indifférence, ni le néant; il faudrait inventer une articulation plus plate, plus concise et plus morne."
"Mon propos n'est pas de vous enchanter par se subtiles notations psychologiques. je n'ambitionne pas de vous arracher des applaudissements par ma finesse et mon humour. Il est des auteurs qui font servir leur talent à la description délicate de différents états d'âme, traits de caractère, etc. On ne me comptera pas parmi ceux-là. Toute cette accumulation de détails réalistes, censés camper des personnages nettement différenciés, m'est toujours apparue, je m'excuse de la dire, comme pure foutaise."
Alors? finalement il n'a jamais été question d'abandonner ce roman, et je comprends qu'il ait attiré l'attention d'un éditeur à cette époque. Diantre, il y a quelque chose là-dedans! Original, piquant, bien observé, pas feel good pour un sou.
Mais! Dès les début j'ai arboré un sourire intérieur, pensant 'mais c'est très drôle ce truc', bon, OK, au 12ème degré. Quelques exemples, et il y en a d'autres.
"Il se peut, sympathique ami lecteur, que vous soyez vous-même une femme. Ne vous en faites pas, ce sont des choses qui arrivent. D'ailleurs ça ne modifie en rien ce que j'ai à vous dire. Je ratisse large."
"De retour à l'hôtel, j'ai essayé de dormir, mais ça n'allait pas; une fois allongé, je n'arrivais plus à respirer. Je me suis rassis; le papier peint était décourageant."
Bref, j'ai lu
Houellebecq.
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